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L'exproprié doit demander la rétrocession du bien non utilisé par l'expropriant pour être indemnisé 

Lorsqu'un bien exproprié n'est pas affecté à l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique, l'exproprié peut réclamer une indemnisation pour la perte de la plus-value acquise par le bien. Encore faut-il qu'il ait agi en rétrocession du bien dans les délais. 

Cass. 3e civ. 19-3-2020 n° 19-13.648 FS-PBI 


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Une commune du littoral varois exproprie une société immobilière de plusieurs parcelles en 1955 afin d'agrandir la plate-forme du port de plaisance. Les parcelles n'ayant pas été utilisées à cet usage, la société en demande la rétrocession au tribunal administratif en 1969. Mais la juridiction se déclare incompétente. En 2007, constatant que les parcelles sont revendues peu à peu à des investisseurs, la privant d'une plus-value substantielle, la société demande à être indemnisée de son préjudice à la commune puis au juge administratif. Nouvelle décision d'incompétence en 2014, cette fois du Conseil d'État, après jugement du Tribunal des conflits (CE 30-12-2014 n° 359787 ; T. confl. 8-12-2014 n° 3972). En 2015, la société saisit le juge judiciaire.

La Cour de cassation écarte la demande d'indemnisation. L'exproprié est resté inactif puisqu'il n'a pas exercé l'action en rétrocession qui lui était ouverte dans les délais et conditions prévus par la loi. Par conséquent, il ne peut pas agir en indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la déclaration d'utilité publique.  

À noter : Lorsqu'un propriétaire exproprié est privé de son droit de rétrocession, notamment lorsque la parcelle est visée par une nouvelle DUP, le juge peut lui octroyer une indemnisation complémentaire correspondant à la perte de la plus-value du bien (Cass. 3e civ. 19-11-2008 n° 07-15705 P).

Mais qu'en est-il en l'absence de décision judiciaire reconnaissant son droit à rétrocession ? La Cour de cassation estimait jusqu'à présent que la perte de plus-value pouvait constituer une charge excessive pour l'exproprié, charge qui doit alors être compensée même sans décision du juge relative à la rétrocession (Cass. 3e civ. 12-2-2014 n° 13-14.180 FS-D : BPIM 2/14 inf. 100). L' arrêt commenté nuance la solution en précisant qu'il faut aussi tenir compte de l'attitude de l'exproprié lorsqu'il a négligé de demander la rétrocession du bien dans les temps et les formes requises. En raison de sa propre inaction, il ne subit aucune charge excessive et ne peut pas agir en indemnisation de la privation de la plus-value acquise par le bien non affecté à la destination prévue par la DUP. Au cas particulier, l’inaction s'est prolongée pendant presque 40 ans après la première décision d'incompétence en 1969. Plus l'exproprié tarde à agir, plus le montant de la plus-value est susceptible d'être important (dans cette affaire, elle était estimée à plus de 3 millions d'euros), ce qui explique sans doute le besoin de fixer des limites à son action. 

Brigitte BROM

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme-Construction n° 38660 et 38675

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne