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Le délai de prévenance d’un mois s’applique à la 5e semaine et aux jours de congés conventionnels

L’employeur ne peut pas imposer ou modifier la date de prise de congés sans respecter le délai de prévenance légal d’un mois, qu’il s’agisse du congé principal de 4 semaines, de la 5e semaine ou de congés conventionnels, sauf disposition conventionnelle différente ou circonstances exceptionnelles.

Cass. soc. 2-3-2022 n° 20-22.261 FS-B


Par Cécile HORREARD
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©Gettyimages

Les dispositions du Code du travail définissant les modalités d’information des salariés de l’ordre et des dates des départs à l’intérieur de la période de prise des congés payés concernent-elles uniquement le congé principal de 4 semaines ou bien tous les congés ? La chambre sociale de la Cour de cassation adopte une lecture extensive et pragmatique de ces dispositions en décidant que le texte n’opère pas de distinction entre le congé principal et la 5e semaine et s’applique également, sauf disposition contraire, aux congés d’origine conventionnelle, y compris les jours de RTT employeur.

L’employeur organise les départs en congés en respectant des délais de prévenance

Selon l’article L 3141-16 du Code du travail, si la période de prise des congés et l’ordre des départs pendant cette période ne sont pas définis par un accord d’entreprise ou de branche conclu en application de l’article L 3141-15 du même Code, il revient à l’employeur de les fixer après avis du comité social et économique. La période de prise des congés doit englober obligatoirement la période du 1er mai au 31 octobre (C. trav. art. L 3141-13). À l’intérieur de la période ainsi définie, l’employeur doit organiser les départs en congés payés par roulement, mais il peut également décider de fermer l’entreprise. Il doit toutefois respecter des délais de prévenance en informant les salariés :

  • de la période de prise des congés au moins 2 mois avant son ouverture (C. trav. art. D 3141-5) ;

  • de l'ordre des départs en congés au moins un mois avant, chaque salarié étant informé individuellement de ses dates de vacances (C. trav. art. D 3141-6).

L’ordre et les dates de départ en congés ne peuvent plus être modifiés moins d’un mois avant la date de départ prévue, sauf circonstances exceptionnelles (C. trav. art. L 3141-16) et sous réserve d’un délai différent défini par l’accord d’entreprise ou de branche définissant la période et l’ordre des départs en congés (C. trav. art. L 3141-15).

Le délai de prévenance d’un mois est applicable à la 5e semaine…

En l’espèce, un employeur est confronté à un mouvement de grève de plusieurs semaines entre décembre et mi-janvier désorganisant l’activité de l’établissement où sont occupés plus de 3 000 salariés. Afin d’éviter le recours à l’activité partielle, il impose aux salariés non-grévistes de prendre des congés au cours des deux premières semaines de janvier en les prévenant au dernier moment. Les salariés se voient contraints de prendre des jours de congés payés, mais également des jours de RTT. Estimant que l’employeur aurait dû respecter le délai de prévenance légal d’un mois, les organisations syndicales saisissent le tribunal de grande instance de Nanterre. Le tribunal puis la cour d’appel de Versailles leur donnent raison.

Pour juger illicite la fixation par l’employeur de congés imposés sans le respect du délai de prévenance d’un mois, la cour d’appel retient qu’aucune distinction entre les congés dits « principaux » d'origine légale correspondant à 4 semaines de congés payés et les congés au-delà n'a vocation à s'appliquer, les textes ne le prévoyant pas (CA Versailles 12-11-2020 n° 18/03658). L’employeur forme un pourvoi en cassation en faisant valoir que les dispositions légales encadrant la fixation des dates de congés ne sont pas applicables à la 5e semaine. Il rappelle que la 5e semaine de congés ne bénéficie pas des règles protectrices issues de la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 et suit un régime différent. Son fractionnement, c’est-à-dire sa prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, ne donne pas lieu à octroi de jours de congés supplémentaires (C. trav. art. L 3141-23), les jours correspondant peuvent être placés sur un compte épargne-temps (C. trav. art. L 3151-2) ou sur un Perco (C. trav. art. L 3334-8) ou encore donnés à un collègue sans contrepartie (C. trav. art. L 1225-65-1).

La Cour de cassation approuve la cour d’appel. Elle rappelle que selon l’article L 3141-16 du Code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l'accord, l'employeur ne peut pas, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue. Dans la mesure où le texte n’opère aucune distinction entre les 4 premières semaines et la 5e semaine de congés, elle en déduit que l’employeur ne peut pas imposer la prise de congés, à l’intérieur comme en dehors de la période estivale, sans respecter le délai de prévenance d’un mois, sauf si un accord d’entreprise ou de branche autorise l’employeur à modifier l’ordre et les dates de départ dans un délai inférieur.

A notre avis :

La solution devrait s’appliquer aux jours supplémentaires accordés par l’article L 3141-23 du Code du travail en contrepartie du fractionnement du congé principal.

… et aux jours de congés d’origine conventionnelle, sauf dispositions contraires…

L’employeur soutenait que les dispositions légales encadrant la prise des congés payés ne sont pas applicables, sauf disposition conventionnelle contraire, aux congés supplémentaires conventionnels et aux jours de repos – RTT employeur, qui constituent la contrepartie des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail, de sorte qu’il pouvait, dans le cadre de son pouvoir de direction, imposer la prise de tels jours.

Cet argument est rejeté par la chambre sociale. Selon elle, l’article L 3141-16 du Code du travail a une portée générale et s’applique également aux congés d’origine conventionnelle, sauf disposition conventionnelle contraire.

L’employeur n’avait produit en l’espèce aucun accord d’entreprise, d’établissement ou de branche l’autorisant à fixer les dates des jours de RTT employeur dans un délai inférieur à un mois de sorte qu’il ne pouvait imposer la prise des jours de repos sans informer les salariés au moins un mois avant.

A notre avis :

Eu égard à la portée générale de la décision dégagée par la chambre sociale, il est recommandé, en l’absence de disposition conventionnelle, de respecter le délai de prévenance légal d’un mois avant d’imposer la prise de jours de congés conventionnels, quelle que soit leur origine. Peuvent ainsi être concernés, outre les jours de repos RTT, les jours d’ancienneté ou les jours supplémentaires de congés instaurés par accord d’entreprise ou convention collective.

Cette solution, qui n’avait à notre connaissance jamais été exposée clairement par la Cour de cassation, s’inscrit dans la logique de la jurisprudence récente de la chambre sociale tendant à uniformiser le traitement des congés payés annuels légaux et conventionnels. Elle a jugé, au visa de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que les droits à congés reportés ont la même nature que les droits acquis, de sorte que les règles de fixation de l'ordre des départs en congé annuel s'appliquent aux congés annuels reportés et que l’employeur ne peut pas imposer à un salarié de prendre ses congés à l’issue de son arrêt de travail sans respect du délai de prévenance (Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-21.681 FS-PB : FRS 15/20 inf. 12). Elle a également unifié les règles de preuve de prise des congés payés garantis issues de la jurisprudence européenne en appliquant ce régime à la 5e semaine (Cass. soc. 26-1-2017 n° 15-26.202 F-D : RJS 4/17 n° 270) puis aux congés d’origine conventionnelle (Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-18.898 FS-PB : FRS 21/17 inf. 7) et dernièrement aux employeurs relevant d’une caisse de congés payés (Cass. soc. 22-9-2021 n° 19-17.046 FP-BR : FRS 19/21 inf. 12).

… ou circonstances exceptionnelles

Des circonstances exceptionnelles permettent à l’employeur de modifier les dates de congés déjà fixées moins d’un mois avant la date fixée (C. trav. art. L 3141-16). En l’espèce, la cour d’appel a retenu, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, que le mouvement de grève décrit par les parties ne constituait pas une circonstance de nature exceptionnelle.

Cass. soc. 2-3-2022 n° 20-22.261 FS-B

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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