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Information précontractuelle du franchisé : un franchiseur sanctionné pour un prévisionnel exagéré

Le franchiseur qui fournit au franchisé un document d'information précontractuelle lacunaire et des comptes prévisionnels grossièrement irréalistes engage sa responsabilité pour dol à l’égard du franchisé, même si celui-ci est expérimenté.

Cass. com. 1-12-2021 n° 18-26.572 F-D, Sté Fournier c/ S.


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©iStock

Une société conclut un contrat de franchise avec un franchiseur spécialisé dans la conception, la fabrication et la distribution de meubles de cuisine et de salle de bains. Quelques années plus tard, le franchiseur résilie unilatéralement le contrat. La société franchisée lui réclame alors des dommages-intérêts (200 000 €) pour dol commis lors de la conclusion du contrat, ses résultats étant bien loin de ceux annoncés par le franchiseur. Ce dernier conteste l’existence d’un vice du consentement compte tenu de l’expérience professionnelle du dirigeant de la société franchisée, qui a exercé des fonctions de direction commerciale pendant 18 ans dans le même secteur d’activité.

La Cour de cassation rejette l’argument du franchiseur et retient l’existence d’un dol. Lorsque le franchiseur communique au candidat franchisé un compte d'exploitation, celui-ci doit être sincère et vérifiable ; en l'espèce, le document d’information précontractuelle (DIP) de six pages, remis à la société franchisée, était succinct ; il ne comportait, au titre de la description du marché local, que l'indication des parts des départements du Nord et du Pas-de-Calais de l'indice de disparité de la consommation, calculé par l'organisme de crédit Cetelem, et il ne contenait aucune mention sur les autres magasins implantés dans la zone géographique. Le franchiseur avait adressé à la société franchisée un compte prévisionnel pour les trois premières années d'exploitation, dont les données s’étaient révélées grossièrement irréalistes et dont l'écart avec les chiffres d'affaires réalisés dépassait la marge d'erreur inhérente à toutes données de nature prévisionnelle, tandis qu'aucune faute de gestion n’était reprochée à la société franchisée.

La communication de ces informations erronées sur un élément substantiel de l'engagement de la société franchisée, dans ces circonstances d'informations lacunaires sur la concurrence locale et l'état du réseau, était constitutive d'un dol ayant conduit à vicier le consentement de cette société, ainsi que celui de son gérant, malgré l'expérience professionnelle de ce dernier dans le secteur concerné.

A noter :

Lorsque le contrat qu’il propose comporte un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, le franchiseur doit fournir au candidat à la franchise, avant la signature du contrat, un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s’engager en connaissance de cause (C. com. art. L 330-3). Ce document d’information précontractuelle doit notamment préciser l’état et les perspectives de développement du marché concerné ainsi que l’importance du réseau d’exploitants, avec mention des entreprises qui le composent, des adhésions en cours et le nombre d’entreprises qui l’ont quitté l’année précédente (art. précité et R 330-1).

Si le franchiseur fournit au franchisé des documents complémentaires à ceux exigés par la loi, tels des comptes prévisionnels, ils doivent être sérieux et sincères (Cass. com. 19-1-2010 n° 09-10.980 F-PB : RJDA 5/10 n° 495 ; Cass. com. 12-5-2021 no 19-17.701 F-D : BRDA 13/21 inf. 11).

Le manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle peut être constitutif d’un vice du consentement, erreur ou dol, sur un élément déterminant du contrat, ce qui autorise le franchisé à demander l’annulation du contrat ou des dommages-intérêts (cf. C. civ. art. 1130 s.).

Outre le caractère lacunaire du DIP, la Cour de cassation retient ici le caractère complètement irréaliste du compte prévisionnel fourni. Selon les juges du fond, l’écart entre ce dernier et les chiffres d’affaires effectivement réalisés atteignait 78 % pour la première année d’exploitation et en moyenne 49 % pour les années suivantes. Mais l’arrêt est surtout intéressant en ce qu’il retient que l’expérience professionnelle du franchisé (ici appréciée par rapport au dirigeant de la société franchisée) ne permettait pas d’écarter l’erreur sur la rentabilité causée par les informations transmises par le franchiseur.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne