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Un constructeur automobile non reconnu dirigeant de fait d'un équipementier

Un constructeur automobile agissant dans le cadre d'un protocole d'accord conclu avec un fournisseur n'est pas dirigeant de fait de celui-ci si les agissements qui lui sont reprochés n'ont consisté qu'en des contrôles ou exigences révélant un rapport de subordination économique.

Cass. com. 19-5-2021 n° 19-25.286 F-D, Sté Renault c/ Sté Alliance


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©iStock

Un constructeur automobile conclut avec l'un de ses fournisseurs, société spécialisée dans la production de joints d'étanchéité, et avec la société en détenant le capital deux protocoles d'accord portant sur les prix d'achat et sur les commandes à passer auprès de ce fournisseur, en contrepartie de certains avantages pour le constructeur (notamment, informations sur les gains de productivité du fournisseur et transparence financière garantie par ce dernier), et prévoyant l'engagement de la société mère de céder les titres de sa filiale à tout repreneur recommandé par le constructeur. Le fournisseur est finalement placé en liquidation judiciaire et le liquidateur poursuit le constructeur aux fins de le voir supporter, en sa qualité de dirigeant de fait du fournisseur, l'insuffisance d'actif de celui-ci.

Il ressort des constatations suivantes que les actes reprochés au constructeur ne caractérisaient pas des actes de gestion ou de direction de sa part exercés en toute indépendance, de sorte qu'il n'était pas dirigeant de fait du fournisseur :

  • si le constructeur avait exercé des actes de contrôle du fournisseur, planifié une conférence téléphonique, mis en place un suivi mensuel de sa trésorerie et s'était intéressé aux dettes et aux délais de paiement de deux clients de ce dernier, il n'avait pas donné des instructions à ce sujet, les dirigeants de droit du fournisseur étant informés de ces démarches et la preuve n'étant pas apportée que les réunions entre le constructeur et l'actionnaire du fournisseur se soient tenues hors leur présence ;

  • le constructeur n'avait été qu'associé aux négociations avec un partenaire du fournisseur ;

  • les dirigeants conservaient une certaine indépendance d'action s'agissant du projet de reprise dont faisait l'objet le fournisseur ;

  • outre l'absence d'indépendance du constructeur dans ses actes relatifs au pilotage de la trésorerie et au projet de reprise, ainsi que dans la gestion de la politique sociale du fournisseur, aucune instruction émanant du constructeur n'était démontrée s'agissant des dettes des clients du fournisseur ;

  • le constructeur n'était pas intervenu directement auprès d'un fournisseur de son équipementier et n'avait pas décidé de payer certains contractants au lieu et place du fournisseur, et il n'était pas prouvé qu'il ait imposé ou recruté des salariés pour le compte de celui-ci ;

  • le suivi de la trésorerie n'avait été mis en place que pour anticiper les besoins de trésorerie du fournisseur et répartir les fonds issus des engagements de hausse des prix ;

  • le constructeur n'avait pris une part active dans le processus de reprise du fournisseur que pour envisager les modalités d'une poursuite des relations d'affaires avec les éventuels repreneurs.

Les agissements du constructeur n'avaient consisté qu'en des contrôles, recommandations, demandes ou exigences, ne révélant qu'un rapport de subordination économique du fournisseur vis-à-vis de son client, dans le cadre de conventions où le constructeur prenait, en cette qualité et dans son propre intérêt, des décisions ayant des conséquences pour le fournisseur.

A noter :

Le dirigeant de droit ou de fait d'une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de cette société s'il a commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif (C. com. art. L 651-2).

La qualification de dirigeant de fait se caractérise par l'exercice en toute liberté et indépendance, seul ou en groupe, de façon continue et régulière, d'activités positives de gestion et de direction engageant la société (Cass. com. 25-1-1994 n° 91-20.007 D : RJDA 4/94 n° 402 ; Cass. com. 12-7-2005 n° 03-14.045 FP-PBIR : RJDA 2/06 n° 169 ; Cass. com. 10-1-2012 n° 10-28.067 F-D : RJDA 4/12 n° 427, 1e espèce).

La gestion de fait peut être retenue même sans éviction des dirigeants de droit et elle peut s’exercer dans un cadre contractuel.

Jugé par exemple qu'avait la qualité de dirigeant de fait une société qui avait conclu avec une autre société exploitant un hôtel un contrat d'assistance technique relatif à la conception, à l'équipement, à l'architecture et à la décoration de l'hôtel et qui s'était réservé le domaine de l'embauche et des licenciements, la mise en place de l'organisation administrative et financière de l'hôtel, la définition de la politique des prix, la négociation des contrats et la politique commerciale, s'assurant ainsi sans partage la direction de l'établissement (Cass. com. 19-12-1995 n° 92-20.116 P : RJDA 3/96 n° 431).

En revanche, n'a pas cette qualité le constructeur de véhicules automobiles qui a donné des ordres à un concessionnaire en matière d'achat de véhicules, fixé des directives au comptable ou encore assuré une présence quasi hebdomadaire dans la concession, dès lors que ces agissements s'inscrivaient dans le cadre des relations prévues entre le concédant et le concessionnaire par le contrat de concession (Cass. com. 26-10-1999 n° 97-19.026 D : RJDA 11/99 n° 1213).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne