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Mariage de raison ne signifie pas absence d'intention matrimoniale

Est valable le mariage de raison, l'épouse s'étant engagée à s'occuper de son mari, de 30 ans son aîné, et lui à la protéger financièrement, car les époux ont connu une communauté de vie effective et rien ne permet de penser que la femme n'avait pas eu l'intention d'honorer ses engagements.

Cass. 1e civ. 13-1-2021 nos 19-16.703 et 19-16.874 F-D


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En 2008, un homme épouse une femme de 30 ans sa cadette et fait un testament en sa faveur. Deux ans après, il demande le divorce et institue sa nièce légataire universelle. En 2011, il porte plainte contre son épouse pour vol. En 2012, il décède. La veuve assigne la nièce en annulation du testament, celle-ci demandant à titre reconventionnel l'annulation du mariage pour défaut de consentement. Elle soutient que l'épouse n'a eu d'autre but que de jouir des moyens financiers du défunt sans avoir l'intention de se soumettre à toutes les obligations nées du mariage. Elle invoque notamment le fait que l'épouse a reconnu qu'il s'agissait d'un mariage de raison, elle s'étant engagée à s'occuper de son époux âgé et lui à la protéger financièrement. Néanmoins le mariage est validé.

La Cour de cassation confirme. Les juges du fond ont souverainement considéré que les époux avaient connu une communauté de vie effective et que, si les relations se sont très vite dégradées entre eux, aucun élément ne permet de penser que la femme n'avait pas eu l’intention d'honorer ses engagements.

À noter : Arrêt d'illustration. La nièce tentait de s'appuyer sur la jurisprudence qui admet le mariage simulé lorsqu'un époux recherche un but qui n'est pas étranger au mariage, mais sans avoir l'intention de se soumettre à toutes les obligations du mariage (en ce sens, Cass. 1e civ. 19-12-2012 no 09-15.606 : BPAT 1/13 inf. 4 ; Cass. 1e civ. 1-6-2017 no 16-13.441 FS-PBI : BPAT 4/17 inf. 137). Toutefois, les situations ne sont pas comparables. Dans les affaires précitées, les mariages ont été annulés car, dès la cérémonie, un des époux ou les deux n'ont eu aucune intention matrimoniale. Dans l'arrêt de 2012, il est établi que l'épouse était animée uniquement par une intention de lucre. Dans l'espèce de 2017, le couple n'a jamais vécu ensemble, le mari s'étant marié avec la fille de sa compagne afin de lui assurer une sécurité financière pour l'avenir.

Ici, les juges ont considéré qu'au moment de l'union il y avait un véritable pacte matrimonial, la rapide dégradation des relations n'étant pas de nature à établir la preuve contraire.

Ce pacte s'articule autour des devoirs d'entretien et de communauté de vie et de la contribution aux charges du mariage (C. civ. art. 212, 214 et 215 ). Il ne comprenait peut-être pas tout ce qu'implique la vie de couple ou de famille, mais il y avait bien le souhait de prendre soin l'un de l'autre. D'ailleurs, le couple avait une réelle vie commune. Déjà en ce sens, le mariage entre une femme homosexuelle et un homme impuissant a été validé car les époux avaient la volonté de se porter mutuellement assistance (CA Caen 11-1-2007 no 04-2529 : Dr. famille. 2007 comm. 101 obs. V. Larribau-Terneyre).

Gilles RAOUL-CORMEIL, professeur de droit privé à l'Université de Brest, directeur du Master 2 Droit civil - Protection des personnes vulnérables, Université de Caen

Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Droit de la famille n° 125

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne