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La tontine financière : décryptages

Dans un contexte marqué par l’allongement de la durée de vie et l’incertitude des régimes de retraite, l’épargnant doit également faire face à une baisse du rendement des placements dits sécurisés. Ces contraintes le conduisent à renforcer son épargne dans une stratégie de placement sur le long terme. Au-delà des outils traditionnels de placement, tels que l’assurance-vie ou le contrat de capitalisation, la tontine financière mérite une attention toute particulière dans le contexte financier et réglementaire actuel. Décryptage par Corinne Caraux, Directrice de l’Ingénierie Patrimoniale et des Partenariats Institutionnels du groupe Le Conservateur.


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Le mécanisme

La tontine financière est un mécanisme d’épargne collective viager, encadré par le Code des assurances, qui réunit des épargnants décidant d’investir des fonds en commun qui sont gérés pendant une durée minimale de dix ans et maximale de vingt-cinq ans.

Les capitaux versés par l’épargnant, sous déduction des frais statutaires, sont placés et sont gérés au sein d’actifs cantonnés dénommés associations tontinières. Ce cantonnement des actifs résulte des dispositions de l’article R 322-139 du Code des assurances. A l'expiration de chacune de ces associations collectives d’épargne viagère, les fonds provenant de la capitalisation en commun des cotisations de ses membres sont répartis entre les bénéficiaires des assurés en cas de vie à la date d’échéance de l’association collective d’épargne viagère.

Cette opération d’épargne entraîne ainsi un dessaisissement des sommes placées qui restent indisponibles pendant toute la durée du placement. Ce dessaisissement entraîne un certain nombre de conséquences qui en font sa spécificité.

Fonctionnement et comparaison avec l’assurance-vie

La tontine fait intervenir 3 acteurs :

- l’adhérent, appelé également sociétaire, qui est le payeur de prime ;

- l’assuré qui est la personne physique sur laquelle repose le risque de décès ;

- et le bénéficiaire en cas de vie qui est la personne qui recevra les fonds au terme de la tontine.

En principe, ces qualités sont cumulées sur la tête d’une même personne, soit l’adhérent. Si ces différents éléments rappellent le mécanisme de l’assurance-vie, l’opération tontinière s’en distingue radicalement car elle n’a pas pour objet la couverture d’un risque et, par ailleurs, le dessaisissement des sommes placées ne procure pas à l’adhérent-sociétaire un droit de rachat.

Au dénouement de l’opération tontinière, qui correspond au terme choisi par l’épargnant et au terme même de la tontine, les sommes capitalisées sont réparties entre les seuls souscripteurs-assurés survivants. 

Il résulte des dispositions de l’article R 322-151 du Code des assurances que les droits des bénéficiaires sont ramenés à l'égalité proportionnelle au moyen de barèmes de répartition établis d'après une table de mortalité et, s'il y a lieu, un taux d'intérêt spécifiés par les statuts et tenant compte de l'âge des sociétaires ainsi que du mode et de l'époque des versements. 

Ainsi, l’épargnant survivant bénéficie des effets de la clause d’accroissement spécifique à toute opération tontinière, appelés également bénéfice de mortalité. En d’autres termes, les versements effectués par les adhérents-assurés prédécédés au terme de la tontine sont partagés entre les bénéficiaires dont les assurés sont vivants au terme de l’association.

Quelles conséquences emportent ce dessaisissement pour l’épargnant ?

Une gestion financière différenciante

La gestion des fonds placés en tontine est totalement déléguée au gestionnaire. L’indisponibilité des sommes pendant la durée du placement permet au gestionnaire d’assurer une gestion à horizon déterminé. Il investit ainsi au départ l’actif financier dans des titres à fort potentiel de rendement puis, à mesure que le terme de l’association se rapproche, les placements sont orientés vers des supports sécurisés.

La tontine n’a pas à gérer la liquidité ou une garantie en capital à tout instant puisque les fonds sont bloqués pour une durée minimale de dix ans. Elle n’est donc pas contrainte d’investir à 80 % dans des titres obligataires, désormais à très faibles rendements.

Il s’agit donc d’investissements de long terme de nature à assurer une rentabilité à terme plus élevée, notamment dans un contexte de taux bas.

Une solution pour éviter le blocage des fonds résultant de la loi Sapin II

La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, plus connue sous le nom de loi Sapin II, a été adoptée fin 2016.

Elle permet à l’État, via le Haut Conseil de la stabilité financière, de “suspendre, retarder ou limiter temporairement le paiement des valeurs de rachat” des contrats d’assurance-vie en cas de risque dit “systémique” (Code monétaire et financier art. L 612-33). Ce risque systémique n’est pas défini dans le texte de loi, mais correspond, à la lecture des débats parlementaires, à une crise grave et caractérisée pour le système financier.

La tontine financière n’entre pas dans le champ d’application de la loi Sapin II, échappant ainsi à cette mesure de blocage. En effet, l’opération d’épargne tontinière se dénoue au terme par un mécanisme de répartition, prévu à l’article R 322- 150 du Code des assurances, et non par une opération de rachat propre à l’assurance-vie. 

Ainsi, si les sommes placées en tontine sont indisponibles pendant toute la durée du placement, sa liquidité est certaine au terme de l’opération d’épargne. De ce point de vue, un placement en assurance-vie présente une liquidité devenue incertaine pendant toute la durée du placement par l’effet de la faculté générale de blocage issue de la loi Sapin II.

Quelle est la fiscalité applicable aux sommes placées en tontine ?

La fiscalité des revenus

La fiscalité est applicable au terme de l’opération d’épargne.

Les dispositions de l’article 125-0 A du CGI, qui précisent la fiscalité due sur les contrats de capitalisation ainsi que les placements de même nature dont l’assurance-vie, s’appliquent à la tontine.

S’agissant par définition d’un placement d’une durée de plus de 8 ans, les produits capitalisés bénéficient sur option d’un prélèvement forfaitaire libératoire de 7,5% lorsque ce dernier est plus favorable que le barème progressif de l’impôt sur le revenu. L’abattement annuel de 4 600 € ou de 9 200 € applicable en assurance-vie bénéficie également aux opérations tontinières si ce dernier n’a pas été utilisé lors d’un rachat sur une assurance-vie ou contrat de capitalisation.

L’investissement dans plusieurs tontines à échéances successives permet ainsi d’optimiser l’application de ces abattements et de planifier, sur un plan économique, une approche viagère avec les avantages fiscaux d’une sortie en capital.

Les prélèvements sociaux

Ils sont dus dans les conditions de droit commun des revenus de placement, soit actuellement 15,5% au terme de l’opération.

La fiscalité du patrimoine

Pendant la phase d’épargne et en l’absence de droit de rachat les sommes ne sont pas soumises à l’ISF pour les versements réalisés avant 70 ans. Cette fiscalité favorable résulte des dispositions combinées des articles 885 A et 885 F du CGI.

En effet, l’épargnant ne dispose ni d’une faculté de retrait pendant la durée du placement, ni d’un droit de créance garanti à terme. Cette spécificité résulte d’une contrainte réglementaire : les dispositions de l’article R 322-154 du Code des assurances précisent ainsi que les sociétés à forme tontinière ne peuvent avoir pour objet de garantir à leurs adhérents que la liquidation d'une association leur procurera une somme déterminée à l'avance.

Cet avantage fiscal permet une surperformance tant que cet impôt existe.

Comment intégrer la tontine dans une stratégie de transmission ?

La tontine se révèle également un instrument de transmission intergénérationnelle maîtrisée, notamment au profit des enfants et petits-enfants. Cette stratégie repose sur une transmission des sommes, souvent dans la limite des abattements légaux applicables, en amont du placement.

Les sommes transmises sont ensuite investies en tontine au nom du bénéficiaire de la donation et bénéficieront effectivement aux enfants ou petits-enfants à un terme prédéfini par le parent ou grand-parent. Le blocage des fonds est ici recherché par le donateur sans être contraint par une limite d’âge comme en assurance-vie. Cette stratégie permet au donateur d’organiser une véritable planification de sa transmission dans le temps et d’en être le véritable acteur.

Dans ce cadre, les abattements légaux applicables respectivement entre parents et enfants notamment à l’article 790 G du CGI ou entre grands-parents et petits-enfants en application du même article (dispositif sous conditions en faveur des dons de sommes d’argent) ou de l’article 790 B du code précité pourront être utilement activés pour prendre date au regard du dispositif de non-rappel des donations passées depuis plus de 15 ans sans pour autant permettre l’utilisation immédiate des capitaux par les bénéficiaires.

La tontine constituera enfin un outil pertinent pour protéger et assurer revenus ou capitaux à des personnes fragiles ou protégées en investissant dans plusieurs tontines à échéances successives ; organiser ainsi à la sortie des revenus échelonnés sur une période qui peut aller jusqu’à 15 ans et permettre une sortie de capitaux plus importante à certaines dates prédéfinies pour un remploi déterminé notamment l’acquisition d’une résidence principale.

Quels sont les points d’attention ?

L’obligation de la tontine est de bloquer les fonds pour une durée d’au moins dix ans. Cette contrainte liée au dessaisissement des sommes implique d’effectuer un audit global de son patrimoine et de déterminer le montant des sommes qui peuvent être affectées à cette opération de placement.

Par ailleurs, le caractère viager de l’opération tontinière qui constitue une réponse à l’allongement de la durée de vie nécessite pour l’épargnant de s’assurer d’une couverture décès pertinente au regard de son patrimoine global. En effet, un décès sur cinq survient avant 65 ans. Ce risque décès doit être couvert. Ainsi, selon les objectifs patrimoniaux de l’épargnant, celui-ci peut décider d’adhérer à un contrat de prévoyance facultatif afin de couvrir son risque de décès ou d’invalidité.

A noter que si ce risque se réalise, la transmission du capital assuré aux bénéficiaires désignés se fait dans des conditions très favorables puisque, par application de l’article 990 I du CGI, aucun droit de succession n’est dû et seul le montant de la cotisation à l’assurance décès est soumis à taxation (couverture décès souscrite avant 70 ans) et non le montant des capitaux couverts et remis aux bénéficiaires.



Corinne CARAUX est Directrice de l’Ingénierie Patrimoniale et des Partenariats Institutionnels du groupe Le Conservateur. Titulaire d’un Master 2 en Droit du patrimoine professionnel du dirigeant (Paris Dauphine), Corinne Caraux est aujourd’hui chargée d’enseignement, notamment au sein du Master 2 de Droit fiscal approfondi, à destination des notaires. Elle est membre du Comité juridique de Fédération nationale du Droit du Patrimoine.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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