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Cautionnement donné par des époux communs en biens : appréciation de la disproportion

La disproportion des engagements donnés par actes séparés par des cautions mariées sous le régime légal doit s'apprécier au regard de l'ensemble de leurs biens et revenus propres et communs.

Cass. 1e civ. 2-2-2022 n° 20-22.938 FS-B, Société générale c/ X


Par Sophie CLAUDE-FENDT
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©Gettyimages

Un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir du cautionnement donné par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution ne lui permette de faire face à son engagement lorsqu’elle est appelée à l’exécuter (C. consom. art. L 332-1 et L 343-4).

Une banque accorde un prêt de 300 000 € à une société. Par actes séparés, des époux mariés sous le régime de la communauté légale se portent chacun caution solidaire des engagements de la société à l'égard de la banque, à concurrence respectivement de 273 000 € pour le mari et 117 000 € pour la femme. A la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société, les cautions, poursuivies en paiement par la banque lui opposent la disproportion de leur engagement. La banque fait alors valoir que, lorsque des époux communs en biens se sont portés cautions solidaires d'une même dette à hauteur de montants différents, la disproportion manifeste de leurs cautionnements s'apprécie au regard du montant de l'engagement le plus élevé des deux (273 000 €), et non pas au regard du montant cumulé des deux engagements (390 000 €), et qu’elle s’apprécie par ailleurs séparément pour chaque époux, de sorte que le cautionnement de l’épouse au regard de la somme de 117 000 € n’était pas disproportionné. Elle prétend également que ne doivent pas être prises en compte les charges propres du mari dans l’appréciation de cette disproportion, mais seulement les charges de la communauté et les charges propres de l’épouse.

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La Cour de cassation écarte ces arguments : la disproportion des engagements de cautions mariées sous le régime légal doit s'apprécier au regard de l'ensemble de leurs biens et revenus propres et communs.

Dès lors qu’au vu des revenus des cautions, de leurs charges et de leur patrimoine, les cautionnements (pris en compte pour leurs montants cumulés) étaient manifestement disproportionnés, et que la banque ne prouvait pas qu’à la date où les cautions avaient été appelées en paiement leur patrimoine leur permettait de faire face à leurs obligations, la demande de la banque devait être rejetée.

A noter :

L’appréciation du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution relève du pouvoir souverain des juges du fond (en dernier lieu : Cass. 1e civ. 25-3-2020 no 19-15.163 F-D : RJDA 8-9/20 no 456 ; Cass. com. 12-11-2020 n° 19-14.243 F-D : RJDA 7/21 n° 517). La Cour de cassation opère cependant un contrôle portant sur les éléments pris en compte pour apprécier la disproportion.

Notamment, lorsque le cautionnement a été souscrit par une personne mariée, il convient de tenir compte du régime matrimonial pour déterminer les biens et revenus à prendre en considération pour apprécier la disproportion de son engagement.

Ainsi, si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, la disproportion de l’engagement d’une caution s’apprécie au regard de ses revenus et biens personnels (Cass. 1e civ. 25-11-2015 n° 14-24.800 F-D : Gaz. Pal. 12-4-2016 p. 32 note S. Piédelièvre ; Cass. com. 24-5-2018 n° 16-23.036 F-PBI : RJDA 10/18 n° 772), lesquels comprennent sa quote-part dans les biens indivis (Cass. 1e civ. 19-1-2022 n° 20-20.467 FS-B : BRDA 4/22 inf. 10).

A l'inverse, lorsque la caution est mariée sous le régime de la communauté, la proportionnalité de son engagement s’apprécie au regard des biens et des revenus propres de la caution mais aussi des biens communs des époux (notamment, Cass. com. 6-6-2018 no 16-26.182 FS-PBI : RJDA 8-9/18 no 680), sans qu'il importe de déterminer si le conjoint de la caution a donné ou non son accord au cautionnement (Cass. com. 15-11-2017 no 16-10.504 F-PBI : RJDA 2/18 no 177 ; Cass. com. 6-6-2018 no 16-26.182 précité).

La Haute Juridiction précise ici que, si des époux communs en biens se sont portés cautions solidaires d'une même dette à hauteur de montants différents, la disproportion manifeste de leurs cautionnements s'apprécie au regard de l’ensemble des biens et des revenus propres et communs des époux, et en prenant en compte le montant cumulé des cautionnements et non pas séparément pour chaque époux ou au regard du montant du cautionnement le plus élevé, comme la banque le soutenait (déjà en ce sens, Cass. com. 5-2-2013 n° 11-18.644 F-PB : RJDA 5/13 n°451).

La Cour suprême rappelle aussi dans cet arrêt que la charge de prouver la disproportion manifeste du cautionnement à la date de sa conclusion pèse sur la caution (Cass. com. 13-9-2017 n° 15-20.294 F-PBI : RJDA 6/18 n° 533 ; Cass. com. 12-11-2020 n° 19-14.243 F-D : RJDA 7/21 n° 517). Lorsque la disproportion est établie, c'est, à l'inverse, au créancier de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet néanmoins de faire face à son obligation au moment où elle est appelée à exécuter son engagement (Cass. 1e civ. 10-9-2014 n° 12-28.977 F-PB : Bull. civ. I n° 141 ; Cass. com. 1-3-2016 n° 14-16.402 FS-PB : RJDA 5/16 n° 396 ; Cass. com. 5-9-2018 n° 17-18.660 F-D : RJDA 11/18 n°870).

La solution de la décision commentée conserve toute sa valeur sous l’empire de l’ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, car seule la sanction de la disproportion a été modifiée (C. civ. art. 2300 prévoyant la réduction du cautionnement).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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