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Une « check-list » pour les plans de restructuration

Le ministère de la justice a établi une liste énumérant sommairement les informations que doit contenir le projet de plan présenté par une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective. Jean-Luc Vallens précise le contenu de cette « check-list ».

Ministère de la justice, « Liste de contrôle détaillée relative aux plans de restructuration », 10-11-2021


Par Jean-Luc VALLENS, Magistrat honoraire, ancien Professeur (Université de Strasbourg)
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©iStock

Objectifs de la liste de contrôle

Sous l’intitulé « Liste de contrôle relative aux plans de restructuration », le ministère de la justice a établi à l'attention des PME un document sommaire détaillant le contenu d'un projet de plan dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de sauvegarde accélérée et de redressement judiciaire (« Ministère de la justice, Liste de contrôle détaillée relative aux plans de restructuration », 10-11-2021). Il s'appuie pour ce faire sur une disposition de la directive européenne 2019/1023 du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive et aux procédures d'insolvabilité : cette disposition prescrit aux Etats membres d’élaborer un document à l'attention des petites entreprises comprenant « des orientations pratiques sur la façon dont le plan de restructuration doit être rédigé conformément au droit national » (Dir. UE 2019/1023 du 20-6-2019 art 8, § 2).

Moins élaboré qu’une circulaire, le document ministériel contient un résumé des points devant figurer dans un projet de plan, tout en précisant, précaution utile, qu'il ne saurait remplacer les conseils nécessaires prodigués par des praticiens compétents, sous-entendu un expert-comptable, un avocat ou un praticien de l'insolvabilité déjà consulté ou déjà désigné dans le cadre d’une procédure de conciliation.

Sans doute n'était-il pas nécessaire d'établir une telle liste, qui n’ajoute rien aux dispositions détaillées introduites par le décret 2021-1218 du 23 septembre 2021 ; le ministère de la justice a voulu manifester par là la volonté du Gouvernement français de transcrire fidèlement la directive européenne

Rappelons que l’un des objectifs de la directive européenne est d'harmoniser les conditions d'adoption des plans de restructuration pour les entreprises en difficulté, en prescrivant la mise en place de classes de créanciers appelées à voter selon des modalités précises et en confiant au tribunal le soin d’approuver ces plans. La liste de contrôle ainsi proposée constitue pour les dirigeants sociaux et les entrepreneurs individuels une aide précieuse lorsqu'ils s'apprêtent à présenter un projet de plan. Parallèlement, elle offre aux tribunaux de commerce un document permettant d’en vérifier le contenu et le sérieux.

Ce document, qui s'inscrit dans les dispositions nouvelles résultant de l'ordonnance du 15 septembre 2021 et du décret du 23 septembre 2021 (C com. art. D 626-65), portant transcription de la directive européenne de 2019, reproduit les éléments devant figurer dans un plan (Dir. UE 2019/1023 art. 8, § 1), afin de rendre ces prescriptions lisibles et accessibles à tous. La liste, qui pourrait être l'objet d'une normalisation plus poussée au niveau des tribunaux et des cours, guidera l’élaboration de tout projet de plan devant être soumis aux créanciers et aux actionnaires d'une société en difficulté répartis en plusieurs classes, comme aux créanciers individuellement en l’absence de classes.

Contenu de la liste de contrôle

L’énumération sommaire contenue dans cette liste mérite quelques précisions.

L’identité du débiteur : il s'agit d’indiquer le nom, la dénomination juridique (raison sociale) ainsi que le capital social, l’identité du ou des dirigeants, le siège statutaire, mais également les sociétés associées (société mère et sœurs ou filiales) et la place respective des sociétés du groupe auquel appartient la société débitrice. Il faut y ajouter un extrait du registre du commerce et des sociétés (à compter du 1er janvier 2023 sera mis en œuvre le registre national des entreprises créé par l’ordonnance 2021-1189 du 15 septembre 2021) : cet extrait devrait être récent si des modifications statutaires sont intervenues depuis l'ouverture de la procédure d'insolvabilité.

L’actif du débiteur : cette rubrique mentionne également la valeur nette comptable des actifs, mais l’actif et les actifs figurant au même point de la liste ne sont pas identiques.

L’actif correspond aux postes comptabilisés à l’actif dans leur valeur actuelle (au moment de la présentation du plan) ; l’expert-comptable doit être associé à la détermination de cette valeur, ainsi que, le cas échéant, le commissaire aux comptes, sans qu'il s'agisse ici d'en certifier l'exactitude. Il faut se référer à la classification des postes comptables de l’actif, en y ajoutant les immobilisations corporelles, incorporelles et financières, et les stocks évalués, les créances sur clients et la trésorerie.

Les dirigeants doivent par ailleurs indiquer la valeur des éléments d’actif : ils engagent leur propre responsabilité quant à la valeur indiquée pour ces actifs, ce qui n'est pas le cas lorsqu'un inventaire accompagné d'une prisée est opéré par un huissier désigné par la juridiction (C com. art. L 622-6 et R 622-4). Une actualisation de l'inventaire qui était joint à la demande d'ouverture (C com. art. R 621-1, 7°) ou qui a été établi par la suite par le débiteur (C com. art. L 622-6-1) donnera une image fidèle du patrimoine du débiteur en son dernier état. C'est sur la base de cette estimation que la faisabilité du plan s'appréciera.

Il apparaît également nécessaire que ces actifs soient décrits avec les sûretés qui les grèvent, compte tenu des droits qui peuvent être invoqués par les créanciers qui en sont titulaires.

On ajoutera que tous les biens du débiteur doivent être mentionnés, y compris ceux qui seraient localisés à l’étranger ; cette information se rattache à l’obligation du débiteur d’informer le tribunal et les mandataires de justice de son entier patrimoine selon les dispositions précitées, à peine de sanction (C com. art. L 653-8).

Le débiteur peut faire figurer dans son actif des biens ne lui appartenant pas

A priori, il s'agit seulement des actifs appartenant en pleine propriété au débiteur. Mais le débiteur peut à ce titre ajouter les biens loués ou détenus sous réserve de propriété, ou dans le cadre d'un crédit-bail ou d'une simple location, dès lors que leur situation juridique y apparaît clairement mentionnée.

Le passif du débiteur : il doit être indiqué en détaillant, non pas tant le capital social, que les créances (exigibles et à échoir), les prêts en cours assortis des intérêts, les engagements financiers et les engagements hors bilan, les créances fiscales et sociales ainsi que les comptes courants d’associés...

Dans la mesure du possible, le débiteur doit distinguer le passif reconnu des dettes qui seraient contestées, ainsi que, le cas échéant, les contentieux soumis au juge-commissaire ou à la cour, sur la base des déclarations de créances déjà examinées. Un tableau distinguant les créances reconnues des créances contestées, celles qui bénéficient d'un privilège et celles qui en sont démunies, facilitera l'évaluation du passif de l'entreprise, aussi bien par les créanciers appelés à voter que par la juridiction compétente.

Rappelons que le débiteur peut lui-même indiquer les créances, ce qui vaut déclaration sous réserve des contestations ou modifications faites par les créanciers… (C. com. art. L 622-24, al. 2)

On y ajoutera les créances salariales qui font partie du passif, même si elles sont partiellement ou totalement garanties par l’AGS, compte tenu de la subrogation dont cet organisme bénéficie.

En ce qui concerne les créances postérieures au jugement d'ouverture, leur mention apparaît nécessaire, bien qu'elles ne fassent pas partie du passif à régler suivant les modalités du plan de restructuration, dans la mesure où elles sont exigibles avant la mise en œuvre d'un tel plan.

Ces éléments restent naturellement évolutifs du fait des dettes encore susceptibles d'apparaître et de grever les capacités financières de l'entreprise entre le moment où le projet de plan est présenté et le moment où il sera soumis à l'approbation des parties affectées.

La description de la situation économique du débiteur : par débiteur, il faut entendre l'entreprise. La présentation de sa situation englobe nécessairement les causes de ses difficultés.

Le projet de plan reprend pour l'essentiel le contenu du bilan économique et social, dont l'élaboration incombait à l'administrateur judiciaire, mais il engage ici le débiteur lui-même. Un état détaillé de la situation doit couvrir les aspects économiques et sociaux ; on y ajoutera les aspects environnementaux, compte tenu des dettes de dépollution dont la société peut être tenue au moment de l'approbation d'un plan.

Il s'agit en définitive d'actualiser le rapport du mandataire de justice dans une perspective dynamique, au moment où ce dernier s’apprête à réunir les créanciers pour procéder au vote sur le projet présenté par le débiteur.

