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Frais de transport domicile-travail : la prise en charge ne peut être exclue en cas d’éloignement géographique

La cour d’appel de Paris confirme qu’un employeur ne peut pas refuser la prise en charge partielle des frais de transport en commun pour les trajets domicile-lieu de travail à un salarié en raison de l’éloignement géographique de sa résidence pour convenance personnelle.

CA Paris 14-9-2023 n° 22/14610, Sté Natixis investment managers c/ CSE de l’UES Natixis investment managers


Par Valérie BALLAND
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©Gettyimages

Dans une décision du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris avait jugé que l’éloignement géographique du domicile du salarié pour convenance personnelle ne pouvait pas justifier un refus de remboursement des frais de transport en commun pour les trajets domicile-lieu de travail. La cour d’appel de Paris vient de confirmer cette position.

Pour mémoire, dans cette affaire, l’employeur, situé en région parisienne, avait instauré un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle des salariés et le lieu de travail pour la prise en charge partielle (à hauteur de 60 % en vertu d’un usage d’entreprise) du coût des titres de transport des salariés domiciliés en province : le trajet journalier domicile-lieu de travail devait être inférieur à 4 heures de Paris aller-retour. Le CSE de l’UES avait saisi le tribunal judiciaire de Paris afin de voir abandonner le critère d’éloignement géographique et d’obtenir le respect de l’obligation de remboursement du coût des abonnements aux transports publics souscrits pour les trajets résidence habituelle-lieu de travail sans distinction entre les salariés. Le CSE avait obtenu gain de cause.

Pour le tribunal judiciaire, en instaurant un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés en vue de refuser le remboursement de leurs frais de transport en commun, l’employeur avait ajouté une condition non prévue par la loi, instituant ainsi entre les salariés une différence de traitement qui prive une partie d’entre eux du remboursement de leurs frais de transport. L’entreprise avait interjeté appel de cette décision.

A noter :

La jurisprudence définit la résidence habituelle comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts (Cass. 1e civ. 14-12-2005 n° 05-10.951 FS-PBRI ; Cass. soc. 12-11-2020 n° 19-14.818 F-D). Pour l’administration, la notion de résidence habituelle doit s’entendre du lieu où le salarié réside pendant les jours travaillés. Ainsi, un salarié ayant une double résidence (la semaine à Paris où il travaille, le week-end dans la région où réside sa famille) doit être considéré comme ayant sa résidence à Paris. Par conséquent, il n’ouvre droit qu’à la prise en charge de son titre de transport au titre de ses déplacements de son domicile parisien à son lieu de travail. À l’inverse, un salarié n’ayant pas de double résidence mais qui travaille la semaine en région parisienne et dispose d’une résidence habituelle en province, peut demander un remboursement de ses frais d’abonnement à un service de transport en commun au titre des trajets réalisés le week-end ou pour ses congés entre son lieu de travail et sa résidence, qui constitue sa seule résidence habituelle (BOSS-FP-780).

L’employeur doit rembourser les frais de transport des salariés, quel que soit leur lieu de résidence

Pour confirmer le jugement du tribunal judiciaire, la cour d’appel rappelle en premier lieu que l’article L 3261-2 du Code du travail impose à l’employeur la prise en charge partielle du prix des titres d’abonnement souscrits par le salarié pour les déplacements accomplis au moyen de transports publics entre sa résidence habituelle et le lieu de travail, sans distinction selon la situation géographique de la résidence.

L’employeur prend en charge 50 % du coût des titres d’abonnement souscrits par les salariés (C. trav. art. R 3261-1). En l’espèce, un usage d’entreprise prévoyait une prise en charge supérieure.

A noter :

La cour d’appel confirme sur ce point la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait déjà jugé, au visa des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et 9 du Code civil, que l’obligation de prise en charge des frais de déplacement entre la résidence habituelle des salariés et leur lieu de travail devait s’appliquer sans distinguer selon la situation géographique de cette résidence, toute personne disposant de la liberté de choisir son domicile (en dernier lieu, Cass. soc. 12-12-2012 n° 11-25.089 FS-B). Une position reprise par le BOSS (BOSS-FP-520). L’administration considère même que cette obligation de prise en charge étant de portée générale, les salariés dont l’éloignement de la résidence habituelle du lieu de travail relève de la convenance personnelle doivent bénéficier de la prise en charge obligatoire (BOSS-FP-530).

Pour la cour d’appel, il est ensuite inopérant d’associer les modalités prévues pour le télétravail avec l’obligation légale qui s’impose à l’employeur au regard de la participation aux frais de transport des salariés. L’accord sur le télétravail ne saurait obliger les salariés à fixer leur domicile à une distance de moins de 2 heures de transport de leur lieu de travail.

En l’espèce, les juges du fond notent que l’accord de télétravail ne prévoyait ni l’obligation pour les salariés de fixer leur domicile à une distance leur permettant d’effectuer les trajets quotidiens domicile/lieu de travail dans une durée ne pouvant pas excéder 2 heures, ni un critère d’éloignement géographique pour accéder au télétravail. Au contraire, l’accord prévoyait expressément la possibilité pour les salariés de déménager sans qu’il soit spécifié de conditions à ce titre notamment, au regard d’une fixation du domicile habituel au-delà de 2 heures de transport par rapport au lieu de travail. Au demeurant, il n'est pas certain, compte tenu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, que l'accord aurait pu valablement fixer de telles conditions.

La cour d’appel en conclut, à l’instar du tribunal judiciaire, qu’en conditionnant le remboursement des frais de transport en commun à un critère d’éloignement géographique (inférieur à 4 heures par jour aller-retour), l’employeur a méconnu ses obligations légales en matière de remboursement de frais de transport.

La cour d’appel condamne donc l’employeur à respecter l’obligation de remboursement des frais de transport dans les conditions posées par la loi et l’usage interne (remboursement à hauteur de 60 %) sans distinction en raison du lieu d’établissement de la résidence habituelle.

Quelle date d’effet pour la demande de régularisation des arriérés ?

En revanche, la cour d’appel se démarque du tribunal judiciaire concernant la date d’effet de la demande de régularisation faite par le CSE pour la période antérieure à l’assignation. Le tribunal avait ordonné le respect de l’obligation de remboursement des abonnements aux transports publics avec régularisation des arriérés à compter de l’assignation en justice délivrée le 14 avril 2022.

La cour d’appel rappelle que la demande initiale portait sur une demande de régularisation de la situation des salariés, le cas échéant rétroactivement. Pour les juges du fond, s’il est de principe que la date d’assignation, en ce qu’elle relève de la demande en justice, a pour conséquence de faire courir les délais ainsi que les intérêts légaux, en revanche, la demande de régularisation, s’agissant des droits des parties, peut être appréciée à une date antérieure.

Les représentants du personnel ayant alerté la direction sur les difficultés résultant du remboursement des frais de transport des salariés à compter du 11 octobre 2011, la régularisation des demandes de remboursement devait donc prendre effet à compter de cette date.

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