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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Fiscal/ Impôt sur les sociétés

Contribution de 3% sur les revenus distribués et convention EDH

Réserver l’exonération de contribution de 3% aux seules distributions de dividendes entre sociétés intégrées contrevient à la convention européenne des droits de l'Homme, juge le Conseil d'Etat. Deux avocats associés de PwC Société d’Avocats, analysent cette décision.

A propos de CE 29-3-2017 no 399506


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Dans une décision du 29 mars, le Conseil d’Etat juge que la position de l’administration exprimée au paragraphe 130 de l’instruction BOI-IS-AUT-30-20160302, ainsi que l’article 235 ter ZCA du CGI, sont contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en ce qu’ils créent une discrimination entre les sociétés détenues à 95% par une société mère membre du même groupe et celles dont la société mère n’a pas opté pour ce régime. Philippe Durand et Emmanuel Raingeard de la Blétière, avocats associés, PwC Société d’Avocats, analysent cette décision.

Les contentieux à l’encontre de la contribution de 3% sur les distributions de dividendes viennent de connaître un nouveau soubresaut. Pour mémoire, dans une décision Layher du 30 septembre dernier (2016-571 QPC), le Conseil constitutionnel avait décidé que constituait une discrimination contraire au principe d’égalité devant l’impôt la différence de traitement entre les distributions au sein de groupes intégrés et celles entre sociétés appartenant à des groupes non intégrés, faute d’option pour ce régime, que ce défaut soit délibéré ou subi dans le cas de situations transfrontalières. Bien que sa décision entraîne nécessairement l’abrogation de l’exonération intra-groupe, le Conseil avait différé les effets de cette abrogation jusqu’au 1er janvier 2017, de manière à laisser au législateur le soin de remédier à la situation ainsi créée. Ce dernier l’avait fait en étendant le champ de l’exonération à toutes les situations dans lesquelles la bénéficiaire de la distribution, qu’elle soit ou non résidente de France, est une société qui remplit les conditions pour être membre du même groupe intégré que la société distributrice, même si elles n’ont pas opté pour ce régime.

La discrimination continuant ainsi de produire ses effets pour le passé, les contentieux se poursuivent devant les juridictions sur le terrain du droit de l’UE et du droit conventionnel.

Dans ce contexte et pour la même affaire Layher SAS que celle qui a conduit à la décision du Conseil constitutionnel, la société demandait au Conseil d’Etat de prononcer l’annulation du paragraphe de l’instruction commentant l’exonération des distributions entre sociétés intégrées. Bien que ce commentaire n’ajoutât rien à la loi, le Conseil d’Etat accepte de se prononcer. Pour ce faire, il s’inspire largement du raisonnement du Conseil constitutionnel en relevant l’inconventionnalité de la contribution qu’il fonde sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention EDH). En effet, s’il n’est pas juge de la constitutionnalité des lois, le Conseil d’Etat a compétence pour se prononcer sur le respect des conventions internationales. Dans sa décision, il indique notamment:

« […] le 1° du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du CGI, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015, crée une différence de traitement, qui ne repose pas sur des justifications objectives et raisonnables, entre les distributions selon qu'elles sont réalisées entre sociétés d'un même groupe qui relève ou non du régime de l'intégration fiscale prévu à l'article 223 A du CGI, alors même que la condition de détention de 95 % du capital fixée par cet article est remplie. Cette différence de traitement qui résulte du 1° du I de l'article 235 ter ZCA, que l'instruction attaquée a pour objet de commenter, est, par suite, incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article premier de son premier protocole additionnel. »

Le Conseil d’Etat écarte la solution d’une annulation partielle du paragraphe 130 de l’instruction qui commentait l’exonération des distributions entre sociétés intégrées. Cette solution, suggérée par le requérant, aurait consisté à ne censurer le commentaire qu’en tant qu’il ne prévoyait pas l’extension de l’exonération aux sociétés non intégrées. Autrement dit, la Haute assemblée estime que son rôle se borne à sanctionner la discrimination et ne peut consister à déterminer si la bonne solution pour remédier à celle-ci aurait consisté à exonérer tout le monde ou à n’exonérer personne.

De ce fait, cette décision n’a pas, en tant que tel, d’effet pratique direct sur les contentieux individuels en cours. Il n’en demeure pas moins qu’en se plaçant sur le terrain de l’inconventionnalité, elle est susceptible de restreindre l’effet différé que le Conseil constitutionnel avait conféré à sa décision d’abrogation.

Ainsi, les contribuables – remplissant les conditions requises pour faire partie d’une intégration fiscale sans en être membres– auront intérêt à invoquer l’inconventionnalité de l’article 235 ter ZCA du CGI, reconnue par cette décision afin de se voir reconnaître le bénéfice de l’exonération par le juge du fond pour la période antérieure au 1er janvier 2017. En effet, il nous semble que cette solution est la seule qui permette au juge du fond de remédier à la rupture d’égalité générée par cette disposition. Le rapporteur public, Romain Victor, a d’ailleurs évoqué cette perspective dans ses conclusions, sans bien sûr se prononcer sur le fond.

Rappelons enfin qu’au-delà de la situation des seules sociétés « intégrables », la contribution de 3% fait l’objet d’une question préjudicielle devant la CJUE au motif qu’elle serait incompatible avec la directive mère-fille, ce qui élargirait le sujet aux participations inférieures à 95% dans l’hypothèse où elle serait considérée comme contraire à l’article 5 de la directive (i.e. si elle était qualifiée de retenue à la source) ou à l’article 4 (i.e. si elle était qualifiée d’imposition de la redistribution de dividendes provenant de filiales résidentes de l’UE). Dans cette dernière hypothèse, la question de la « discrimination par ricochet » reviendrait probablement devant le Conseil constitutionnel.



Philippe Durand, avocat associé, PwC Société d’Avocats



Emmanuel Raingeard de la Blétière, Maître de conférences à l’Université de Rennes I, avocat associé, PwC Société d’Avocats

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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