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Un syndicat peut distribuer des tracts pendant la plage d’horaires variables

Commet une discrimination l’employeur qui empêche un syndicat de distribuer des tracts dans l’enceinte de l’entreprise, pendant la plage d’horaires variables, et lui demande de retirer ceux mis à disposition des salariés, en alléguant, à tort, un contenu confidentiel.

Cass. soc. 5-1-2022 n° 20-15.005 F-B, Sté Flowbird c/ syndicat CFDT de la métallurgie horlogerie de Besançon et du Haut Doubs


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©iStock

Il est interdit à l’employeur ou à ses représentants d’employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale (C. trav. art. L 2141-7). Dans un arrêt du 5 janvier 2022 destiné à être publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, la Haute Juridiction donne une illustration de comportements de l’employeur à l’égard d’un syndicat pouvant être constitutifs d’une discrimination.

Interdire la distribution de tracts pendant les plages mobiles en cas d’horaires variables...

Les publications et les tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci aux heures d’entrée et de sortie du travail (C. trav. art. L 2142-4). Ces limites spatiales et temporelles au droit de diffusion des publications et tracts syndicaux peuvent être assouplies mais non renforcées par voie d’accord (Cass. soc. 27-5-2008 n° 06-46.403 F-P).

Concernant l’heure de diffusion, que se passe-t-il en cas de mise en place, par accord d’entreprise, d’un système d’horaires variables dans les limites duquel chaque salarié peut choisir ses heures d’arrivée et de départ ? En l’espèce, un délégué syndical avait commencé à distribuer des tracts à 12h15, soit pendant la plage d’horaires variables prévue dans l’accord d’entreprise de 11h30 à 14h dans les limites de laquelle chaque salarié peut choisir ses heures d’arrivée et de départ. L’accord d’entreprise sur l’organisation et le temps de travail ayant institué cette plage variable ne comportait aucune disposition concernant la distribution des communications syndicales.

Devait-on dès lors considérer, comme le soutenait ici l’employeur, que la distribution de tracts est prohibée pendant cette plage horaire, faute de pouvoir déterminer les heures d’entrée et de sortie de chacun ou, au contraire, admettre qu’elle est autorisée sans restriction ? La Cour de cassation se prononce clairement en faveur de la seconde solution : l’employeur ne peut pas empêcher un syndicat de distribuer des tracts pendant la plage d’horaires variables (ici, celle de la pause méridienne) sans méconnaître les dispositions de l’article L 2142-4 du Code du travail.

A noter :

La Cour valide ainsi la doctrine administrative selon laquelle la diffusion des documents et tracts syndicaux peut avoir lieu pendant les plages mobiles, seules les plages fixes devant être considérées comme temps de travail (Rép. Montcharmont : AN 16-3-1998 ; Rép. Cochet : AN 18-5-1998 p. 2792 n° 12143).

On rappellera que la Haute Juridiction prohibe, en revanche, la diffusion de tracts pendant les pauses accordées sur les lieux du travail, même si celles-ci ne sont pas décomptées dans la durée du travail effectif (Cass. crim. 12-2-1979 n° 77-93.799 P), et pendant le temps du repas pris dans l’enceinte de l’entreprise (Cass. soc. 9-6-1983 n° 82-11.087 P ; Cass. soc. 20-10-1988 n° 85-46.046), une telle diffusion constituant même un trouble manifestement illicite (Cass. soc. 20-9-2018 n° 17-21.099 F-D).

Concernant le lieu de diffusion des publications syndicales, le Code du travail vise l’enceinte de l’entreprise. La jurisprudence considère que la distribution ne se limite pas aux seuls accès de l’entreprise, mais peut se faire en d’autres endroits (par exemple, un vestiaire ou une cantine), dès lors qu’elle est assurée dans des conditions telles que l’exécution normale du travail ou la marche de l’entreprise ne puissent pas en être troublées (Cass. crim. 30-1-1973 n° 72-91.807 P ; Cass. crim. 27-11-1973 n° 73-90.495 P).

En l’espèce, le délégué syndical s’était posté à l’entrée de l’un des bâtiments de l’entreprise et, plus précisément, dans le couloir après le portique d’accès pour procéder à la distribution de tracts. La société ne démontrait pas qu’il ait, se faisant, entravé la circulation. Aussi, demander au délégué syndical de poursuivre la distribution des tracts dehors, comme l’avait fait ici le directeur de l’établissement, constitue, pour la Cour de cassation, une violation de l’article L 2142-4 précité.

A noter :

La solution peut être rapprochée de celle admise précédemment par la Haute Juridiction, qui avait jugé licite la distribution de tracts effectuée dans un couloir conduisant aux ateliers (Cass. crim. 21-2-1979 n° 77-92.618 P).

... demander à un seul syndicat le retrait des tracts mis à disposition des salariés...

L’affichage des communications syndicales s’effectue librement sur des panneaux réservés à cet usage. Ces panneaux sont mis à la disposition de chaque section syndicale suivant des modalités fixées par accord avec l’employeur (C. trav. art. L 2142-3).

Un syndicat peut-il se fonder sur ces dispositions et celles, rappelées ci-dessus, de l’article L 2142-4 du même Code pour mettre à disposition des salariés des tracts dans des pochettes accrochées aux panneaux d’affichage qui lui sont réservés ? La Cour de cassation répond ici par l’affirmative et juge discriminatoire le fait pour l’employeur d’avoir mis en demeure par courrier un syndicat de retirer les tracts mis à disposition des salariés dans les pochettes situées sous les panneaux d’affichage, sans adresser la même demande aux autres syndicats.

L’employeur faisait valoir, en vain, que ces derniers ne mettaient à disposition des salariés que des bulletins d’adhésion et non des tracts, mais il était contredit par des photographies et des attestations qui démontraient l’existence de distributeurs de tracts sur les autres panneaux syndicaux.

... et considérer comme confidentielle une information déjà diffusée...

La société avait fait signifier au syndicat une sommation d’arrêter la diffusion des tracts litigieux au motif que ceux-ci contenaient, selon elle, des informations confidentielles relatives à une prime, extraites du rapport d’expertise comptable présenté au comité d’entreprise.

De façon constante, la jurisprudence considère, au visa de l’article L 2325-5 du Code du travail, que l’employeur doit préciser les informations auxquelles il entend conférer un caractère confidentiel (Cass. soc. 6-3-2012 n° 10-24.367 F-D ; Cass. soc. 12-7-2006 n° 04-47.558 FS-PBR).

Aucune précision de ce type n’avait été apportée par l’employeur concernant les informations litigieuses, mais ce n’est pas sur cet élément que la Cour de cassation se fonde pour les estimer dénuées de confidentialité.

La Haute Juridiction relève un autre élément déterminant : les informations litigieuses relatives à cette prime avaient déjà été diffusées plusieurs mois auparavant, non seulement par un autre syndicat dans une synthèse d’une réunion du comité d’entreprise, mais aussi par une information des ressources humaines diffusant le procès-verbal de cette séance. Dès lors, elles ne pouvaient pas être tenues pour confidentielles.

... constituent une discrimination syndicale de la part de l’employeur

Au regard de cet ensemble de faits, combinés entre eux, certains pouvant certainement constituer en eux-mêmes un comportement discriminatoire, la Cour de cassation donne raison à la cour d’appel d’avoir déduit de ces éléments que l’employeur s’était rendu coupable du délit de discrimination syndicale.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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