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Élargissement de la PMA à toutes les femmes : la loi bioéthique consacre le rôle du notaire

À ses missions traditionnelles de recueil du consentement et d’information des candidats à la PMA avec un tiers donneur, le notaire est désormais en charge d’établir les actes de reconnaissante conjointe sécurisant la filiation de l’enfant né d’un couple de femmes.

Loi 2021-1017 du 2-8-2021 art. 1 et 6 : JO 3 texte n° 1


Par Caroline CROS, Olivier DESUMEUR et Emmanuel DE LOTH
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©iStock

La loi relative à la bioéthique, entrée en vigueur le 4 août 2021, réforme en profondeur les dispositions réglementant la procréation médicalement assistée (PMA), encore appelée assistance médicale à la procréation (AMP) (C. civ. art. 342-9 s. nouveaux ; CSP art. L 2141-1 s. modifiés).

Ouverture de la PMA. Jusqu’à présent, la PMA était réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme et avait pour objet de remédier à une infertilité biologique. La loi met fin au critère médical d’infertilité et précise désormais que l’AMP est (CSP art. L 2141-2 modifié) :

  • destinée à répondre à un projet parental ;

  • ouverte à tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou à toute femme non mariée.

Consentement notarié en cas de tiers donneur. Comme c’est déjà le cas pour les couples hétérosexuels, les couples de femmes ou la femme non mariée qui recourent à une AMP nécessitant l’intervention d’un tiers donneur (C. civ. art. 342-10, al. 1 nouveau) ou avec accueil d’embryon (CSP art. 2141-6 modifié) doivent préalablement donner leur consentement à un notaire.

Pour rappel, la déclaration est recueillie par acte authentique hors la présence de tiers (CPC art. 1157-2). Cet acte authentique est exonéré de droit d’enregistrement (CGI art. 847 bis modifié).

Jusqu’à présent, le notaire devait informer les intéressés des seules conséquences de leur acte au regard de la filiation. Il doit désormais également les informer des conditions dans lesquelles l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur (CSP art. L 2143-2 nouveau).

Effets du consentement sur la filiation. Comme auparavant, la loi interdit formellement qu’un lien de filiation puisse être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation (C. civ. art. 342-9 nouveau). De même, le consentement donné à une AMP interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation. La filiation peut toutefois être contestée lorsque l’enfant n’est pas issu de l’AMP ou que le consentement a été privé d’effet (C. civ. art. 342-10 al. 2 et 3 nouveaux) :

  • soit en raison de certains évènements survenant avant la mise en œuvre de la PMA : décès d’un des membres du couple, cessation de la communauté de vie, introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps et désormais signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel sans juge ;

  • soit lorsque l'un des membres du couple révoque par écrit son consentement avant la réalisation de l’AMP auprès du médecin chargé de la mettre en œuvre ou désormais du notaire qui a reçu ce consentement.

Reconnaissance conjointe notariée. S’agissant plus spécifiquement des couples de femmes, la loi crée un nouveau mode de filiation, la reconnaissance conjointe, pour les enfants issus d’une PMA (C. civ. art. 310-1 modifié). Les intéressées doivent reconnaître conjointement l’enfant lors du recueil de leur consentement devant notaire (C. civ. art. 342-11, al. 1 nouveau).

À l’égard de la femme qui accouche, la filiation est établie, conformément au droit commun, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant (C. civ. art. 311-25).

Pour l’autre femme, la filiation est établie par la reconnaissance conjointe faite devant notaire. Celle-ci est remise par l’une des deux femmes ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance à l’officier de l’état civil, qui l’indique dans l’acte de naissance (C. civ. art. 342-11, al. 2 nouveau).

La femme qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à l'officier de l'état civil de la reconnaissance conjointe engage sa responsabilité (C. civ. art. 342-13, al. 3 nouveau). La loi prévoit une disposition similaire pour le père qui ne reconnaît pas l’enfant issu de l’AMP à laquelle il a consenti (C. civ. art. 342-13, al. 1 nouveau).

En cas d'absence de remise de la reconnaissance conjointe, celle-ci peut être communiquée à l'officier de l'état civil par le procureur de la République à la demande de l'enfant majeur, de son représentant légal s'il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice (C. civ. art. 342-13, dernier al. nouveau).

Nom de famille et autorité parentale. Au plus tard au moment de la déclaration de naissance, les deux femmes choisissent le nom de famille de l’enfant : soit le nom de l'une d'elles, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par elles dans la limite d'un nom de famille pour chacune d'elles. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille de chacune d'elles, accolés selon l'ordre alphabétique (C. civ. art. 342-12). L’autorité parentale est exercée conjointement par les deux femmes (C. civ. art. 372, al. 1 modifié). L’exercice conjoint de l’autorité parentale est toutefois écarté lorsque la mention de la reconnaissance conjointe est apposée à la demande du procureur de la République (C. civ. art. 372, al. 2 modifié). Dans ce cas, la femme qui a accouché conserve seule l’exercice de l’autorité parentale.

Régularisation des PMA antérieures au 3 août 2021. La loi prévoit une mesure spécifique pour les couples de femmes ayant eu recours à une PMA à l’étranger avant le 3 août 2021. Ces dernières peuvent, jusqu’au 3 août 2024, faire devant notaire une reconnaissance conjointe de l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché (Loi art. 6 IV). Jusqu’à présent, seule l’adoption permettait à la conjointe de la femme ayant couché d’établir un lien de filiation avec l’enfant (Cass. avis 22-9-2014 nos 15010 et 15011 ; Rép. Courteau : Sén. 7-4-2016 n° 13043). La reconnaissance conjointe sera inscrite en marge de l’acte de naissance de l’enfant sur instruction du procureur de la République si les conditions en sont remplies.

Obstacle à la GPA. La loi entend par ailleurs combattre la dernière jurisprudence de la Cour de cassation généralisant la transcription intégrale en France des actes de naissance étrangers d’enfants issus d’une GPA (Cass. 1e civ. 18-12-2019 n° 18-12.327 FS-PBRI et Cass. 1e civ. 18-12-2019 n° 18-11.815 FS-PBRI : SNH 4/20 inf. 4 ; Cass. 1e civ. 4-11-2020 n° 19-15.739 FS-PBI et Cass. 1e civ. 4-11-2020 n° 19-50.042 FS-PBI : SNH 39/20 inf. 5). L'article 47 du Code civil se voit ainsi complété pour préciser que la réalité des faits déclarés dans l'acte de l'état civil étranger « est appréciée au regard de la loi française » et non, comme le fait cette jurisprudence, de la loi étrangère (Loi art. 7).

La transcription de l’acte de naissance étranger ne serait donc plus possible en ce qui concerne la mention du parent d’intention. L’efficacité de cette nouvelle disposition a toutefois été questionnée tant la formulation retenue laisse une marge d’appréciation (N. Anciaux, chron. Droit des personnes : JCP G 2020 n° 1025 § 2).

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A noter :

À la suite de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées, l’égalité des modes de filiation est érigée en principe de portée générale (Loi art. 6). Une nouvelle disposition s’additionne aux 7 préexistantes constitutives du titre préliminaire du Code civil. Ainsi, il est précisé que : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions particulières du chapitre II du titre VIII du livre Ier [adoption simple]. La filiation fait entrer l'enfant dans la famille de chacun de ses parents » (C. civ. art. 6-2 nouveau).

Cet ajout répond « à l’exigence constitutionnelle et conventionnelle d’égalité en matière de filiation, qui veut que tous les enfants aient les mêmes droits, sous réserve des dispositions spécifiques à l’adoption simple, autrement dit que tous les modes de filiation produisent les mêmes effets » (Rapport AN 14-9-2019 n° 2243) (toutefois, pour une critique du choix fait par le législateur d’ajouter au titre préliminaire du Code civil, à propos de l’article 6-1 du même Code (C. Pérès, L’article 6-1 du code civil : heurs et malheurs du titre préliminaire : D. 2013 p. 1370)).

Cet ajout a pour corollaire l’abrogation de la disposition relative au principe d’égalité des filiations figurant au titre 7 « De la filiation » (C. civ. art. 310). Il en va de même du principe d’assimilation de la filiation adoptive à la filiation par le sang (C. civ. art. 358).

Sur le plan successoral, l’affirmation du principe d’égalité de traitement des enfants quel que soit le mode d’établissement de leur filiation (C. civ. art. 6-2 nouveau) conforte l’égalité de traitement successoral de ceux nés par assistance médicale à la procréation. Rappelons qu’en cette matière le principe de non-discrimination entre les héritiers selon les modes d’établissement de la filiation figure déjà à l’article 733 du Code civil.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne