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Le conseil et les experts-comptables : « techniquement les cabinets sont prêts »

Le Congrès de l’Ordre des experts-comptables 2017 se tiendra du 27 au 29 septembre à Lille sur le thème du conseil. Interview de Nicole Calvinhac et Jean-Luc Mohr, co-rapporteurs généraux du 72e COEC.


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La Quotidienne : La dernière édition de l’étude sur les marchés de la profession parue il y a quelques mois (Marché de la profession comptable, CSOEC, juin 2017) met en évidence la nécessité pour les experts-comptables de se diriger vers une économie de l’offre. Cette étude vient en résonance avec la thématique du prochain Congrès. Dans ce contexte quels sont les enjeux et les forces du prochain congrès ?

Jean-Luc Mohr: Le premier enjeu de ce congrès est lié au développement de l’activité des experts-comptables afin de pallier la baisse de nos activités traditionnelles, notamment du fait des nouvelles technologies.

Le deuxième enjeu est un enjeu de communication. Aujourd’hui, malheureusement, nous sommes souvent perçus comme des auxiliaires de l’administration dans le domaine du déclaratif et nos clients ne mesurent pas toute la valeur ajoutée que nous pouvons leur apporter, soit parce que nous ne sommes pas toujours de très bons communicants, soit parce que nous n’avons pas le temps de développer ces nouvelles missions ni de le faire savoir.

Enfin, le troisième enjeu est celui de l’attractivité de la profession et notamment auprès des jeunes. Pour nous l’enjeu est majeur, il faut vraiment que les jeunes s’intéressent à cette profession qui permet, pour peu que l’on sorte de la partie traditionnelle, de toucher des domaines qui sont extrêmement attractifs (Ndlr : voir ci-dessous encadré sur l’attractivité de la profession).

Nicole Calvinhac : Les experts-comptables, comme les médecins avec leurs patients, connaissent les entreprises, leur histoire et leurs besoins. Ils ont donc des atouts indéniables pour les accompagner et aller au-delà dans le conseil. Pour ce congrès, nous avons essayé de comprendre quels étaient les points faibles des cabinets et proposé des pistes :

- en matière d’emploi, de détection des compétences pour les confrères, il s’agit de l’axe savoir-être du congrès ;

- en matière d’organisation du cabinet c’est l’axe savoir-faire ;

- en matière de communication, c’est l’axe faire-savoir ;

- et enfin, la partie que maîtrisons le mieux faire c’est l’axe faire, avec des exemples d’apport de conseil.

Nous essayons de mettre en valeur l’extension de la mission de base vers la mission de conseil. N’importe quel cabinet, avec une petite évolution, peut officialiser du conseil en partant de sa mission de base.

La Quotidienne : Pourquoi les experts-comptables ont-ils encore du mal à facturer leurs prestations de conseil ?

N.C. Dans nos missions de base nous avons une obligation de conseil qui se limite à notre mission régalienne. C’est très difficile de savoir à partir de quel moment les travaux effectués ou les réponses apportées à un client vont au-delà des obligations de notre mission de base et sont facturables. Cette question fait d’ailleurs l’objet de l’une des conférences de la profession sur l’axe faire-savoir (Ndlr «Comment facturer les missions de conseil ? L’expert-comptable « rentable » le 28/9 à 10H30).

J-L.M. Où se situe la frontière entre l’obligation de conseil et le conseil facturable et matérialisable ? Ceci est d’autant plus important que comme nous sommes en contact permanent avec nos clients, nous dérapons très vite sur une mission de conseil qui n’est en fait jamais formalisée en tant que telle. A partir des comptes il y a tellement de choses à dire et à faire que cela nous arrive d’étendre une discussion sur les états financiers et d’aboutir à des éléments de conseil sans que cela ait été prévu au départ, de sorte qu'il est difficile de facturer le conseil séparément.

La Quotidienne : Accompagnement dans la gestion et le pilotage, aide au recrutement, conseils informatiques… les cabinets d’aujourd’hui sont-ils prêts à répondre aux nouveaux besoins de leurs clients ?

J-L.M. Techniquement les cabinets sont prêts. Ce sont des sujets que nous maîtrisons bien mais la problématique est, ici, comportementale. Nos collaborateurs ont déjà une grosse charge de travail et ils n’ont pas toujours le réflexe de montrer aux clients les autres savoir-faire du cabinet ou leur propre savoir-faire. Aujourd’hui, le client ne connaît pas suffisamment l’offre du cabinet, et il va donc falloir, pour certaines de ces missions, avoir le courage de parler de prix, de présenter, de packager… c’est l’objet de l’axe faire-savoir du congrès.

N.C. Nous proposons, lors du congrès avec l’axe savoir-faire, des pistes d’organisation du cabinet, quelle que soit sa taille, permettant de ne pas mettre ces missions de conseil de côté au moment de l’année où l’on est encore plus submergé que d’habitude par toutes nos missions de « cerfatologue ». Il y a des compétences dans les cabinets, parfois davantage que ne l'imaginent les dirigeants. Le but est aussi de découvrir des compétences en gestion chez des collaborateurs qui ont des appétences sur certains sujets, pour les faire progresser sur ces sujets et leur ouvrir de nouvelles perspectives.

La Quotidienne : Il s’agit donc d’une question de communication et d’organisation des cabinets pour s’imposer sur ces missions ?

