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Coronavirus (Covid-19) : « Pour le moment, la situation économique des cabinets n’est pas trop impactée » 

Retrouvez chaque semaine notre interview sur un sujet d'actualité. Réouverture physique des cabinets, prêt garanti par l'Etat, préparation des comptes annuels 2020, crédit inter-entreprises, etc. Charles-René Tandé, président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, livre son point de vue en ce début de déconfinement. 


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Le déconfinement a démarré lundi 11 mai. Les cabinets comptables travaillent-ils sur site ou sont-ils en télétravail ?

Charles-René Tandé : Conformément aux règles qui ont été édictées, on a maintenu au maximum le télétravail. Ca ne veut pas dire que les cabinets sont fermés. La plupart maintenant ont rouvert, certains l’ayant même déjà fait un peu avant. Le mouvement, c’est la réouverture avec la mise en place de toutes les mesures de protection pour assurer la santé et la sécurité des collaborateurs. Nous avons sorti des guides pour aider les confrères à ce sujet.

La majorité a rouvert y compris au public ?

Charles-René Tandé : Oui avec la mise en place des mesures sur l’accueil. Mais les situations sont très diverses. Cela dépend aussi des régions et des moyens de transport. La situation des cabinets n’est pas la même dans les grandes métropoles où on prend les transports en commun et dans les villes où on se déplace avec son transport personnel.

Les gens sont-ils plutôt contents de retourner travailler sur place ? Est-ce différent d’un cabinet à un autre ?

Charles-René Tandé : Je ne sais pas si c’est différent d’un cabinet à un autre mais je peux vous dire qu’on a au sein des structures des réactions très différentes en fonction des collaborateurs. Certains souhaitent, ou souhaitaient, reprendre le travail [au cabinet] car c’est plus confortable et plus pratique en termes d’échanges et d’entraide. Quand un collaborateur rencontre un problème, il pose la question à ses collègues. Quand on est en télétravail, on peut toujours s’envoyer des messages mais ce n’est pas pareil. D’autres ne veulent pas revenir au cabinet car ils ont peur du virus par exemple s’ils touchent le clavier d’un photocopieur ou lorsqu’ils croisent de façon trop proche un collègue. Il y a toujours de l’anxiété par rapport à la contamination. Et il y a une troisième catégorie, celle d’un couple dont les enfants n’ont pas repris l’école ou la crèche. Dans ce cas, il faut que l’un des deux parents reste au domicile. C’est une difficulté.

Dans quelle situation économique se trouvent les cabinets comptables ? En particulier, qu’en est-il de ceux très dépendants de secteurs, tels que celui des cafés, hôtels, restaurants, très affectés par la crise ?

Charles-René Tandé : Pour le moment, la situation économique des cabinets n’est pas trop impactée. Dans toutes les périodes de crise, on a du travail pour aider nos clients. On est en surcharge d'activité, en tout cas en temps passé sur les dossiers. La deuxième question porte sur la facturation, c’est-à-dire est-ce que ce temps supplémentaire peut-être facturé. Les situations sont diverses. Il est légitime que le temps passé soit facturé de façon raisonnable. Est-ce que les clients pourront payer ou est-ce que la facture sera trop élevée par rapport au temps passé et par rapport à la situation économique de l’entreprise ? C’est une question qui sera à étudier par l’expert au cas par cas. L’autre élément c’est le crédit interentreprises, c’est-à-dire que certains clients ont bloqué leurs prélèvements ou diffèrent le règlement des factures sachant qu’on fait partie des fournisseurs. A partir du moment où il y a des difficultés de trésorerie chez les clients, on peut faire aussi nous partie [des fournisseurs] dont le paiement est retardé. Mais l’impact économique sur les cabinets viendra plutôt après. Lorsque le cabinet a des clients qui déposent le bilan, c’est l’année suivante qu’il le ressent en termes d’activité.

L’impact des clients qui ne paient pas en temps et en heure sur la trésorerie des cabinets est-il marginal aujourd’hui ?

Charles-René Tandé : Ce n’est pas majoritaire mais je ne dirais peut-être pas marginal. Je n’ai pas de statistiques consolidés à ce sujet.

Le crédit interentreprises, un sujet majeur en France pour le financement des entreprises, fonctionne-t-il convenablement aujourd’hui en tout cas en ce qui concerne les entreprises clientes des cabinets comptables ?

