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L’exception de panorama : bientôt une nouvelle exception légale au droit d’auteur

Le projet de loi pour une République numérique prévoit d’ajouter une nouvelle exception légale au droit d’auteur : l’exception dite de « liberté de panorama ». L’occasion pour Maître Elisabeth Lefeuvre d’établir un état des lieux sur la protection et la représentation des œuvres situées sur le domaine public.


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Lors de l’adoption en première lecture par l'Assemblée Nationale du projet de loi pour une République Numérique, la question de la reproduction des œuvres situées sur la voie publique a ressurgi. L’article 18 ter* de ce projet consacre une nouvelle exception, dite de « liberté de panorama », qui viendrait compléter la liste des exceptions légales au droit d'auteur prévue par l'article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle.

Cette nouvelle exception de panorama est l'occasion d'établir un état des lieux sur la reproduction et la représentation des œuvres situées sur le domaine public.

Les exceptions en place

La problématique de la représentation des œuvres situées sur le domaine public, œuvres architecturales notamment, était déjà évoquée dans la directive européenne 2001-29 du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. S'il avait alors été proposé aux Etats membres de créer une exception en faveur de la présentation libre de ces œuvres, le législateur français n'avait pas retenu cette possibilité.

Ainsi, dans le Code de la propriété intellectuelle, la question de la reproduction ou de la représentation des œuvres d'art graphiques, plastiques ou architecturales n'est actuellement évoquée qu'en ce qui concerne leur présentation par voie de presse, dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec cette dernière (CPI art. L 122-5, 9°).

La question plus générale de la reproduction ou de la représentation d'une œuvre architecturale ou sculpturale directement située sur le domaine public n'est, quant à elle, abordée que par la jurisprudence relative à la notion de représentation accessoire (notamment dans les décisions relatives à l'exploitation, sous forme de cartes postales, de l'aménagement de la Place des Terreaux à Lyon – Cass. 1e civ. 15-3-2005 : RJDA 3/06 n° 348).

Depuis, il est admis que l'exploitation, y compris commerciale, de représentations d'œuvres architecturales ou plastiques ne peut pas être considérée comme une présentation de l'œuvre au public nécessitant l'autorisation de l'architecte ou de l'auteur dès lors que cette présentation n'est qu'accessoire par rapport au sujet traité.

La difficulté réside dès lors dans l'appréciation de la notion d'accessoire : les critères retenus par les tribunaux pour écarter la notion d'accessoires sont multiples mais se rapportent généralement au critère, malheureusement assez subjectif, du caractère « délibéré » de l'exploitation (représentation intégrale, en gros plan, répétée, non nécessaire par rapport au sujet traité, etc.).

Il est néanmoins possible de retenir en substance qu’il n’y aura pas contrefaçon si l'œuvre est reproduite ou représentée en arrière-plan, dans un espace public alors qu'il était impossible - en raison du site public choisi pour la réalisation des prises de vue - de masquer l'œuvre en tout ou partie.

Les contours de la « nouvelle » exception de panorama

Qu'en est-il alors de cette nouvelle exception de panorama qui pourrait être consacrée avec la loi pour une République numérique ?

Telle que votée par l'Assemblée Nationale, cette exception a pour objet la représentation et la reproduction des seules œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique.

Elle ne concerne donc que ces deux catégories de créations, sans être étendue aux créations telles que les peintures, les fresques, les œuvres de street art ou les mises en lumière pouvant notamment être réalisées sur des bâtiments.

En outre, elle ne concerne que les créations permanentes de sorte que seraient exclues les œuvres, notamment les sculptures, objet d'une mise en place temporaire.

S'agissant par ailleurs des représentations ou reproductions pouvant bénéficier de cette exception, le projet de loi prévoit qu'il ne s'agit que de celles qui réalisées par des particuliers, à des fins non lucratives. Ainsi, cette exception ne bénéficierait pas aux utilisations faites par des sociétés ou des personnes morales, ni aux utilisations faites à des fins commerciales.

Par conséquent, le domaine d'application de cette « liberté de panorama » est particulièrement limité, étant précisé que comme toute exception elle sera appréciée restrictivement.

Ce constat est d’autant plus vrai que, parallèlement, l’amendement envisagé dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, qui prévoyait une autorisation nettement plus large de reproduction et de distribution de l'image de toutes œuvres situées dans l'espace public, a finalement été retiré.

Le vote de l’exception de « liberté de panorama » concerne ainsi pour l'essentiel la reproduction et la représentation de créations architecturales ou sculpturales par des particuliers sur internet. Ceci explique sans doute qu'elle ait été finalement discutée dans le cadre de la loi pour une République numérique et non pas dans celui du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine.

Reste à voir comment cette exception s'articulera avec les exceptions qui avaient été précédemment mises en place, notamment avec l'exception jurisprudentielle relative à la notion de représentation accessoire.

Il faudra surtout ne pas perdre de vue que cette exception ne pourra justifier l'utilisation de l'image d'une œuvre architecturale qu'au regard du droit d'auteur. Elle ne permettra pas de passer outre le droit au respect de la vie privée des propriétaires et occupant des immeubles concernés, de sorte qu'il faudra toujours s'assurer de ne pas causer un trouble anormal à ces derniers.

Par Maître Elisabeth Lefeuvre, avocat au Cabinet Cornet, Vincent Segurel.

* Texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale

Après le second alinéa du 9° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un 11° ainsi rédigé : « 11° Les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives. »

Après cette adoption, le Sénat a discuté un amendement (Com-409). L’article 18 ter modifié en première lecture est le suivant (Texte adopté n° 131) :

Après le second alinéa du 9° de l’article L 122‑5 du Code de la propriété intellectuelle, il est inséré un 10° ainsi rédigé : « 10° Les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial. »

Nous y reviendrons après l’adoption définitive de la loi.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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