Logo Lefebvre Dalloz Desktop
Votre métier
icone de recherche
icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Comptable/ Comptabilité et Fiscalité

Le programme de l'Autorité des normes comptables pour améliorer la connexion comptabilité-fiscalité

Au printemps dernier, Fondafip organisait à Bercy un colloque sur le contrôle fiscal et une table ronde sur le rôle de la connexion comptabilité-fiscalité. Le président de l'Autorité des normes comptables, Patrick de Cambourg, revient sur cette très importante question dans une interview accordée à Claude Lopater.


QUOTI-20161108-UNE-compta-c.jpg

Interrogé par Claude Lopater, Patrick de Cambourg rappelle l'importance du cadre comptable et fiscal choisi par la France et explique en quoi l'Autorité des normes comptables (ANC), sans avoir un rôle direct dans le contrôle fiscal, peut contribuer à créer un environnement de sécurité juridique pour les entreprises en continuant de clarifier et de développer, de manière novatrice, les nouveaux recueils regroupant les règles et la doctrine comptables.

En quoi le choix des IFRS dans les comptes consolidés est-il fondamental pour amplifier la connexion comptabilité-fiscalité ?

Patrick de Cambourg : En matière comptable, la France a fait un choix dualiste. Les normes comptables internationales ne sont applicables qu’aux comptes consolidés, de façon obligatoire pour les sociétés faisant appel public à l’épargne sur un marché réglementé et, de façon optionnelle pour les autres groupes. Les comptes annuels de toutes les entreprises restent régis par le droit comptable français selon la hiérarchie des textes suivante : la loi fixe les obligations comptables et les grands principes découlant de la directive comptable ; la partie décrétale du Code de commerce, qui a été réduite dans le cadre de la transposition de la directive comptable, apporte des précisions sur certains éléments des états financiers ; tout le reste est régi par les règlements de l’ANC, règlements homologués ayant le niveau d’arrêté ministériel.

Ce choix dualiste qui peut paraître anecdotique est en fait fondamental. Compte tenu de cette autonomie que la France a conservée en matière comptable, il me semble que notre pratique, et à bien des égards notre jurisprudence, va dans le sens d’un monisme pour ce qui concerne les relations entre la comptabilité et la fiscalité. A l’inverse, beaucoup de pays ont fait le choix de ne pas distinguer les normes applicables aux comptes sociaux et aux comptes consolidés et choisissent aujourd’hui de s’aligner sur les normes internationales pour les comptes individuels et pour les comptes servant de base à l’assiette de l’impôt.

Je garde en mémoire les propos de Madame le rapporteur public au Conseil d'Etat, sur la subtile interaction entre les textes, et notamment l'avancée toute récente de la jurisprudence dans sa reconnaissance de la doctrine comptable des avis du comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité (CNC) élargissant ainsi, selon ses propres termes, la connexion à une convergence fiscalo-comptable. On pourrait s’interroger longuement sur la portée de l’article 38 quater de l’annexe III du CGI, mais il me semble que notre pays aurait intérêt à chercher à amplifier une connexion intelligente dans le nouveau cadre de normalisation comptable créé par l’ordonnance de 2009 avec la création de l’ANC, autorité disposant d’un pouvoir réglementaire contrairement au CNC qui n’avait qu’un rôle consultatif.

Quel est le rôle de l'ANC en matière de contrôle de fiscal ?

P.dC. : En matière de contrôle fiscal, l’ANC n’a absolument aucun rôle direct évidemment.

Elle n’a pas compétence pour traiter de cas individuels, mais à défaut d’un pôle comptable au Conseil d’État, elle peut être sollicitée sur toute question.

En revanche, l’ANC se doit de créer un cadre comptable qui soit le plus complet et le plus précis possible pour assurer la sécurité juridique et fiscale. Nous avons une ardente obligation d’avoir des normes françaises qui répondent aux critères de qualité que l’on est en droit d’attendre !

Quels sont ces critères de qualité en matière de normes comptables ?

P.dC. : Une bonne normalisation comptable repose sur trois piliers :

- la nomenclature : le plan de comptes ;

- les états de synthèse : le format du bilan et du compte de résultat et le contenu de l’annexe ;

- la comptabilisation des transactions : les normes relatives à la comptabilisation des transactions et à l’établissement des états de synthèse.

Sur le plan international, autant le troisième pilier est incontournable, autant les deux premiers font l’objet de discussions diverses. Il y a des pays où la liberté est la plus totale. En France, non, nous avons choisi d’avoir trois piliers, et nous avons un règlement comptable, le PCG, qui traite ces trois piliers. Les critères de qualité des normes comptables sont les suivants :

- la pertinence économique : il faut faire en sorte de refléter du mieux possible la réalité économique résultant des transactions que l’entreprise conclut chaque jour ;

- la sécurité juridique. Pour éviter la multiplication des litiges, il convient d’avoir des normes claires et en conformité avec le droit. Les entreprises se trouvent alors dans un environnement de stabilité qui favorise leur développement ;

- la clarté : ces normes doivent être simples, si possible, et proportionnées. Leur application peut laisser une part au jugement mais attention, le jugement ne peut pas tout résoudre car plus il y a de jugement et plus il y a d’argumentaires possibles et donc de litiges possibles ;

- la comparabilité ;

- l’unicité de gestion : il faut maintenir une continuité, de l’enregistrement de la transaction, à la préparation de l’état de synthèse, puis à la fiscalité. Plus les systèmes sont unitaires, mieux les entreprises se portent. Parce qu’elles ont un référentiel et pas quatre référentiels. C’est l'hypothèse moniste, hypothèse qui, à mon avis, est favorable au développement des entreprises.

