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Drogue en entreprise : un supérieur hiérarchique ne peut pas réaliser un test salivaire

La clause d’un règlement intérieur autorisant un supérieur hiérarchique à pratiquer des tests salivaires de dépistage de l’usage de stupéfiants, avec à la clé une possible sanction, porte une atteinte disproportionnée aux droits et libertés des salariés.

CAA Marseille 21-8-2015 n° 14MA02413


En 2014, un tribunal administratif avait validé la clause du projet de règlement intérieur d’une entreprise de travaux publics, prévoyant la possibilité pour un supérieur hiérarchique de pratiquer de manière aléatoire, sur les salariés occupant des postes à risques particuliers, des tests salivaires de dépistage de la consommation de produits stupéfiants et de les interpréter, avec, en cas de résultat positif, la menace d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement (TA Nîmes 27-3-2014 n° 1201515 : RJS 11/14 n° 775). On attendait avec intérêt la position de la cour administrative d’appel de Marseille qui avait été saisie par le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, d’un recours contre ce jugement. Le verdict est à présent connu : la juridiction d’appel décide d’annuler le jugement.

Qui peut pratiquer ces tests de dépistage ?

La cour administrative d’appel reconnaît, comme l’avait jugé le tribunal administratif, que les tests salivaires de dépistage de l’usage de drogues illicites ne constituent pas un examen de biologie médicale au sens des articles L 6211-1 et suivants du Code de la santé publique. Mais, et c’est là toute la nuance, elle relève qu’ils consistent néanmoins, à la différence notamment des contrôles d’alcoolémie par éthylotest, en un prélèvement d’échantillons biologiques contenant des données biologiques et cliniques soumises au secret médical. Pour cette juridiction, il est dès lors exclu qu’ils puissent être pratiqués, et leurs résultats interprétés, par un supérieur hiérarchique (ou par l’employeur lui-même).

Elle donne ainsi raison à l’administration. Celle-ci avait déjà pris position sur ce point dans son guide pratique 2012 « Repères pour une politique de prévention des risques liés à la consommation de drogues en milieu professionnel ». Il y est en effet précisé que seul un médecin - médecin du travail de préférence ou en exercice et inscrit au Conseil national de l’Ordre - peut pratiquer ces prélèvements, par la méthode de son choix. Ce document précise également que tous les tests, quels qu’ils soient, doivent être adressés au médecin du travail du service de santé au travail auquel adhère l’entreprise concernée afin que celui-ci interprète les résultats, demande des examens complémentaires s’il l’estime nécessaire et se prononce sur l’aptitude des salariés à leur poste, et uniquement sur cette aptitude. Cette position reposait elle-même sur l’avis du Conseil consultatif national d'éthique, selon lequel les tests de dépistage de drogues illicites, en milieu de travail, ne peuvent être mis en œuvre que sous la seule responsabilité du service de santé au travail (Avis CCNE du 19-5-2011 n° 114).

A l’appui de sa décision, la cour administrative d’appel insiste également sur les carences des tests salivaires existant à ce jour, en relevant notamment qu’ils peuvent aboutir à de faux résultats positifs ou de faux résultats négatifs dans une proportion non négligeable, sans compter que la prise de certains médicaments, relevant du secret médical, peut suffire à rendre positif un résultat.

Quid de l’obligation de sécurité de l’employeur ? 

Pour le juge administratif, le recours à des tests salivaires, dans les conditions prévues par le projet de règlement intérieur de l’entreprise concernée, méconnaît les articles L 1121-1 et L 1321-3 du Code du travail et porte, en violation de ces textes, une atteinte disproportionnée aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives par rapport au but recherché. Il souligne que, eu égard à une telle atteinte, la décision de l’inspecteur du travail ayant enjoint à l’entreprise de modifier son projet de règlement intérieur, ne pouvait pas être regardée, ainsi que celle-ci le soutenait, comme constituant elle-même une atteinte au respect par l’employeur de son obligation générale de sécurité résultant de l’article L 4121-1 du Code du travail.

Cette obligation de sécurité impose certes aux entreprises de développer en la matière une politique de prévention spécifique, collective et individuelle, et justifie qu’elles puissent prévoir dans leur règlement intérieur le principe d’un dépistage. La cour administrative d’appel de Marseille prend d’ailleurs soin de relever la licéité de ces clauses pour permettre de contrôler l’aptitude d’un salarié à occuper son poste de travail et assurer la sécurité des travailleurs (voire de tiers à l’entreprise). Mais, en ce domaine très sensible pour les droits et libertés, la plus grande rigueur doit être observée dans la mise en œuvre de ces dispositifs de contrôle.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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