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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Comptable/ Comptabilité et Fiscalité

La comptabilisation erronée d’une dépréciation au lieu d’une provision s’oppose à sa déduction fiscale

Une provision fiscale devenue sans objet ne peut pas remplacer une autre provision relative à un nouveau risque. La première doit être reprise et la seconde dotée. Le fait d’invoquer une erreur comptable (dépréciation versus provision) est sans effet sur son caractère non déductible.

CAA Paris 23-1-2019 n° 17PA03871


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Par PwC, auteur du Mémento Comptable et du Feuillet Rapide fiscal

Comptablement, une dépréciation doit être reprise lorsque l’indice de perte de valeur disparaît…

D’un point de vue comptable, les dépréciations sont rapportées au résultat quand les raisons qui les ont motivées ont cessé d’exister (C. com. art. R 123-179 al. 5 et PCG art. 214-19). Ainsi, lorsque l’indice montrant que l’actif avait pu perdre de la valeur a disparu ou diminué, la valeur actuelle de l’actif est réestimée et la dépréciation est ajustée, voire reprise (Avis CNC 2002-07 § 2.2.3).

… et ne peut rester comptabilisée en lieu et place d’un risque identifié par ailleurs

Dès lors que la valeur actuelle d’un actif redevient supérieure à sa valeur brute comptable, la dépréciation doit être totalement reprise. La dépréciation ne peut pas en aucun cas rester comptabilisée au bilan en lieu et place d’une provision pour risques, quand bien même ce risque serait lié à l’opération d’acquisition de l’actif.

En effet, une dépréciation et une provision sont deux éléments différents du bilan. La dépréciation constate une perte (réversible) de valeur d’un élément d’actif (immobilisation, stock, créance). Elle apparaît au bilan en diminution de l’actif. Tandis que la provision constate un risque de sortie de trésorerie (sans contrepartie équivalente). Elle apparaît au passif.

Comptabiliser une dépréciation à la place d’une provision constituerait une erreur comptable de présentation à indiquer en annexe (PCG art. 833-2 ; MC 365-2) et susceptible d’entraîner une réserve ou un refus de certifier pour le commissaire aux comptes (MC 366).

Exemple :

En N, un marchand de biens acquiert un ensemble immobilier. L'acte d'acquisition prévoit que le vendeur devra indemniser l'acquéreur en cas de retard lié à la libération des locaux par leurs occupants à compter de l’acte de vente. Le bien n’est libéré que fin N. Le marchand de biens engage des poursuites contre le vendeur pour percevoir le versement de l’indemnité prévue au contrat.

Au 31 décembre N, le marchand de bien constitue une dépréciation de stock à hauteur de l’indemnité due, celle-ci ayant pour objet de compenser une perte de valeur du bien (MC 2402-2).

En N+1, le vendeur est condamné à verser l’indemnité. Le marchand de biens constate un produit. Toutefois, le vendeur ayant fait appel de la décision, ce produit n’est pas acquis et doit faire l’objet d’une provision pour risques (MC 2416-2).

En ce qui concerne le bien comptabilisé en stock, étant donné le marché de l’immobilier, sa valeur vénale est redevenue supérieure à son coût de revient. La dépréciation doit être reprise.

Une provision fiscale changeant d’objet doit également être rapportée et reconstituée pour être déductible

Fiscalement, comme comptablement, l’entreprise doit reprendre une dotation précédemment constatée, et comptabiliser une nouvelle dotation lorsque l’objet de la provision a changé (CE 8-6-1983 n° 29494). En effet, pour être fiscalement déductibles, les provisions doivent avoir été effectivement constatées dans les écritures comptables de l’exercice selon la bonne classification (CGI art. 39,1-5°).

La cour administrative d’appel de Paris a récemment fait application de ces principes dans la situation décrite ci-avant dans notre exemple, mais où l’acquéreur du bien avait conservé la (provision pour) dépréciation dans ses écritures comptables à la clôture de l’exercice N+1, en lieu et place de la provision qu’il aurait dû constater pour faire face au risque de remboursement de l’indemnité en raison de l’appel formé par le vendeur.

Ainsi, la cour juge que ce risque ne justifie pas le maintien de la (provision pour) dépréciation, cette dernière étant devenue sans objet. La seule circonstance que le vendeur ait formé appel de la décision le condamnant à verser ces indemnités de retard ne justifie pas que la valeur vénale du bien à la clôture de l’exercice aurait été inférieure à son coût de revient.

Bien que la provision reste constituée pour la même opération économique, la modification de son objet aurait donc dû se traduire par la reprise de la provision initiale et la comptabilisation d’une nouvelle dotation.

En adoptant cette position, la cour met en œuvre les principes posés par le Conseil d’État qui distingue le changement d’objet d’une provision et la modification des motifs qui justifient sa détermination :

- lorsque l’objet d’une provision (pour dépréciation ou pour risques) change, elle doit être rapportée au résultat ;

- en revanche, lorsqu’une provision conserve son objet mais que les motifs qui la justifient évoluent, il appartient à l’entreprise de prendre en compte ces nouvelles motivations pour ajuster son montant, mais elle n’a pas à opérer une réintégration suivie d’une nouvelle dotation.

Cette distinction a été énoncée à propos d’une provision pour dépréciation. Dès lors que l’existence de cette dépréciation n’était pas remise en cause, l’entreprise a été reconnue fondée à ajuster le montant de la provision sur le fondement de l’évolution des motifs la justifiant (CE 30-6-2016 n° 380916).

La correction de l’erreur comptable ne rend pas la provision déductible sur l’exercice d’origine…

Devant la cour administrative d’appel, la société reconnaissait avoir commis une erreur comptable ayant consisté à comptabiliser une dépréciation de stock au lieu d’une provision pour risques.

Toutefois, même si le risque de devoir rembourser l’indemnité versée par le vendeur aurait pu être provisionné, la déduction fiscale d’une telle provision n’aurait pu être pratiquée que si elle avait fait l’objet d’une comptabilisation conforme à son objet.

Or, rappelons que la correction d’une erreur comptable est effectuée dans les comptes de l’exercice de sa constatation (PCG art. 122-5) et non dans les comptes de l’exercice de sa commission.

Ainsi :

- alors que c’est au titre de l’exercice de commission de l’erreur (ou le premier exercice non prescrit) que la provision initiale devenue sans objet doit être réintégrée ;

- en revanche, la dotation reconstituée n’est fiscalement déductible qu’au titre de l’exercice de sa comptabilisation conforme à son objet, c’est-à-dire sur l’exercice de correction de l’erreur.

La cour juge donc que cette erreur ne peut être utilement invoquée pour faire échec à la réintégration de la dotation. Postérieurement à l’expiration du délai de déclaration, la société n’est pas admise à substituer une provision nouvelle à celle initialement déclarée conformément à l’article 39, 1-5° du CGI.

En outre, le fait que l’administration ait validé cette même provision pour dépréciation au cours d’un exercice antérieur ne saurait être regardé comme une prise de position formelle opposable pour l’exercice suivant.

En pratique, une entreprise se rendant compte d’une erreur de qualification d’une provision doit à notre avis :

- corriger comptablement son erreur au titre de l’exercice où elle est révélée ;

- établir une déclaration rectificative au titre de l’exercice où l’erreur a été commise (exercice N+1 dans notre exemple) ou au titre du premier exercice non prescrit ;

- reconstituer comptablement et fiscalement sa provision au titre de l’exercice de correction de l’erreur.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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