Décret 2025-482 du 27-5-2025 : JO 1-6 ; Arrêté TSST2503467A du 27-5-2025 : JO 1-6
Jusqu’à présent, la protection des travailleurs contre les risques liés aux fortes chaleurs faisait l’objet de préconisations émises par l’administration et de dispositions éparses dans le Code du travail.
Bien qu’émises dans des textes sans portée obligatoire, ces préconisations devaient être prises en compte par les entreprises dans la mesure où elles se fondaient sur les obligations générales de l’employeur en matière de santé et de sécurité des salariés.
Toutefois la multiplication des épisodes de canicule ainsi que leur intensification justifiaient l’adoption dans le Code du travail d’une réglementation dédiée à la prévention des risques qui y sont associés.
Le décret 2025-482 du 27 mai 2025 insère ainsi dans le Code du travail un volet dédié à la prévention de ces risques. Il permet également à l’inspecteur du travail de mettre en demeure l’employeur de respecter ces nouvelles dispositions.
L’arrêté du 27 mai 2025 définit les différents épisodes de fortes chaleurs.
Le décret du 27 mai 2025 renforce également les obligations de prévention des risques liés aux fortes chaleurs incombant aux employeurs relevant du Code rural et de la pêche maritime (Décret art. 7). Les mesures les concernant ne sont pas étudiées ici.
Une obligation générale de veiller à des conditions thermiques adaptées au travail
L’obligation de l’employeur de maintenir les locaux fermés à une température adaptée au travail en cas de fortes chaleurs est explicitée à l’article R 4223-13 du Code du travail. Jusqu’à présent ce texte mettait l’accent sur l’obligation pour l’employeur de chauffer les locaux en cas d’épisode de froid.
Il est ainsi prévu désormais que les locaux fermés affectés au travail sont, en toute saison, maintenus à une température adaptée compte tenu de l'activité des travailleurs et de l'environnement dans lequel ils évoluent. En cas d'utilisation d'un dispositif de régulation de température, celui-ci ne doit émettre aucune émanation dangereuse (C. trav. art. R 4223-13 réécrit).
L’article R 4222-1 du Code du travail prévoit déjà l’obligation pour l’employeur de veiller au renouvellement de l’air dans les locaux de travail fermés afin notamment d’éviter les élévations exagérées de température.
La rédaction de l’article R 4225-1 du Code du travail est revue afin de renforcer l’obligation pour l’employeur d’aménager les postes de travail extérieurs pour protéger les travailleurs contre les effets des conditions atmosphériques (Décret art. 1er).
A noter :
Comme le souligne l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le Code du travail ne fixe pas de température maximale de travail. L’INRS donne comme valeurs repères les températures de 30°C pour une activité sédentaire et de 28°C pour une activité physique. Celles-ci doivent toutefois être ajustées en fonction d’autres facteurs participant à l’astreinte thermique comme l’humidité, le rayonnement solaire, la charge physique et la tenue de travail (Actualité INRS du 31-5-2024 ; webinaire INRS du 6-6-2025 ; actualité du 24-6-2024).
La prévention des risques liés aux épisodes de chaleur intense désormais réglementée
L’article 3 du décret insère un nouveau chapitre consacré à la prévention des risques liés aux épisodes de chaleur intense dans la partie réglementaire du Code du travail dédiée aux risques spécifiques d’exposition.
Ce chapitre reprend, pour l’essentiel, les recommandations de l’administration ainsi que le dispositif de vigilance reconduits chaque année par instruction interministérielle ainsi que dans une disposition spécifique du guide Orsec.
Les préconisations en matière de prévention des risques liées aux fortes chaleurs figuraient, pour l’année 2024, dans l’instruction interministérielle 70 du 27 mai 2024 ainsi que dans l’instruction 89 du 6 juin 2024 du ministère du travail.
L’épisode de chaleur intense défini par référence au dispositif « canicule » de Météo France
L’épisode de chaleur intense est défini par référence au dispositif de vigilance « canicule » développé par Météo France pour signaler le niveau de danger de la chaleur (C. trav. art. R 4463-1 nouveau ; Arrêté TSST2503467A du 27-5-2025, art. 1 et 2).
Ce dispositif diffuse des bulletins de suivi des niveaux de vigilance météorologique afin de prévenir et d’anticiper les vagues de chaleur susceptibles de porter atteinte à la santé et à la sécurité des personnes.
Le dispositif de vigilance signale le niveau de chaleur de chaque vague selon l’échelle de couleur suivante :
Échelle de couleur | Type de vague de chaleur | Épisode de chaleur intense au sens du Code du travail |
Vigilance verte | Veille saisonnière sans vigilance particulière | Non |
Vigilance jaune | - Pic de chaleur : exposition de courte durée (1 à 2 jours) à une chaleur intense présentant un risque pour la santé humaine, pour les populations fragiles ou surexposées, notamment du fait de leurs conditions de travail ou de leur activité physique - Épisode persistant de chaleur : températures élevées durablement au regard des indices biométéorologiques (IBM) proches ou en dessous des seuils départementaux | Oui |
Vigilance orange | Période de canicule : période de chaleur intense et durable pour laquelle les indices IBM atteignent ou dépassent les seuils départementaux, et qui est susceptible de constituer un risque sanitaire pour l'ensemble de la population exposée, en prenant également en compte d'éventuels facteurs aggravants (humidité, pollution, précocité de la chaleur, etc.) | Oui |
Vigilance rouge | Période de canicule extrême : canicule exceptionnelle par sa durée, son intensité, son extension géographique qui présente un fort impact sanitaire pour l'ensemble de la population ou qui pourrait entraîner l'apparition d'effets collatéraux, notamment en termes de continuité d'activité | Oui |
L’employeur doit évaluer et prévenir les risques liés aux épisodes de chaleur intense
L’employeur évalue les risques liés à l’exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense, en intérieur ou en extérieur.
S’il ressort de cette évaluation un risque d’atteinte à la santé ou à la sécurité des travailleurs, l’employeur doit adopter des mesures ou des actions de prévention définies (C. trav. art. R 4463-2 nouveau) :
dans le cadre du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (Papripact) dans les entreprises de 50 salariés et plus ;
dans les autres entreprises, dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
A noter :
Il est déjà prévu à l’article R 4121-1 du Code du travail que l’employeur doit évaluer et transcrire dans le DUERP les risques liés aux ambiances thermiques.
Le décret précise les mesures envisageables de prévention
Le nouvel article R 4463-3 du Code du travail dresse une liste non exhaustive des mesures de prévention des risques liés aux épisodes de chaleur intense :
la mise en œuvre de procédés de travail ne nécessitant pas d’exposition à la chaleur ou nécessitant une exposition moindre ;
la modification de l’aménagement et de l’agencement des lieux et postes de travail ;
l’adaptation de l’organisation du travail, et notamment des horaires de travail, afin de limiter la durée et l’intensité de l’exposition et de prévoir des périodes de repos ;
des moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces exposées, par exemple par l’amortissement ou par l’isolation, ou pour prévenir l’accumulation de chaleur dans les locaux ou au poste de travail ;
l’augmentation de l’eau potable fraîche mise à la disposition des travailleurs... La suite de cet article est réservée aux abonnés.