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GPA « à la française » : il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de voir primer la réalité biologique

Le père biologique d’un enfant né d’une GPA en France est irrecevable à contester la paternité de l’homme qui a reconnu l’enfant car sa demande repose sur une convention prohibée. Et l’intérêt de l’enfant, selon son vécu, n’est pas de faire primer la réalité biologique.

Cass. 1e civ. 12-9-2019 n° 18-20.472 FS-PBRI


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Un couple d’hommes habitant en France conclut une convention de gestation pour autrui (GPA) avec une femme, résidant également en France, aux termes duquel cette dernière portera contre rémunération l’enfant qu’elle concevra à l’aide du sperme de l’un ou de l’autre. Par la suite, la femme indique que l’enfant est décédé à la naissance. Elle l’a, en réalité, confié contre rémunération à un autre couple. L’enfant est ainsi reconnu par un autre homme et vit depuis sa naissance au domicile de ce dernier et de son épouse. L’ensemble des protagonistes est condamné pénalement ; l’enquête pénale permet d’établir qu’un des commanditaires de la 1e GPA est le père biologique. Ce dernier assigne le père déclaré et la mère porteuse en contestation de la paternité du premier et en établissement de sa propre paternité. La cour d’appel déclare les demandes irrecevables. En outre, elle décide que la réalité biologique n'apparaît pas une raison suffisante pour accueillir la demande au regard du vécu de l'enfant.

La Cour de cassation confirme. La demande du père biologique est irrecevable car reposant sur la convention de gestation pour autrui, laquelle est prohibée par la loi.

Par ailleurs, l’enfant vit depuis sa naissance au domicile du père déclaré qui l’élève avec son épouse dans d’excellentes conditions. En conséquence, il n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant de voir primer la réalité biologique, ce qui ne préjudicie pas au droit de celui-ci de connaître la vérité sur ses origines. Il en est ainsi alors même que la façon dont le lien de filiation actuel de l’enfant a été établi repose sur une fraude à la loi sur l’adoption.

À noter : C’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur les conséquences d’une convention de gestation pour autrui conclue en France et sur la possibilité pour le père biologique de contester la paternité de l’homme qui a reconnu l’enfant aux fins de faire établir sa propre paternité.

L’affaire présentait une spécificité. En effet, si le père biologique avait méconnu l’interdit de la gestation pour autrui, la filiation de l’auteur de la reconnaissance de paternité reposait également sur une fraude : celle à la loi sur l’adoption.

La réponse est nette : l’illicéité d’ordre public de toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui, posée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil, rend irrecevable l’action du père biologique destinée à lui permettre d’établir sa propre filiation sur l’enfant. Une telle action permettrait l’établissement d’un lien de filiation certes biologique mais reposant sur une convention prohibée par la loi. La solution conforte la prohibition de la GPA inscrite dans le droit français et empêche toute personne qui aurait bravé cette interdiction de se prévaloir d’un lien de filiation avec l’enfant issu d’une telle convention.

S’interrogeant par ailleurs sur la balance des intérêts en présence, la réponse de la Cour de cassation est tout aussi nette : l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas de faire primer la réalité biologique, mais, au contraire, de préserver la stabilité de son lien de filiation paternelle, quand bien même ce dernier a été établi par une fraude à la loi sur l’adoption. La Cour de cassation précise toutefois que cette stabilité ne préjudicie pas au droit de l’enfant de connaître la vérité sur ses origines. Entre les deux fraudes, les Hauts magistrats ont choisi de préserver les conditions de vie de l’enfant, au détriment de « la réalité biologique qui n’est pas une raison suffisante pour accueillir la demande ».

Cette solution peut de prime abord surprendre au regard d’autres décisions, rendues dans des cas où se trouvaient confrontés l’intérêt supérieur de l’enfant et la réalité biologique et où la dimension biologique de la filiation a primé sur une filiation établie (v. par ex. CEDH 14-1-2016 n° 30955/12 Mandet c/ France et Cass. 1e civ. 7-11-2018 n° 17-26.445 où il a été jugé que le changement du lien de filiation de l'enfant à la suite de l'action exercée par l'amant de la mère ne portait pas d'atteinte au droit au respect de la vie privée, l'intérêt supérieur de l'enfant étant de connaître sa filiation réelle ; ou encore CEDH 26-6-2014 n° 65192/11 Mennesson c/ France, célèbre affaire dans laquelle la réalité biologique a permis l’établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants nés d’une GPA à l’étranger). Cependant, l’intérêt de l’enfant n’est pas une notion abstraite et figée et peut, au contraire, conduire à maintenir le lien de filiation établi indépendamment de la réalité biologique (v. par ex. CEDH 20-6-1999 n° 27110/95 Nylund c/ Finlande ; CEDH 5-6-2002 n° 33711/96 Yousef c/ Pays-Bas ; CEDH 26-7-2018 n° 16112/15 Fröhlich c/ Allemagne).  

Alice MEIER-BOURDEAU, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 27300

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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