J-L.M. Oui. Une composante communication et une composante organisation auxquelles il faut également ajouter un autre élément : le conseil n’est pas comme nos activités traditionnelles dans lesquelles nous sommes producteur de services, il s’agit d’une co-production entre l’expert-comptable et son client. Dans le conseil, ce n’est pas l’expert-comptable le sachant et le client celui qui écoute, contrairement au déclaratif. Le conseil se construit en connaissant réellement les besoins du client, en détectant les problématiques, en essayant de le faire parler de façon à aboutir avec lui à une conclusion qui sera applicable dans son entreprise.

La Quotidienne : La part de PME/TPE, cœur de cible des experts-comptables, faisant appel à un cabinet pour la tenue des comptes a baissé notamment en raison de la montée en puissance des logiciels de nouvelle génération. Peut-on parler d’ubérisation ?

N.C. Je ne suis pas forcément d’accord avec votre constat, nous sommes à 92 % dans les entreprises employant entre 3 et 49 salariés, ce qui reste très élevé.

J-L.M. La question de l’ubérisation est une vraie question mais elle ne se pose pas au regard de nos missions traditionnelles. L’ubérisation est là quand un tiers se glisse entre vous et le client, ce qui chez les experts-comptables, concerne surtout notre production de données. En effet, aujourd’hui, nous produisons des informations comptables et financières qui pourraient être collectées et exploitées par d’autres, dans le cadre du big data, et fournir d’utiles informations pour l’entreprise elle-même ainsi que pour le monde politique et économique sur la santé de l’économie française. Nous pourrions donc nous faire ubériser au niveau de l’exploitation de l’ensemble ces données.

La Quotidienne : Les clients sont globalement très satisfaits de leur expert-comptable toutefois de nouveaux comportements de la part des dirigeants ou des chefs d’entreprise émergent (mise en concurrence, volatilité). Comment les experts-comptables peuvent-ils fidéliser leur clientèle ?

N.C. Aujourd’hui il faut essayer de comprendre quelle est véritablement l’attente des clients. Selon moi, c’est la disponibilité. On voit bien que les délais de réponses demandés par le client, quelle que soit la prestation ou l’activité, se raccourcissent de plus en plus. Il faut, à mon avis, mettre en place des organisations dans les cabinets permettant d’être plus rapide.

J-L.M. Je pense qu’il faut plus que jamais, même avec la génération Y, que nous arrivions à construire des histoires. Nos clients sont forcément demandeurs de relations personnelles, c’est une chose qui n’a pas changé et qui est très importante.

De plus, les clients deviennent plus exigeants. Je pense qu’ils ont besoin d’avoir un interlocuteur qui introduise de la simplicité dans la complexité administrative. Ils sont, pour cela, de plus en plus demandeurs de services les plus complets possibles et de full service.

Enfin ils ont également un besoin de proximité impliquant la mise en place d’outils de communication adaptés dans les cabinets.

La Quotidienne : Comment les cabinets peuvent-ils accompagner leurs équipes dans le changement ?

J-L.M. On peut soulever 3 axes majeurs :

- la formation, qui est aujourd’hui trop axée sur la technique et pas suffisamment sur le comportement et la communication ;

- la mise à disposition d’outils dont les collaborateurs ont besoin et dont ils sont friands ;

- le développement des politiques de gestion des ressources internes dans les cabinets proches de celles des entreprises.

N.C. Il faut créer un esprit d’équipe dans les cabinets, c’est la raison de l’axe du congrès sur le savoir-être. Il faut savoir manager des équipes, mais des équipes en mode conseil et non plus en mode activité libérale. Il s’agit une évolution comportementale, d’une évolution managériale, de créer une dynamique dans les cabinets pour que tout le monde adhère au projet.

J-L.M. Il faut également que le leader du cabinet ait un comportement exemplaire !

L’attractivité de la filière comptable en question
N.C. L’avantage de cette profession c’est le nombre important de canaux pour arriver au stage et au diplôme d’expertise comptable (DEC), grâce à un système unique de passerelles et dispenses :
- le DCG puis le DSCG est le chemin le plus direct avec une connotation technique ;
- le BTS ou le DUT puis la licence professionnelle est une porte d’entrée intéressante ;
- le master CCA est LA voie universitaire dédiée ;
- les écoles de commerce, majeure expertise comptable/audit, sont une autre option.
En fonction des appétences de chacun et des filières, ce ne sont pas forcément les mêmes matières qui sont mises en exergue (hormis la comptabilité et les disciplines de base bien sûr). Donc, l’attractivité pour ce cursus reste excellente.
Le second avantage est que l’on peut rejoindre ce cursus à n’importe quel moment de sa vie professionnelle et à n’importe quel niveau. A ce titre, c’est aussi un excellent ascenseur social.
J-L.M. C’est vrai qu’un certain nombre de matières peuvent paraître un peu rédhibitoires ! L’enjeu de la réforme actuellement en cours des diplômes comptables vise l’intégration dans le cursus d’éléments nouveaux tels que le marketing ou les nouvelles technologies.
N.C. Cette réforme n’est pas une révolution mais elle consiste en une refonte des contenus des unités d’enseignement du DCG, DSCG et même du DEC, afin de les adapter aux évolutions technologiques ainsi qu’aux besoins des cabinets et des entreprises. Des groupes de travail composés d’enseignants, d’inspecteurs d’académie et de professionnels œuvrent sur ce projet qui devrait être finalisé en 2018, textes compris, pour une mise en place à la rentrée 2019 en vue des examens de 2020 (calendrier prévisionnel).

Propos recueillis par Chloé QUEFFEULOU

Nicole CALVINHAC, vice-présidente du CSOEC en charge du secteur Performance des cabinets



Jean-Luc MOHR, membre invité du bureau du CSOEC



© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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