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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Filiation

L’impossibilité pour le tiers donneur d’établir une filiation avec l’enfant né du don est conforme

Le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit, pour le tiers donneur, d’établir un lien de filiation avec l’enfant issu du don ; aussi l’impossibilité de l’adopter serait-elle conforme à la Constitution.

Cons. const. 9-6-2023 n° 2023-1053 QPC


Par Florence GALL-KIESMANN
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©Gettyimages

En cas d’assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant (C. civ. art. 342-9, al. 1, anciennement art. 311-19 ; Arrêté 29-8-2022 établissant les modèles de formulaires de recueil du consentement reprenant cette interdiction).

Il est reproché à ce texte de faire obstacle à l’établissement de toute filiation, y compris adoptive, entre l’enfant issu d’une AMP et le tiers donneur. N’en résulte-t-il pas une méconnaissance de son droit de mener une vie normale, garanti par la Constitution ?

Le Conseil constitutionnel répond par la négative. Il observe, en premier lieu, que l’article contesté figure dans le titre sur la filiation, qui inclut un chapitre spécifique à l’AMP avec tiers donneur, et non dans celui relatif à l’adoption (respectivement C. civ. livre 1, tome VII et VIII). Le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit, pour le tiers donneur, d’établir un lien de filiation avec l’enfant issu du don selon l’un des modes prévus par le titre sur la filiation (présomptions, reconnaissance, possession d’état). Ainsi, le législateur, qui a entendu préserver la filiation entre l’enfant et le couple ou la femme qui a eu recours à l’AMP, a pu interdire l’établissement d’un tel lien entre cet enfant et le tiers donneur.

En second lieu, les Sages relèvent qu’en l’état il n’a pas été jugé que la disposition contestée interdirait au tiers donneur d’adopter l’enfant issu de son don. Néanmoins, le droit de mener une vie normale n’implique pas le droit pour le tiers donneur d’établir un lien de filiation adoptive. Par suite, quand bien même les dispositions contestées seraient interprétées comme interdisant l’adoption, elles ne méconnaîtraient pas le droit de mener une vie familiale normale.

Conclusion : les dispositions contestées doivent être déclarées conformes à la Constitution.

A noter :

Le Conseil constitutionnel a déjà jugé conforme à la Constitution l’interdiction, pour le donneur, d’établir un lien de filiation avec l’enfant issu de son don (Cons. const. 27-7-1994 n° 94-343/344 DC). Mais, pour le Conseil d’État, des circonstances nouvelles autorisaient à reposer la question, puisque, désormais (CE QPC 7-4-223 n° 467776) :

  • l’AMP est ouverte aux couples de femmes et aux femmes non mariées (CSP art. L 2141-2, al. 1 ; Loi 2021-1017 du 2-8-2021 art. 1) ;

  • et surtout, le droit d’accès aux origines pour les enfants conçus par AMP est consacré (CSP art. L 2143-2 et R 2143-1 s. ; Décret 2022-1187 du 25-8-2022 ; Cons. const. 9-6-2023 n° 2023-1052 QPC).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel observe que l’impossibilité, pour le tiers donneur, d’adopter l’enfant issu du don n’a pas été jugée. La question reste en effet ouverte puisque les dispositions sur l’AMP et spécialement l’interdiction faite au donneur d’établir un lien de filiation ne figurent pas dans le titre relatif à l’adoption, celui-ci ne contenant aucune interdiction en ce sens.

Si, par hypothèse, l’adoption était considérée comme ouverte aux tiers donneurs, celle-ci se limiterait toutefois à une adoption simple, dès lors que :

  • une autre filiation est déjà établie ;

  • elle ne serait théoriquement possible qu’à la majorité de l’enfant dans la mesure où la communication des données par la commission n’est possible qu’à ce stade. 

C’est d’ailleurs ce que défendent les avocats du requérant de cette affaire : la filiation par adoption ne remettrait pas en cause la filiation d’origine et ne bouleverserait pas l’équilibre familial. L’on peut toutefois se demander si les juges seront véritablement « tentés » d’emprunter cette voie, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel qui indique clairement qu’interdire l’adoption au donneur ne méconnaîtrait pas son droit de mener une vie familiale normale.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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