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Consolideur : un métier (méconnu) en pleine évolution

Expert des normes comptables, le consolideur a vu sa mission évoluer ces dernières années. Le point sur cette profession mal connue, et pas toujours valorisée par les grands groupes, avec Vincent Tignon, président du cabinet de conseil NEONN et de l'Association française des consolideurs.


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La Quotidienne : Qu’est-ce qu’un consolideur ?

Un consolideur est un membre de l’équipe de la direction financière d’un groupe qui élabore et produit les comptes consolidés de ce groupe. Il rend possible la présentation d’un compte de résultat et d’un bilan unique des différentes sociétés liées capitalistiquement, qui elles dressent chacune des états financiers.

Vincent Tignon : Le consolideur produit un état financier complet en réunissant, selon des normes bien précises, l’ensemble des informations comptables des filiales. Il participe au processus de production de l’information, ce qui nécessite une grande expertise : remontée de la liasse de consolidation (informations comptables des filiales) ; transformation de ces données selon les principes retenus par le groupe (retraitements d’homogénéisation, conversion…) ; aide à l’élaboration des principaux états financiers du groupe : compte de résultat, bilan, tableau de flux de trésorerie, capitaux propres, preuve d’impôt…

La Quotidienne : Combien de consolideurs dénombre-t-on aujourd’hui en France ?

V.T. : Il n’existe pas de chiffre précis. Risquons-nous à un petit exercice pour vous fournir une estimation. Si nous prenons les entreprises du CAC 40, nous pouvons estimer à une dizaine le nombre de consolideurs par groupe. Cela fait 400.

Ajoutons à cela les groupes cotés pour atteindre les sociétés du SBF120, nous doublons alors ce chiffre selon l’hypothèse, qu’en moyenne, ces groupes publient grâce à une équipe de cinq consolideurs. Viennent, ensuite, les groupes de tailles intermédiaires (ETI) dans lesquels il est très difficile d’estimer le nombre de consolideurs. Sur la base d’un consolideur en moyenne par ETI, pour 5 000 ETI présentes en France, cela représenterait donc environ 5 000 consolideurs.

En excluant les cabinets spécialisés dans le domaine de la consolidation (qui accompagnent les groupes pour pallier le manque de candidats pour ce métier), les cabinets d’expert-comptables (qui possèdent parfois une ou plusieurs missions de production de comptes consolidés pour leurs clients), ainsi que les directeurs comptables et responsables financiers (amenés, ponctuellement, à appréhender les problématiques liées à notre domaine), nous arrivons à un total compris entre 5 000 et 8 000 consolideurs en France.

La Quotidienne : Alors qu’ils étaient précédemment uniquement responsables de la conformité des comptes permettant d’évaluer l’efficience d’une entreprise, les consolideurs ont vu leur mission évoluer dans le temps jusqu’à jouer, aujourd’hui, un rôle décisionnel dans la définition de la stratégie de l’entreprise. Comment interprétez-vous cette évolution ?

V.T. : Les consolideurs ont vu leur mission évoluer dans le temps mais aussi dans l’organisation. En France, depuis les années 1980-1990, les consolideurs se sont progressivement rapprochés du directeur financier groupe.

Néanmoins, les consolideurs ne définissent pas la stratégie de l’entreprise, ce domaine restant la chasse gardée du COMEX, de la direction générale. En revanche, le consolideur a un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre des stratégies de transformation dans un environnement économique mouvant. Par exemple, il peut être sollicité dans le cadre de la cession d’une activité ou d’une acquisition d’une entreprise afin de modéliser les impacts sur le bilan et sur le compte de résultat du groupe. Il peut aussi évaluer l’impact de l’application d’une évolution normative (IFRS 9, 15 et 16 actuellement).

En résumé, le consolideur est un maillon de la prise de décision, qu’il oriente sur la base des éléments financiers qu’il transmet et des projections qu’il apporte.

La Quotidienne : Comment le pilotage de la performance peut-il conduire le consolideur à travailler avec d’autres acteurs au sein ou en dehors de l’entreprise ?

V.T. : En interne, il est en lien avec différents services de l’entreprise. Au sein de chaque groupe est défini un périmètre de consolidation qui détermine les entreprises consolidées dans le groupe. Afin de le valider, le consolideur sollicite le service juridique pour savoir quelles entités ont été créées, quelles sont celles qui ont été absorbées.

Dans le cadre du processus de consolidation de gestion (domaine du pilotage de la performance), le consolideur collabore avec le département contrôle de gestion groupe (Controlling) afin de publier des indicateurs de pilotage fiables.

Le consolideur peut également être amené à travailler avec le trésorier en vue de régler des problématiques spécifiques liées aux tableaux de flux de trésorerie.

La relation avec la direction informatique est très importante, cette dernière et le consolideur étant partenaires dans l’exploitation du logiciel de consolidation. Alors que, dans des groupes de petite taille, la consolidation peut être encore élaborée sous Excel, dans les ETI et grands groupes internationaux, il est indispensable de disposer d’un logiciel de consolidation performant. La relation est donc sensible car ce sont des outils qui ne sont pas toujours bien maîtrisés par les directions informatiques d’où la nécessité pour un consolideur d’avoir une double compétence « métier et solution ». Le choix ou le changement du logiciel nécessite une expression de besoins qui est portée par le métier et donc le consolideur. Les directions informatiques doivent mettre en place la solution informatique retenue, cohérente avec l’architecture informatique du groupe, tout en respectant les contraintes du consolideur, qui peut être amené à travailler en soirée, la nuit et certains week-ends. En raison de ces contraintes, et de l’expertise nécessaire pour maintenir les plateformes de pilotage de la performance, certains grands groupes vont jusqu’à déléguer ou externaliser totalement la maintenance de leur systèmes de consolidation, ce qui permet aux directions informatiques de ne plus avoir à gérer ces problématiques techniques, applicatives.

