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Covid-19 et loyers commerciaux : un juge du fond admet la perte du local loué

Un juge du fond applique les dispositions sur la perte du bien loué pour dispenser un locataire commercial du paiement des loyers dus à l'occasion du premier confinement. Le jeu de l'exception d'inexécution pour défaut de délivrance est, en revanche, à nouveau écarté. 

TJ La Rochelle 23-3-2021 n° 20/024


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Contraint de fermer son magasin de prêt-à-porter en raison de la crise sanitaire, le locataire d'un local commercial suspend le paiement de ses loyers pour la période du 16 mars au 11 mai 2020. Il oppose à son bailleur deux arguments tirés du droit commun des contrats et du bail. 

1. En premier lieu, il invoque l'exception d'inexécution, le bailleur ayant, selon lui, manqué à son obligation de délivrance. 

Cet argument est écarté par le tribunal judiciaire de La Rochelle, statuant au fond : le manquement à l'obligation de délivrance est caractérisé lorsque le locataire ne peut plus, du fait du bailleur, jouir du local commercial ; le bailleur n'est pas tenu de garantir au locataire la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s'exerce son activité. En l'espèce, le bailleur n'avait pas mis obstacle à la jouissance des lieux, la situation étant imputable au fait du prince, entendu comme une décision de l'autorité publique ayant pour conséquence de porter atteinte à l'équilibre financier de situations contractuelles et qui, en matière civile, peut constituer un cas de force majeure.

Le bailleur pouvait ainsi se prévaloir du fait du prince constitutif de force majeure dès lors que les mesures de fermeture autoritaire des commerces avaient constitué pour lui un obstacle insurmontable à l'exécution de son obligation essentielle de délivrance. Le locataire pouvait, par ailleurs, parfaitement accéder à son local. 

2. Le juge fait droit, en revanche, à la demande du locataire de dispense du loyer fondée sur les dispositions suivant lesquelles la perte du local loué, à la suite d'un cas fortuit, peut entraîner la résolution du bail ou la diminution du loyer (C. civ. art. 1722). Il relève que la perte de la chose peut être assimilée à l'impossibilité d'user des locaux en raison d'un cas fortuit, que cette perte est établie lorsque le locataire est dans l'impossibilité de l'utiliser par suite de l'application d'une disposition légale intervenue en cours de bail et qu'elle peut être matérielle ou juridique.

L'article 1722 du Code civil peut s'appliquer en l'absence de détérioration matérielle dès lors que le locataire se trouve dans l'impossibilité de jouir de l'immeuble, d'en faire usage conformément à sa destination, du fait d'une décision administrative ordonnant la suspension de l'exploitation d'un commerce, la perte pouvant être partielle, lorsque la fermeture est temporaire. 

Par suite, le locataire ne devait aucun loyer au titre du premier confinement. 

A noter : 1. Plusieurs décisions rendues au fond ont déjà écarté la possibilité pour le locataire commercial d'invoquer un manquement du bailleur à son obligation de délivrance dans le contexte de la crise sanitaire (TJ Paris 25-2-2021 n° 18/02353 : BRDA 7/21 inf. 17 ; CA Grenoble 5-11-2020 n° 16/04533 : BRDA 23/20 inf. 19) ; et plusieurs décisions rendues en référé (notamment : TJ Paris réf. 26-10-2020 n° 20/53713 : BRDA 22/20 inf. 24). La décision commentée s'inscrit donc dans cette tendance.

La question reste néanmoins très débattue (J. D. Barbier, « Loyers commerciaux en temps de pandémie, double peine et triple erreur » : Dalloz actu du 10-3-2021 ; voir également nos observations sous TJ Paris réf. 26-10-2020 précité). 

2. C'est la première fois, à notre connaissance, qu'un juge se prononce au fond sur la question de l'application des dispositions de l'article 1722 du Code civil dans le contexte de la crise sanitaire. La même solution a déjà été retenue, notamment, par des juges de l'exécution (par exemple, TJ Paris JEX 20-1-2021 n° 20/80923 : BRDA 4/21 inf. 19). Elle ne fait néanmoins pas l'unanimité (TJ Strasbourg réf. 19-2-2021 n° 20/00552 : BRDA 7/21 inf. 24).

Maya VANDEVELDE

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 5210 et 14800

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne