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Effet pervers de la résiliation brutale d’un pacte d’actionnaires avec promesses croisées

En résiliant sans préavis un pacte d’actionnaires incluant des promesses croisées d’achat et de vente de droits sociaux, l'un des signataires s’expose à exécuter sa promesse si le bénéficiaire lève l’option dans un délai raisonnable après la résiliation.

Cass. com. 27-9-2017 n° 16-13.112 F-D


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Aux termes d'un protocole d’accord, deux actionnaires d’une société, l’un majoritaire, l’autre minoritaire, conviennent des conditions de sortie de ce dernier du capital social, par des promesses réciproques d’achat et de vente de sa participation. Plusieurs années après, l’actionnaire majoritaire résilie unilatéralement le protocole. Deux mois plus tard, l’actionnaire minoritaire lève l’option de la promesse d’achat puis, face à la résistance de l’actionnaire majoritaire, il demande l’exécution forcée de la cession.

L’actionnaire majoritaire conteste la décision de la cour d’appel qui a fait droit à cette demande ; il invoque le caractère tardif de la levée de l’option, survenue après la résiliation du protocole d’accord.

La Cour de cassation valide la décision de la cour d’appel :

- le protocole d'accord concerné constituait une convention à durée indéterminée, comme telle toujours susceptible de résiliation unilatérale ; la faculté de rompre ne peut s'exercer de façon abusive et son auteur doit faire connaître ses intentions suffisamment à l'avance pour permettre à son cocontractant de prendre parti ; un préavis était sous-entendu au protocole car inhérent au mécanisme de la rupture unilatérale ; la cour d'appel, qui a souverainement estimé à six mois la durée du préavis raisonnable, a pu retenir que la résiliation du protocole était intervenue prématurément ;

- ce protocole contenait des promesses croisées d'achat et de vente, l'associé minoritaire promettant de vendre ses titres si l'associé majoritaire le lui demandait, et l'associé majoritaire promettant d'acquérir les titres du minoritaire si celui-ci entendait sortir de la société, le tout selon un prix déterminable ; les promesses d'achat et de vente que s'étaient consenties les parties étaient synallagmatiques, ayant le même objet et stipulées dans les mêmes termes, et la vente était donc parfaite dès la levée de l'option ; ce protocole n’ayant été résilié que six mois après la notification de la résiliation, la promesse d’achat de l’actionnaire majoritaire demeurait valable lors de la levée de l’option.

A noter : illustration intéressante combinant les principes qui régissent la résiliation unilatérale d’un contrat et ceux applicables aux promesses croisées d’achat et de vente.

1. Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable (C. civ. art. 1211 issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016 ; auparavant jurisprudence constante, notamment Cass. 1e civ. 16-5-2006 n° 03-10.328 F-D : RJDA 8-9/06 n° 866 exigeant un préavis raisonnable compte tenu de l’ancienneté des relations des parties ; Cass. com. 26-1-2010 n° 09-65.086 F-PB : RJDA 5/10 n° 470). Le juge du fond apprécie souverainement le caractère raisonnable du préavis (Cass. 1e civ. 19-2-2002 n° 00-10.292 F-D : RJDA 7/02 n° 729).

2. S’agissant des promesses croisées, la Cour de cassation a jugé que l'échange d'une promesse unilatérale d'achat et d'une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elles sont stipulées dans les mêmes termes (Cass. com. 22-11-2005 n° 04-12.183 F-PB : RJDA 4/06 n° 396). Elle avait en conséquence cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui avait déclaré les promesses caduques en l’absence de toute levée d’option.

Dans l’arrêt de 2017, les promesses répondaient aux caractéristiques retenues dans l'affaire de 2005 mais la vente n’est déclarée formée qu’en raison de la levée de l’option. Cette solution doit, à notre avis, être rapprochée de la définition de la promesse unilatérale, telle qu’elle est désormais fixée par l’article 1124 du Code civil (issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016). En vertu de ce texte, constitue une promesse unilatérale le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. En l’espèce, les promesses croisées comportaient bien chacune une option ; elles étaient synallagmatiques en ce qu’elles offraient des options réciproques mais elles ne valaient pas pour autant vente, tant que l’une ou l’autre des options n’avait pas été levée. Dans l’affaire de 2005, les promesses en cause étaient rédigées dans des termes qui manifestaient des engagements réciproques et fermes d’achat et de vente « au plus tard » à une date donnée mais elles ne comportaient pas à proprement parler d’option. La vente pouvait être considérée comme formée par l’échange des promesses.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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