Plus de vingt ans après leur séparation de corps, un mari assigne son épouse devant le juge aux affaires familiales en conversion en divorce. En parallèle, il saisit le juge de la mise en état d’une demande de diminution de la pension alimentaire qui a été mise à sa charge par l’arrêt de séparation de corps. Il est débouté, ce que confirme la cour d’appel. Le mari se pourvoit en cassation, lui reprochant de n’avoir actualisé ni les revenus ni les besoins de sa femme.
C’est toutefois sur un moyen relevé d’office que la Cour de cassation censure la cour d’appel et le juge de la mise en état pour excès de pouvoir et déclare la demande du mari irrecevable.
D’une part, lorsqu'il y a lieu de statuer, après le prononcé de la séparation de corps, sur la modification de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, la demande est présentée au juge aux affaires familiales par l'un des époux dans les formes et conditions prévues aux articles 1137 s. du CPC – assignation ou requête – (C. civ. art. 303, al. 1 ; CPC art. 1084, al. 1 et 1129). Il s’ensuit qu’il n’entre pas dans les attributions du juge de la mise en état de statuer sur une demande de modification de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours au cours d’une instance en conversion de la séparation de corps en divorce.
D’autre part, la cour d’appel ne pouvait pas faire application du principe selon lequel, en cas de survenance d’un fait nouveau, le juge peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites (CPC art. 1118). En effet, la demande du mari visait la modification d’une mesure accessoire au prononcé de la séparation de corps et non celle d’une mesure provisoire prise pour la durée de l’instance en conversion de cette séparation de corps en divorce.
A noter :
Le juge aux affaires familiales exerce plusieurs fonctions : il peut être la formation de jugement elle-même, – laquelle peut être à juge unique ou collégiale –, et il statue alors au fond, mais il est aussi juge de la mise en état. Comme le souligne la conseillère référendaire dans son rapport, il n’est pas inhabituel que le JAF statue avec une « casquette » différente, dans des instances qui opposent les mêmes parties, mais qui n’ont pas le même objet et qui répondent à des règles de procédure qui ne sont pas les mêmes, de même que dans une même instance, en divorce ou en séparation de corps par exemple, il peut successivement statuer en tant que juge de la mise en état, puis en tant que formation de jugement, sans que cela ne pose pour autant de difficulté pratique notoire, si ce n’est celle d’identifier les compétences d’attribution du juge aux affaires familiales au regard des différentes fonctions qu’il peut exercer (juge de la mise en état, juge du fond, juge des référés).
Qu’en est-il lorsque le JAF se trouve déjà saisi de l’instance en conversion de la séparation de corps ? Faut-il le saisir d’une procédure distincte ayant uniquement pour objet de réviser le montant de la pension alimentaire due à l’un des époux séparé de corps au titre du devoir de secours ? Oui, nous dit la Haute Juridiction. Elle condamne ainsi fermement la pratique des juges du fond qui semblait être fixée dans le sens d’un traitement « unitaire » d’une telle demande, au cours de l’instance en conversion, par le juge de la mise en état (Rapport du conseiller p. 15). Cette pratique est constitutive d’un excès de pouvoir.