Cette description comprendra enfin une situation de la trésorerie et un compte de résultat provisoire récent, ainsi que l'état des contrats en cours et des dettes afférentes.

Les parties affectées et leurs créances ou droits concernés : il s'agit ici de la notion de « parties affectées », consacrée par l'ordonnance du 15 septembre 2021, qui les définit comme étant les créanciers titulaires d'une créance antérieure au jugement d'ouverture, les créanciers obligataires et les détenteurs de capital (C. com. art. L 626-30). Les créances et les droits concernés doivent correspondre aux sommes figurant dans l'état du passif admis ou non encore arrêté.

Les classes dans lesquelles les parties affectées ont été regroupées : les modalités de répartition des parties affectées réparties en une plusieurs classes destinées à permettre un vote du plan par les créanciers ou les titulaires de droits ayant une communauté d’intérêt économique suffisante, et faciliter le contrôle ultérieur du tribunal de commerce sur les conditions dans lesquelles le vote est organisé.

Il est possible que la répartition opérée par l'administrateur judiciaire fasse l'objet de contestations de la part d'une ou de plusieurs parties affectées : en ce cas, le projet de plan devrait préciser l'auteur de la contestation, l’objet de celle-ci et si elle n'est pas encore tranchée de façon définitive par le juge-commissaire ou la cour d'appel au moment où le projet de plan est présenté (C. com. art. L 626-30 et art. R 626-58-1). Il importe que les contestations soient vidées avant que les créanciers ne votent sur le projet de plan. Il resterait donc possible de modifier les éléments figurant sur la liste.

La même observation s'impose en ce qui concerne le montant des créances :  chaque partie affectée pourrait, le cas échéant, modifier sa créance jusqu'au moment du vote. La valeur (nominale) des créances doit figurer en face de chacune des parties affectées concernées.

Les parties non affectées par le plan : une rubrique particulière doit énumérer les parties qui ne sont pas concernées par le plan, afin que le tribunal de commerce puisse s’assurer que les répartitions des créanciers en classes aient été faites conformément aux prescriptions légales.

On rappellera que ne sont pas affectées les créances salariales, les créances de nature alimentaire, les créances dues au titre d’une pension, les créances postérieures au jugement d'ouverture et celles d'un faible montant.

Chacune des parties non affectées doit être mentionnée avec sa qualité qui justifie son exclusion.

En théorie l'ensemble constitué par la liste des parties affectées et des parties non affectées doit constituer (sauf les détenteurs de capital) l’entier passif.

L'identité de l'administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire : le nom des mandataires de justice doit être précisé et, s'agissant de fonctions attribuées à des sociétés d’exercice professionnel, la personne physique en charge de la procédure et qui en assume la responsabilité dans la limite de ses fonctions.

Le contenu du plan : il s’agit du cœur du plan de restructuration et d’un élément essentiel pour l'appréciation du projet, en particulier lorsqu’un ou plusieurs projets concurrents sont présentés en redressement judiciaire. Ce contenu diverge naturellement selon la nature et la taille de l'entreprise, la composition de ses éléments d’actif et les perspectives de redressement.

La liste de contrôle mentionne simplement que le débiteur doit indiquer les mesures de restructuration et leur durée, qui constituent un critère du sérieux du projet et de sa faisabilité, aussi bien pour les créanciers appelés à voter que pour le tribunal lorsqu'il s'agira d'apprécier sa pertinence. Si une modification des statuts est prévue, elle doit naturellement être mentionnée, ainsi que la place et le rôle attendus de dirigeants de l'entreprise à l'issue du projet de restructuration.

Les conséquences sur l'emploi : de manière distincte la liste mentionne également les conséquences du plan sur l'emploi, même si dans les faits c'est dans le contenu du plan que ces éléments figurent comme un élément déterminant. Les restructurations nécessaires de l'emploi concernent les licenciements économiques, avec ou sans un plan de sauvegarde de l'emploi, les possibilités de délocalisation, la nécessité de fermer un établissement, les reclassements, la mise en place de cellules d’accompagnement et l'indemnisation légale ou supralégale des salariés incluse dans un PSE. Outre ces éléments, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique doivent être mentionnées. Il s'agit d’informer les créanciers mais aussi la juridiction compétente du respect des formalités requises : date des réunions, compte rendu des réunions, demande d’expertise éventuelle et recours.