Le consolideur est aussi un interlocuteur essentiel des comptables, des responsables financiers des filiales du groupe qu’il assiste pour garantir une remontée d’information comptable et financière de qualité, respectueuse des principes comptables du groupe, lesquels peuvent être différents de ceux dispensés dans les pays d’accueil de ces entités lorsque le groupe est international. Une fois les comptes arrêtés, les informations doivent être remontées, via le logiciel, au niveau du groupe. Le consolideur accompagne alors le comptable dans la saisie des données dont le groupe a besoin pour produire les comptes consolidés. Par exemple, le consolideur indique au comptable de la filiale comment enregistrer une écriture en respectant les normes IFRS. Il l’aiguille sur le passage vers la norme du groupe (guidé par la nécessité d’une homogénéité dans chaque pays avec instauration d’un plan de rubriques unique au niveau du groupe).

En externe, le consolideur peut notamment être en relation avec les commissaires aux comptes qui certifient son travail.

La Quotidienne : Comment les nouvelles technologies (la digitalisation, le Big Data, l’analyse prévisionnelle,…) ont-elles transformé la pratique des consolideurs ?

V.T. : Ces questions sont de plus en plus régulièrement évoquées mais, dans les faits, les bénéfices et les évolutions liées au digital ne sont pour l’heure guère perceptibles.

Il est certain qu’une véritable transformation se produit mais, à mon sens, elle n’a pas réellement débuté. Cette évolution pourra avoir des impacts, notamment sur les délais de publication des comptes. A ce jour, les groupes produisent beaucoup – trop peut-être – et donc n’ont pas le temps suffisant pour analyser.

Avec les liens de plus en plus forts entre les ERP (systèmes amonts) et les plateformes EPM (pilotage de la performance), avec l’arrivée du prédictif et même, rêvons un peu, des chabots, de l’intelligence artificielle et des blockchains, cela améliorera très certainement les solutions de consolidations dans les années à venir. La mission du consolideur pourra alors se recentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, engageant davantage la réflexion, l’analyse des données que la production d’informations. Nous tendons inévitablement, et c’est heureux, vers une industrialisation des processus touchant aux tâches répétitives ou à celles qui nécessitent une transformation manuelle de la donnée (mais qui ne demandent pas de valeur ajoutée humaine).

Parmi les avancées déjà disponibles, évoquons les interactions entre différents acteurs internes ou externes, au sein du même logiciel au travers de workflows encadrant les processus. Beaucoup d’innovations sont envisageables. Par exemple, dès demain, les solutions de consolidation disponibles sur le marché doivent disposer d’une application mobile. C’est à l’aune de cette perspective, de ces évolutions qu’il faut envisager le choix d’une solution. Ce sont des éléments essentiels à prendre en compte dans la réflexion amenant la bonne décision au regard des particularités du groupe.

La Quotidienne : Vers quel(s) poste(s) le consolideur peut-il évoluer ?

V.T. : C’est un métier d’expert, de niche, très technique, de sorte que, pour le pratiquer, il faut apprécier les normes et avoir une appétence pour les systèmes.

Avoir exercé la fonction de consolideur est un vrai tremplin dans une carrière. Prenons l’exemple de Jacques Stern, qui a été PDG du groupe Edenred Tickets Restaurants, ou celui de Sophie Stabille, qui est au comité exécutif du groupe Acccor, tous deux sont passés dans des départements de consolidation. Après avoir exercé ce métier, certains s’orientent vers des directions financières en qualité de DAF ou de RAF de filiales du groupe auquel ils appartiennent. D’autres préfèrent se tourner vers des fonctions plus business en qualité de contrôleur de gestion. La limite à l’évolution tient au fait qu’il y a peu de consolideurs ; aussi, les entreprises essaient de les maintenir dans leur poste pour ne pas perdre cette expertise.

La Quotidienne : Si les consolideurs sont si demandés, comment expliquer qu’ils soient si peu nombreux ?

V.T. : Tout d’abord, parce que c’est un métier peu connu. Contrairement à celui de contrôleur de gestion ou de trésorier, le métier ne parle pas aux étudiants, même si l’Université Paris-Dauphine, en lien avec Francis Lefebvre Formation et l’Association française des consolideurs dispense désormais un Exécutive Master Consolidation en normes IFRS.

Ensuite, c’est un métier technique, un métier d’expert qui demande une très forte implication et qui peut « user », d’où le turn-over important qui entoure cette fonction. Après avoir exercé ce métier, certains cherchent à s’en échapper. La récurrence est un élément qu’il est important de prendre en compte pour expliquer le turn-over. Dans les années 1980-1990, les groupes consolidaient une fois par an. Par la suite, la consolidation a été trimestrielle. Désormais, nos clients consolident mensuellement, en principe, ce qui, à la longue, peut user : à peine la consolidation du mois est-elle clôturée qu’il convient déjà de se plonger dans celle du mois suivant.

Les évolutions technologiques évoquées plus haut permettront probablement au marché de consolider avec des périodicités encore plus rapprochées. Va-t-on vers une consolidation hebdomadaire ? Doit-on se préparer à « une consolidation en temps réel » qui permettra à une entité d’indiquer chaque jour au marché ses éléments financiers ? Est-ce souhaitable ? Dans un monde de plus en plus rapide, qui demande une information de plus en plus exigeante, tout est envisageable. Le consolideur a un bel avenir devant lui !

Propos recueillis par Audrey TABUTEAU

Vincent TIGNON, président du cabinet de conseil NEONN et de l'Association française des consolideurs



© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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