Charles-René Tandé : Par rapport à nos cabinets, cela fonctionne plutôt bien. Chez nos clients, nous avons des inquiétudes à cause des assureurs crédits. Des notations sont revues à la baisse, ce qui pose problème dans certains secteurs. Mais pour nos cabinets, je ne suis pas sûr qu’on prenne beaucoup d’assurance crédit.

Dans l’ensemble, les entreprises clientes des cabinets honorent-elles leurs échéances non seulement à destination des cabinets mais plus globalement en ce qui concerne l’ensemble de leurs fournisseurs ?

Charles-René Tandé : Cela dépend des entreprises. Il y a trois catégories. Celle des entreprises qui ont de la trésorerie honore ses dettes. Deuxième catégorie, celle des entreprises qui ont eu recours au PGE [prêt garanti par l’Etat]. Les dettes sont réglées dès lors que le besoin de trésorerie a été couvert par le PGE. Troisième catégorie, celle des entreprises qui n’ont pas obtenu le PGE. Comme toute entreprise en difficulté, ces entreprises jouent sur le crédit fournisseurs.

Comment les cabinets comptables se positionnent-ils en ce qui concerne la clôture des comptes 2020 de leurs clients ? Il y a notamment le sujet de l’évaluation des créances clients et celui de la continuité d’exploitation. D’autant plus que la position de l’ANC [autorité des normes comptables] n’a pas encore été rendue au sujet des comptes 2020.

Charles-René Tandé : Il est vrai qu’au fur et à mesure qu’on avance dans l’année 2020, et qu’on va avoir des clôtures au 31 mars, on ne peut pas ignorer les difficultés éventuellement de continuité d’exploitation, de provision pour dépréciation des comptes clients. Et on va avoir la problématique de l’évaluation des fonds de commerce et des titres quand il y a une participation. Je ne vois pas comment on peut arrêter des comptes au 31 mars sans regarder tout ça. On va attendre la position de l’ANC pour appliquer les règles édictées.

Le prêt garanti par l’Etat fonctionne-t-il correctement ?

Charles-René Tandé : Oui. Cela avait mis un peu de temps à démarrer pour des raisons de texte par rapport à la garantie du banquier. Maintenant on est passé à une garantie à première demande pour que le banquier soit rassuré. Donc les dossiers ont été débloqués.

Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous dîtes au sujet de la garantie…

Charles-René Tandé : Lors de la mise en place du PGE, tout n’était pas écrit. Pour le banquier, il fallait faire jouer toutes les mesures possibles pour récupérer les créances de prêt avant de faire jouer la garantie par la BPI. Donc [les banquiers] regardaient les dossiers d’un œil très critique en disant qu’en cas de doute sur la capacité de l’entreprise à rembourser le prêt, le prêt ne lui serait pas accordé. Ce qui fait qu’au début, c’étaient surtout les entreprises en bonne santé qui avaient le prêt. Quand le texte est venu préciser que la banque pouvait à première demande obtenir la garantie auprès de BPI, cela a rassuré le banquier. Les dossiers ont donc été débloqués depuis quinze jours. On est rentré dans un système normal. On a aussi eu avec la BPI le prêt full digital avec la participation des experts-comptables. Il s’agit d’une convention entre BPI et les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France. Cela a tellement bien marché qu’en Île-de-France au bout de huit jours les crédits de la région ont été épuisés. Donc aujourd’hui il n’y a plus de prêt full digital.

Quelles sont les caractéristiques de ce prêt full digital ?

Charles-René Tandé : Il porte sur des montants compris entre 10 000 et 50 000 euros. Avec un côté automatisation, c’est-à-dire que l’entreprise s’adressait à BPI en numérique, d’où le full digital. L’expert-comptable devait compléter le dossier de quelques éléments tels que la liasse fiscale. Et la BPI répondait très rapidement avec un déblocage très rapide des fonds.

Certains se sont faits l’écho d’une lenteur des remboursements de l’indemnité d’activité partielle auprès des employeurs. Avez-vous eu vent de cela ?

Charles-René Tandé : La lenteur s’est manifestée au départ pour accéder à la plateforme. On a mis du temps pour obtenir les codes nécessaires au dépôt des dossiers. J’ai plutôt eu comme écho qu’à partir du moment où la demande était faite les délais étaient plutôt corrects, en moyenne de 10/12 jours. Je n’ai pas eu de remontée de problèmes de délai pour le remboursement.

Propos recueillis par Ludovic ARBELET

Cette information a été publiée sur le site actuEL Expert-comptable

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