Où en est aujourd'hui la modernisation des normes comptables ?

P.dC. : Aujourd'hui, une première étape a été franchie. L’ANC, qui a commencé à fonctionner début 2010, a cherché d’abord à regrouper tout ce qui existait, et donc à créer, ce que l’on appelle des recueils.

Un très gros travail a été fait, il existe désormais non seulement un recueil pour les entreprises industrielles et commerciales, mais également un recueil pour les banques. Il va y avoir un recueil pour le secteur de l’assurance, pour celui de la gestion d’actifs et pour le secteur non lucratif.

Mais ces recueils ont été réalisés à droit constant! Il en résulte qu'ils se composent de deux parties : une partie réglementaire (reprise des règlements de l’ANC et du Comité de la réglementation comptable (CRC)) d'une part et, d'autre part, des commentaires issus d’avis du CNC ou du Comité d’urgence, de recommandations, de notes de présentation : c’est ce que l'on appelle la partie bleue de ces recueils. Sur cette partie, je dois avouer que nous sommes confrontés à une sédimentation de textes historiques qui méritent d’être revus.

Alors qu'elle est votre perspective pour l'ANC concernant la connexion comptabilité-fiscalité ?

P.dC. : Dans un premier temps, il est nécessaire d’analyser les divergences fiscalo-comptables existantes. Maintenir la connexion comptabilité-fiscalité ne veut pas dire supprimer les divergences, car il y a une autonomie du droit fiscal. Il me parait parfaitement légitime par exemple que si le gouvernement entend favoriser les investissements en instaurant un mode accéléré d’amortissement, il y ait une divergence entre fiscalité et comptabilité. Ces divergences sont normales, elles relèvent du plan politique. En revanche, les divergences fiscalo- comptables ne sont pas toutes inévitables ou fondées, loin s’en faut, et dès lors qu'il n'y a pas de divergence clairement motivée, il faut rechercher, voire créer la connexion, à chaque fois que c'est possible. Un travail peut être réalisé avec la Direction de la législation fiscale (DLF) pour analyser la pertinence de ces divergences.

Comme indiqué précédemment, certaines dispositions comptables méritent d’être revues et dans le cadre de ce travail de modernisation, la doctrine fiscale doit être prise en compte. Je ne vous annonce pas une grande réforme, nous allons simplement, cycle par cycle, reprendre le PCG en examinant la doctrine fiscale et la doctrine comptable dans leur stratification historique, afin de voir ce qui pourrait ou devrait remonter au niveau réglementaire, ce qui doit rester au niveau du commentaire et ce qui doit laisser place au jugement.

Depuis le début des années 2000, la France s’est concentrée surtout sur l’évolution des normes internationales car les plus grandes sociétés de ce pays avaient à appliquer ce nouveau référentiel. Donc, je ne dirai pas qu’on a laissé les normes françaises sous le boisseau, mais il est vrai qu’on les a plutôt traitées au fil des questions qui se posaient. Le moment est venu de reprendre tranquillement chacune des sections, de voir quelles sont les sources d’interprétation, de reclasser clairement, de compléter la règle fiscale, qui ne dépend pas de l'ANC, et de compléter la règle comptable, qui dépend de l'ANC.

Prenons un exemple, les dispositions relatives à la constatation du chiffre d’affaires, qui est quand même la première source de richesse d’une entreprise, sont succinctes dans le plan comptable général. En revanche, il existe deux sources intéressantes qui pourraient peut-être permettre de les améliorer :

- les normes comptables internationales : en effet, la nouvelle norme IFRS 15 va être applicable et c’est une norme compliquée qui pose un certain nombre de questions. Il ne s’agit pas d’aligner les normes françaises sur les normes internationales mais d’analyser les dispositions de cette norme au regard de notre cadre comptable et juridique ;

- les instructions et la doctrine fiscales : elles sont assez nombreuses. Dans un objectif de sécurisation, ces éléments doivent être étudiés sous leur angle comptable.

J'ai pris le chiffre d'affaires comme exemple, mais je pourrai prendre les actifs, les instruments financiers, les immobilisations, les provisions, il y a mille et un sujets !

Voilà donc l’objectif que l'ANC s'est fixé, à savoir essayer de clarifier le cadre dans lequel les entreprises arrêtent leurs comptes sociaux, tiennent leur comptabilité et établissent leurs états de synthèse, avec dans l’idée que, la fiscalité et en particulier le juge de l’impôt devraient y trouver une source de référence utile dans une connexion que je souhaite la plus moniste possible.

Propos recueillis par Claude LOPATER.



Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Mémento Sociétés civiles 2024
comptable -

Mémento Sociétés civiles 2024

Le mode d’emploi des SCI, SCPI, SCP, SCM, GAEC…
175,00 € TTC
Mémento Sociétés commerciales 2024
comptable -

Mémento Sociétés commerciales 2024

Maîtrisez chaque étape de la vie d'une société !
199,00 € TTC