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« Lu et approuvé », « Bon pour » : des formules courantes au sens malléable

Le droit s’adapte subrepticement aux évolutions de la société par des règles qui, un jour, sautent aux yeux. Chaque semaine, le Professeur Mercadal décrypte les dernières tendances du droit. Dans ce billet, il passe à la loupe les expressions « Lu et approuvé » et « Bon pour »


Par Barthélémy MERCADAL
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©Lefebvre Dalloz

Qui n’a jamais été invité à apposer avec sa signature les formules « Lu et approuvé » ou « Bon pour » ?   

Pour ceux qui ont souscrit l’une ou l’autre de ces formules et surtout pour ceux qui ont exigé leur mention dans un acte, il s’agit de confirmer leur engagement, voire de l’inscrire dans le marbre.

L’étude de la jurisprudence montre qu’il n’en n’est pas toujours ainsi.

Une surprise d’abord : les mentions « Lu et approuvé » ou « Bon pour » ne sont pas indispensables dans le sens où elles sont communément comprises.

Ainsi, l’arrêt ayant jugé que seule l'inscription usuelle « Lu et approuvé » peut signifier sans équivoque l'approbation du signataire a été censuré au motif que cette mention inscrite au bas d'un écrit sous seing privé constitue une formalité dépourvue de toute portée (Cass. 1e civ. 27-1-1993 n° 91-12.115 P : RJDA 4/93 n° 367) ; un autre arrêt a précisé que la mention « Lu et approuvé » ne suffit pas à répondre aux exigences requises par l'ancien article 1326 (devenu 1376) du Code civil sur la mention manuscrite (Cass. 1e civ. 28-10-1991 n° 90-13.274 : Bull. civ. I n° 286). Réciproquement, le défaut de la mention « Lu et approuvé » précédant la signature n’est pas retenu comme un indice prouvant le défaut de consentement à l’acte en cause (Cass. 2e civ. 17-1-2019 n° 18-11.061 D). Il a été également précisé que la mention « Bon pour » n’était pas requise pour la validité d’une transaction (Cass. soc. 19-3-1991 n° 87-44.470 D : RJDA 7/91 n° 654).

Il n’empêche qu’il n’est pas indifférent de porter ces formules sur un acte, car il peut leur être donné un sens auquel ni leur souscripteur ni leur bénéficiaire n’a pensé.

On relève, par exemple que « Lu et approuvé », parfois doublé du « Bon pour » :

- peut signifier lu, seulement, et pas négocié, ce qui pourrait conférer à l’acte la qualité de contrat d’adhésion (en ce sens, C. Barrillon, « Lu et approuvé : la nouvelle vie d’une mention tombée en désuétude » : JCP G 2017 n° 27-754) ;

- peut être utile pour résoudre une contestation, par exemple pour vérifier l'existence d’un vice du consentement invoqué (Cass. civ. 23-7-1979 : D. 1979 IR p. 547) ;

- peut rendre opposable des conditions générales au signataire d’un acte qui a indiqué au recto, au-dessus de la signature, qu'il reconnaissait avoir lu et accepté les stipulations du verso (Cass. 1e civ. 21-11-1995 n° 93-18.051 : Bull. civ. I n° 422) ;

 - peut valoir commencement de preuve par écrit (Cass. com. 1-10-2002 n° 98-23.342 P : RJDA 1/03 n° 73 ; Cass. 1e civ. 26-11-2002 n° 99-21.562 P : Bull. civ. I n° 285) ;

- peut servir pour valider un acte confirmatif suppléant la mention manuscrite requise pour parfaire un engagement de caution (CA Rouen 18-10-1989, Senegal c/ CRCAM de Haute-Normandie ; dans le même sens, CA Versailles 11-5-1999 : JCP E 2000.pan.296).;  

Il est aussi jugé dans le même sens que le « Bon pour » :

- peut servir à lever une contestation sur l’existence du consentement à une proposition dès lors qu’il y a été répondu par la formule « Bon pour acceptation de la proposition » (Cass. 3e civ. 6-5-2003 n° 01/17.638 F-D : RJDA 8-9/03 n° 822) ou « Bon pour accord » (Cass. 3e civ. 29-9-2016 n° 14-26.674 F-D) ;

- peut servir à établir le consentement d’un époux au cautionnement donné par son conjoint, même si la somme garantie n’est pas indiquée en lettres et en chiffres (Cass. 1e civ. 9-7-2014 n° 13-16.070 F-D : RJDA 2/15 n° 139), la signature et la mention manuscrite « Bon pour consentement aux engagements ci-dessus » suffisant (Cass. civ. 4-6-1996 n° 93-13.870 P : RJDA 1/97 n° 93) ;

- peut valoir commencement de preuve par écrit de l’engagement d’une caution qui l’a portée sur un document contractuel (Cass. 1e civ. 9-12-1997 n° 95-19.485 P : RJDA 4/98 n° 510 ; CA Dijon 28-5-1998 : Bull. inf. Cass. 1999 n° 142).

Retrouvez les précédents billets du Professeur Mercadal :

L’édito : https://www.efl.fr/actualite/tendance-droit-billet-professeur-barthelemy-mercadal_fac9024ea-496c-4544-8764-5ad459af1190

La judiciarisation des règles de compliance : https://www.efl.fr/actualite/tendance-droit-billet-professeur-barthelemy-mercadal_f8181fae1-0d98-4af7-b539-873ff90159ab)

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne