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Bail commercial : jusqu'à quel moment le bailleur peut-il renoncer à la clause résolutoire ? 

Le propriétaire ne peut plus renoncer au bénéfice d'une clause résolutoire lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée et qui suspend les effets de cette clause en ordonnant des délais de paiement n'a pas été exécutée par le locataire.

Cass. 3e civ. 22-10-2020 n° 19-19.542 FS-PBI


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Lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice passée en force de chose jugée, le juge peut suspendre les effets d'une clause résolutoire insérée dans un contrat de bail commercial en accordant des délais de paiement au locataire sur le fondement de l'article 1345-5 du Code civil (ex-art. 1244-1 à 1244-3) ; la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais produit ses effets si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge (C. com. art. L 145-41). 

Un bail conclu pour une durée de dix ans prévoit que le locataire renonce à sa faculté de résiliation à la fin de la première période triennale et il comporte une clause résolutoire « si bon semble au propriétaire ».

Environ trois ans après la conclusion du bail, le bailleur délivre à son locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire puis l'assigne en référé en constatation de l'acquisition de cette clause. Une ordonnance de référé non frappée d'appel suspend les effets de la clause résolutoire et accorde des délais de paiement. Le locataire ne paye pas la première mensualité et il informe le bailleur qu'il prend acte de la résiliation du bail. Le bailleur lui indique alors qu'il renonce à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire, puis il le poursuit devant le juge du fond en exécution forcée du bail.

Une cour d'appel fait droit à cette demande, aux motifs que le locataire ne pouvait pas tirer parti d'une clause résolutoire stipulée au seul bénéfice du bailleur ni se prévaloir de son propre comportement pour prendre acte de la résiliation du bail, et que le propriétaire n'avait pas engagé d'acte d'exécution forcée, de sorte qu'il conservait la liberté de poursuivre ou non l'exécution du titre provisoire que constituait l'ordonnance et pouvait ainsi renoncer au bénéfice de l'acquisition de la clause. 

La Cour de cassation censure cette décision : dès lors que l'ordonnance de référé accordant des délais de paiement est passée en force de chose jugée, et en l'absence de décision contraire au principal, le bailleur ne peut plus, en cas de non-respect par le locataire des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause, demander unilatéralement l'exécution du bail résilié. 

A noter : Si c'est le plus souvent le bailleur qui demande l'acquisition de la clause résolutoire, et le locataire qui tente d'y faire échec, dans certains cas, c'est le locataire qui souhaite la résiliation du bail, pour qu'il y soit mis fin avant son échéance, et être ainsi immédiatement libéré du paiement des loyers. Tel était le cas en l'espèce, le locataire ayant, en outre, renoncé à sa faculté de résiliation triennale.

Mais lorsque la clause résolutoire est stipulée dans l'intérêt du seul bailleur, c'est-à-dire quand le bail indique que la résiliation du contrat est une simple faculté pour le bailleur ou que celui-ci pourra résilier « si bon lui semble », ce dernier peut choisir de ne pas s'en prévaloir ou renoncer à son exercice, même après avoir délivré un commandement au locataire pour manquement aux clauses du bail (Cass. 3e civ. 14-5-1991 n° 90-14.088 : Bull. civ. III n° 135 ; Cass. 3e civ. 24-3-1999 n° 96-20.590 : RJDA 5/99 n° 527). 

En revanche, en présence d'une clause résolutoire, la résiliation du bail est acquise, et le locataire peut s'en prévaloir, lorsque le bailleur lui notifie un commandement aux termes duquel la résiliation prendra effet inéluctablement dès l'expiration du délai si le locataire ne l'a pas mis à profit pour exécuter son obligation (Cass. 3e civ. 16-7-1997 n° 95-20.983 D). 

Il en est de même lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au locataire des délais pour régler les sommes dues et suspendu les effets de la clause résolutoire tant que ces conditions sont respectées : la résiliation est en effet acquise du seul fait que les délais de paiement n'ont pas été respectés. Le bail se trouve alors résilié à compter de l'expiration du délai d'un mois imparti par le commandement de payer, et non à la date du défaut de règlement des loyers. La résiliation étant automatique en cas de non-respect des délais, sans qu'il soit nécessaire qu'un juge la constate, le bailleur ne peut pas demander l'exécution forcée d'un bail qui a pris fin. 

Certes, il en irait différemment si une décision était rendue au fond en sens contraire : ainsi, le juge du fond pourrait suspendre à son tour les effets de la clause résolutoire, même si une décision provisoire rendue en référé avait constaté la résiliation du bail. Mais tel n'était pas le cas ici : l'instance au fond tendait au contraire à obtenir la poursuite du contrat. On voit mal, en tout état de cause, dans quel cadre le juge du fond aurait pu ici être saisi d'une demande de suspension de la clause par l'octroi de délais de paiement, puisque par hypothèse le locataire souhaitait finalement voir le contrat résilié.

Maya VANDEVELDE

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Baux Commerciaux 2019-2020 n° 73030 à 73040

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