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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Clauses abusives

Suppression des clauses abusives : jusqu'où le juge peut-il remédier aux lacunes du contrat ?

Pour éviter l'annulation d'un contrat qui serait préjudiciable au consommateur, le juge peut substituer à la clause jugée abusive une disposition supplétive de droit interne mais pas des dispositions générales renvoyant à l'usage pour déterminer le contenu de ce contrat.

CJUE 3-10-2019 aff. 260/18


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Le contrat qui comporte des clauses abusives reste valable en toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans elles (Dir. CE 93/13 du 5-4-1993 art. 6). Sinon, il est nul. Cependant, lorsque cette nullité est de nature à exposer le consommateur à des conséquencesparticulièrement préjudiciables, le juge national peut substituer à une clause abusiveune disposition de droit interne à caractère supplétif ou applicable en cas d'accord des parties aux contrats (CJUE 30-4-2014 aff. 26/13 : RJDA 7/14 no 676). 

Des emprunteurs polonais agissent en vue de faire constater le caractère abusif de la clause d'indexation de leur prêt, libellé en zlotys polonais mais indexé sur une devise étrangère. Le contrat de prêt ne pouvant pas subsister sans cette clause, faute de pouvoir déterminer un taux d'intérêt pertinent en leur absence, la question de sa nullité est soulevée.

La juridiction polonaise saisit alors la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : peut-il être remédié aux lacunes d'un contrat contenant des clauses abusives réputées non écrites sur la base, non pas d'une disposition supplétive se substituant clairement à la clause abusive, mais de dispositions nationales prévoyant que les effets exprimés dans un acte juridique sont complétés notamment par des effets découlant des principes d'équité (principes de vie en société) ou des usages ? 

La CJUE répond par la négative. Faute de dispositions de droit interne applicables en raison de leur caractère supplétif ou parce que les parties l'ont prévu, le contrat ne peut pas être maintenu.

A noter : La CJUE dessine progressivement les contours du régime applicable au contrat, en cas de suppression d'une clause abusive sans laquelle il ne peut pas subsister. Ainsi :

- lorsque l'application de la réglementation sur les clauses abusives est susceptible de se retourner contre le consommateur qu'elle a vocation à protéger, le juge peut sauver le contrat en substituant à la clause abusive une autre disposition de droit interne (CJUE 30-4-2014 aff. 26/13 : RJDA 7/14 no 676), par exemple le taux d'intérêt légal à une clause de taux conventionnel abusive (Cass. 1e civ. 13-3-2019 n° 17-23.169 F-PB :BRDA 9/19 inf. 17) ;

- mais le pouvoir du juge ne va pas jusqu'à lui permettre de compléter le contrat en révisant le contenu de la clause jugée abusive (CJUE 14-6-2012 aff. 618/10 :  RJDA 8-9/12 n° 80).

Conciliant ces impératifs, la Cour de justice se prononce ici sur la nature des dispositions pouvant être substituées à la clause supprimée et exclut de celles-ci les dispositions générales renvoyant à l'usage ou à l'équité pour la détermination du contenu du contrat. 

La Cour de justice justifie sa solution de la manière suivante : la possibilité de substitution est une exception à la règle générale suivant laquelle le contrat ne reste contraignant que s'il peut subsister sans les clauses abusives qu'il comporte ; les dispositions normatives à caractère supplétif sont censées ne pas contenir de clauses abusives et refléter l'équilibre que le législateur national a voulu établir entre les droits et obligations des parties à certains contrats dans les cas où les parties soit ne se sont pas écartées d'une règle standard prévue par la loi pour le contrat concerné, soit ont expressément choisi l'applicabilité d'une règle prévue à cette fin. Il s'agit ainsi, souligne l'avocat général, de substituer purement et simplement une clause reflétant une disposition normative supplétive, sans marge d'interprétation. Au contraire, substituer à la clause supprimée une clause reflétant ces dispositions générales constituerait une modification « créative » et pourrait altérer l'équilibre des intérêts voulu par les parties (Concl. Pitruzzella, n° 74).

Maya VANDEVELDE

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation n° 8492

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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