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Pas de déclaration à la succession des créances payées en vertu d’un jugement exécutoire

Les paiements effectués en vertu du jugement exécutoire par provision éteignent les créances correspondantes, de sorte que le créancier des sommes ainsi payées n’est pas tenu de les déclarer à la succession, après l’acceptation à concurrence de l’actif net de l’héritier.

Cass. 1e civ. 12-10-2022 n° 20-21.016 FS-B


Par Karl LAFAURIE, Professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges
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©Gettyimages

Un jugement, revêtu de l’exécution provisoire, a condamné un bailleur à faire réaliser des travaux et à payer mensuellement au preneur des indemnités de jouissance. Le bailleur a par la suite interjeté appel puis est décédé, le 13 avril 2017. Par déclaration du 4 avril 2018, la fille du de cujus a accepté la succession à concurrence de l’actif net. Ayant assigné le tuteur de l’héritière en reprise d’instance devant la cour d’appel, les preneurs ont cependant été déboutés, aux motifs qu’ils n’avaient plus de créances à faire valoir, en raison de leur extinction faute de déclaration à la succession. La cour d’appel considère que, les condamnations prononcées par le tribunal n’étant pas définitives, les créances en cause auraient dû être déclarées conformément à l’article 792 du Code civil, peu important qu’elles aient été exécutées.

La décision est cassée au visa des articles 792, 1234, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1342, alinéa 3, du Code civil. Certes, selon le premier texte, les créances dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées à titre provisionnel sur la base d’une évaluation. Mais, selon les deux derniers textes, le paiement éteint la dette. Or les paiements effectués en vertu du jugement exécutoire par provision éteignent les créances correspondantes des preneurs, de sorte que ceux-ci n’étaient pas soumis à l’obligation de les déclarer à la succession.

A noter :

Pour Karl Lafaurie, professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges, la Cour de cassation apporte une précision importante quant aux créances devant être déclarées à la succession dans le cadre de la procédure de paiement résultant de l’acceptation à concurrence de l’actif net (C. civ. art. 791 s.). Une difficulté particulière existe en effet au sujet des créances litigieuses.

On sait que l’article 792 du Code civil contraint les créanciers à déclarer leur créance et prévoit que, faute de déclaration dans un délai de quinze mois à compter de la publicité de l’acceptation à concurrence de l’actif net prévue à l'article 788, les créances non assorties de sûretés sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard de celle-ci. 

Pour être tenu de déclarer une créance à la succession, encore faut-il avoir la qualité de créancier. Or la question est assez délicate lorsqu’un litige porte sur l’existence d’une créance. Faut-il déclarer ladite créance ? L’article 792 du Code civil apporte un élément de réponse en disposant que « Les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées à titre provisionnel sur la base d'une évaluation ». Le principe est donc bien celui de la déclaration des créances litigieuses. La déclaration ne peut cependant reposer que sur la base d’une évaluation, qui ne lie pas définitivement le créancier, lequel pourra naturellement actualiser sa déclaration une fois la décision intervenue.

L’arrêt portait sur une créance litigieuse mais qui avait déjà été l’objet d’une première décision de justice, par la suite frappée d’appel. Lorsqu’un jugement ayant reconnu une créance est frappé d’appel, la créance demeure litigieuse et doit donc être déclarée, conformément à l’article 792 du Code civil. Cependant, le premier jugement était revêtu de l’exécution provisoire, de sorte que la créance, certes litigeuse, était assortie d’un titre exécutoire, l’article 504 du Code de procédure civile attachant ce caractère exécutoire aux décisions bénéficiant de l’exécution provisoire. D’où le paiement intervenu qui éteignait alors valablement la créance, ainsi que l’affirme l’arrêt commenté en ces termes : « les paiements effectués en vertu du jugement exécutoire par provision avaient éteint les créances ». La créance étant éteinte, celui qui était son titulaire n’avait plus à la déclarer à la succession. La solution rendue est donc tout à fait justifiée et a d’ailleurs déjà été retenue, de manière comparable, au sujet de la déclaration de créance en matière de procédure collective (Cass. com. 15-5-2019 n° 18-11.251 F-D : LEDEN juillet 2019 p. 4 note K. Lafaurie).

Il faut préciser enfin que, dans l’hypothèse où l’arrêt d’appel infirmerait le premier jugement, le paiement intervenu deviendrait indu (voir S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer : Procédure civile, Dalloz, coll. « Précis », 36e éd. 2022, n° 1488), obligeant le preneur à restituer à la succession la somme qu’il avait perçue au titre de l’exécution provisoire. Les sommes dues portent alors intérêt légal à compter de la sommation de les restituer et non pas du jour du versement, l’accipiens ayant reçu les sommes de bonne foi (C. civ. art. 1352-7).

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