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L'Arc de Triomphe, Wrapped

L’on peut difficilement passer à côté dernièrement : l’arc de Triomphe vient d’être dévoilé au public dans sa version « empaquetée » par les artistes Christo et Jeanne-Claude. L’occasion ici de rappeler les éléments essentiels de la protection accordée au titre droit d’auteur à l’aune des différentes jurisprudences Christo.


Par Cabinet Hoffman, avocats à la Cour
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©iStock

En 1985, Christo présente l’une de ses œuvres monumentales à Paris : « l’empaquetage » du Pont Neuf. Fort du succès de cette œuvre, un tiers décide de commercialiser des cartes postales présentant la photographie du Pont Neuf « emballé ». La question posée au Tribunal était donc de déterminer si Christo - qui ne revendiquait évidemment pas la création du Pont Neuf en tant que tel, mais seulement de son empaquetage - pouvait prétendre à la protection prévue par le droit d’auteur spécifiquement sur ce pont « emballé », et faire ainsi interdire la commercialisation des cartes postales reproduisant cette œuvre.

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 13 mars 1986, a admis cette protection, considérant que « l’idée de mettre en relief la pureté des lignes du Pont-neuf et de ses lampadaires au moyen d’une toile soyeuse tissée en polyamide, couleur de pierre de l’Ile-de-France, ornée de cordage en propylène de façon que soit mise en évidence, spécialement vu de loin, de jour comme de nuit, le relief lié à la pureté des lignes de ce pont constitue une œuvre originale susceptible de bénéficier à ce titre de la protection légale ».

La Cour a ainsi jugé que l’empaquetage du Pont Neuf était une œuvre originale, et bénéficiait à ce titre de la protection par le droit d’auteur. Première victoire pour Christo !

Néanmoins, en 1986 une campagne publicitaire a été lancée, mettant en scène des arbres empaquetés à la manière de Christo. Ce dernier a donc intenté une seconde action en justice revendiquant alors un droit sur l’idée même de l’empaquetage.

Pour autant, d’une manière classique et conforme à toutes les interprétations doctrinales, les juges ont réaffirmé que le droit d’auteur « ne protège que des créations d’objets déterminés, individualisés et parfaitement identifiables, et non pas un genre ou une famille de formes qui ne présentent entre elles des caractères communs que parce qu’elles correspondent toutes à un style ou à un procédé découlant d’une idée ».

En substance, le tribunal transposant l’adage selon lequel « les idées sont de libre parcours » a rappelé qu’une idée sans matérialisation concrète ne pouvait bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

En conséquence, les différentes affaires Christo nous permettent de faire une synthèse illustrée de la protection par le droit d’auteur :

  • Un auteur (ici Christo) bénéficie de la protection sur son œuvre (le Pont Neuf empaqueté) en ce qu’elle a été effectivement réalisée, est identifiable et originale (choix des matériaux, de leur assemblage),

  • En revanche, un procédé ou une simple idée sans réalisation concrète –l’idée d’empaqueter - n’est pas, seul, protégée par le droit d’auteur.

L’on pourrait toutefois se demander si une telle position tenue en 1986 serait aujourd’hui la même, au regard de l’évolution de l’art, et notamment de l’avènement de « l’art conceptuel ». En effet, des décisions plus récentes - notamment en 2008 avec l’arrêt Jakob Gautel - ont pu reconnaître une protection sur des éléments manifestement conceptuels.

Toutefois, jusqu’ici, cet octroi a toujours été justifié par le début d’une matérialisation de l’œuvre : « Mais attendu que l’arrêt relève que l’œuvre litigieuse ne consiste pas en une simple reproduction du terme “paradis”, mais en l’apposition de ce mot en lettres dorées avec effet de patine et dans un graphisme particulier, sur une porte vétuste, à la serrure en forme de croix, encastrée dans un mur décrépi dont la peinture s’écaille, que cette combinaison implique des choix esthétiques traduisant la personnalité de l’auteur ; que de ces constatations et appréciations souveraines faisant ressortir que l’approche conceptuelle de l’artiste, qui consiste à apposer un mot dans un lieu particulier en le détournant de son sens commun, s’était formellement exprimée dans une réalisation matérielle originale, la cour d’appel en a à bon droit déduit que l’ œuvre bénéficiait de la protection du droit d’auteur ».

Ainsi, le débat jurisprudentiel pourrait rapidement être relancé si de nouveaux artistes décidaient de reprendre le concept d’empaquetage au regard du succès de l’Arc de Triomphe de Christo … affaire à suivre.

Rédigé par le Cabinet Hoffman, avocats à la Cour

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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