Les financements nouveaux attendus : il importe de mentionner les projets de financement qui permettront ou faciliteront la réussite d'un plan, tel que les investissements promis aussi bien par des acteurs privés que par une collectivité publique. Un privilège général a été accordé, rappelons-le, à ceux qui soutiennent le redressement de l’entreprise en difficulté (C. com. art. L 626-10). Sa mention doit être portée à la connaissance des créanciers appelés à voter.

Enfin, les perspectives de redressement doivent être rendues suffisamment crédibles par le débiteur pour montrer, selon la terminologie de la directive reprise par le ministère de la justice, « une perspective raisonnable d'éviter la cessation des paiements du débiteur ou de garantir sa viabilité et comprenant les conditions préalables nécessaires au succès du plan »…

Mise en œuvre de la liste de contrôle

Chacun des éléments contenus dans la liste de contrôle devra faire l'objet d'un examen par l'administrateur judiciaire et d’une présentation au moment où les créanciers sont appelés à voter.

La liste offre un cadre permettant d’élaborer un projet sérieux

Normalisation. Par la diffusion de cette liste (qui reste à compléter par les praticiens et par les tribunaux), le ministère de la justice offre un cadre relativement standardisé permettant aux dirigeants sociaux d'élaborer avec leurs conseils un projet sérieux de redressement de l'entreprise. Le document diffusé par le ministère de la justice vise au premier chef les PME mais s'adresse en réalité à tous les dirigeants. Cette normalisation est évidemment appelée à se généraliser aux entreprises pour lesquelles la constitution des classes de parties affectées n’est pas obligatoire : les bonnes pratiques mises en œuvre par les praticiens en présence des plus grandes entreprises s'appliqueront naturellement aux plus petites d’entre elles.

Anticipation. Compte tenu de la durée limitée de la période d'observation qui doit conduire au vote ou à l'arrêté d'un projet de plan de restructuration (en particulier dans le cadre d’une procédure de sauvegarde accélérée), les éléments de la liste de contrôle doivent être établis dès avant l'ouverture de la période d'observation, notamment si une procédure de conciliation antérieure a précédé l’ouverture de la procédure de sauvegarde. La liste doit ensuite être complétée au fur et à mesure de la préparation du plan et de l'élaboration, le cas échéant, des classes de parties affectées. C'est à ces conditions que le document renseigné, complété et actualisé, constituera un outil utile à la présentation d’un projet de restructuration.

Obligation. La valeur juridique de ce document n’équivaut évidemment pas à celle d’un texte normatif, mais son caractère obligatoire résulte du texte réglementaire applicable et dont la liste en reproduit les termes.

Le contenu de la liste de contrôle s’impose donc aux dirigeants sociaux. Quel serait le sort d'un projet de plan qui ne comprendrait pas tout ou partie des éléments requis ? Il s’agit plus ici d’un aspect substantiel que d’une question de forme. Si le document n'est pas un acte de procédure (soumis aux règles de nullité prescrites par le Code de procédure civile), il n'en constitue pas moins un des éléments nécessaires à la présentation et au vote d'un plan de restructuration. Si les éléments nécessaires figurent dans un document distinct, tel que le rapport de l’administrateur judiciaire ou l’avis circonstancié d'un expert-comptable, ils pourraient être jugés également pertinents : l’essentiel est de fournir aux créanciers répartis en classes et au tribunal compétent les éléments d'appréciation nécessaires sur le projet présenté.

Jean-Luc Vallens est docteur en droit. Magistrat honoraire et ancien Professeur à l’université de Strasbourg, il a représenté la France auprès de l’Union européenne et de la CNUDCI. Il a été également membre du groupe d’experts de la Commission européenne lors des travaux préparatoires de la Directive prévention et insolvabilité. Il est formateur à l’Ecole régionale d’avocats du Grand-Est et de l’Ecole nationale de la magistrature.

Jean-Luc Vallens est docteur en droit. Magistrat honoraire et ancien Professeur à l’université de Strasbourg, il a représenté la France auprès de l’Union européenne et de la CNUDCI. Il a été également membre du groupe d’experts de la Commission européenne lors des travaux préparatoires de la Directive prévention et insolvabilité. Il est formateur à l’Ecole régionale d’avocats du Grand-Est et de l’Ecole nationale de la magistrature.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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