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Fin de la surveillance par drone à Paris : le retour des libertés publiques ?

Par une ordonnance du 18 mai 2020, le Conseil d’Etat juge que la surveillance par drone mise en œuvre par la préfecture de police de Paris pour identifier les regroupements et attroupements de personnes pendant la période de déconfinement est illégale et enjoint l’Etat d’y mettre un terme. Le point avec David Truche, avocat au Barreau de Paris. 


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Dès le 18 mars 2020, la préfecture de police de Paris a utilisé quotidiennement un drone pour procéder à la surveillance du respect des mesures de confinement sur le territoire parisien. L’administration a poursuivi l’utilisation de ce dispositif après le 11 mai 2020 dans le cadre du plan de déconfinement.

Le Conseil d’Etat était saisi d’un appel interjeté par l’association La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’Homme contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 5 mai 2020. En première instance, le juge avait considéré qu’il n’y avait pas d’atteinte illégale aux libertés fondamentales que constituent le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données personnelles dès lors que, principalement :

- Le dispositif de surveillance aérien a été mis en œuvre à compter du 18 mars 2020 pour assurer les mesures de confinement ;

- Il ne permet pas l’identification des personnes, sauf lorsqu’il est utilisé dans un cadre judiciaire en situation de flagrance, d’enquête préliminaire ou au titre d’un instruction ;

- Le dispositif ne peut être regardé comme ayant procédé à un traitement de données personnelles même si la préfecture de police a procédé à la collecte, à l’enregistrement provisoire et à la transmission d’images.

A l’inverse, le Conseil d’Etat juge que le dispositif porte une atteinte illégale au droit au respect de la vie privée dès lors que :

- Les appareils, qui sont dotés d’un zoom optique, « sont susceptibles » de collecter des données identifiantes, qui doivent donc être regardées comme des données personnelles ;

- La collecte d’images et leur transmission au centre de commandement de la préfecture de police pour mise en œuvre en temps réel de mesures de police constitue un traitement.

Ainsi, le traitement de données mis en œuvre relève de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 qui impose une autorisation par arrêté du ou des ministres compétents ou par décrets, selon les cas, pris après avis motivé et publié de la CNIL.

C’est ici l’absence d’intervention préalable d’un texte réglementaire autorisant le traitement et prévoyant ses modalités d’utilisation comme les garanties dont il doit être entouré qui caractérise l’atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée.

On observera qu’à la différence du tribunal administratif, le Conseil d’Etat statue en période de déconfinement, soit dans un temps où la pression de l’impératif sanitaire sur les libertés publiques s’est relâchée. On veut y voir un rappel très opportun de ce que les atteintes aux libertés fondamentales ne peuvent qu’être strictement limitées au temps pour lequel elles sont jugées nécessaires. 

Par David TRUCHE, avocat au Barreau de Paris



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