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Le juge judiciaire incompétent pour suspendre un projet de restructuration avec plan social pour l'emploi

Les représentants du personnel ne peuvent pas obtenir du juge judiciaire la suspension de la fermeture d’entités de l’entreprise et de l’application d’un projet de restructuration emportant PSE, juge sans surprise la Cour de cassation

Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-13.714 FS-PBI


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Il est vain pour les représentants du personnel s’estimant irrégulièrement consultés sur un projet de restructuration assorti d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de saisir le juge judiciaire pour en obtenir la suspension. C’est ce qui ressort d’un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation du 30 septembre 2020 et promis à une large publicité.

A noter : Rendue dans une affaire dans laquelle le comité d’entreprise et le CHSCT étaient consultés, la solution est, bien entendu, entièrement transposable au CSE.

Une saisine du juge judiciaire en raison d’irrégularité de la procédure consultative

En l’espèce, une société spécialisée dans le commerce de prêt-à-porter et comprenant, en France, 31 magasins et 496 salariés projetait, en 2018, de réorganiser l’entreprise en raison de graves difficultés financières. Ce projet devait se traduire, notamment, par la fermeture de 21 magasins et le licenciement de pas moins de 227 salariés, d’où l’obligation d’établir un PSE. Engageant la procédure de licenciement collectif, l’employeur avait convoqué le comité d’entreprise et le CHSCT à 2 réunions, en diffusant à cette occasion un document d’information sur le projet de restructuration ainsi qu’un projet d’accord collectif relatif à un PSE.

Estimant la date de fermeture de certains magasins incompatible avec les délais légaux de consultation des représentants du personnel, et se prévalant ainsi de la violation par l’employeur de son obligation de les consulter préalablement à toute mise en œuvre du projet, les instances précitées et un syndicat avaient saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de suspension sous astreinte des fermetures programmées et de la restructuration jusqu’à la fin de la procédure consultative. Requête jugée irrecevable tant par le TGI que par la cour d’appel, dont l’arrêt est confirmé en cassation. C’était en effet oublier la délimitation des compétences juridictionnelles issue de la loi 2013-504 de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013.

La juridiction administrative seule compétente

Il appartient au Direccte saisi d'une demande de validation d'un accord collectif ou d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un PSE de vérifier, notamment, la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel (C. trav. art. L 1233-57-2).

Par ailleurs, comme le rappelle l’arrêt du 29 septembre, la loi précitée a créé un « bloc de compétence » au profit de la juridiction administrative pour toute contestation portant sur les procédures de licenciement avec PSE. Ainsi, l'accord collectif ou le document élaboré par l'employeur portant PSE, le contenu de celui-ci, les décisions prises par l'administration au titre de son pouvoir d’injonction et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation du Direccte, ces litiges relevant de la compétence du tribunal administratif à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (C. trav. art. L 1235-7-1).

Il en résulte que le juge administratif dispose d’une compétence exclusive pour statuer sur les litiges relatifs à la régularité de la consultation des institutions représentatives du personnel dans le cadre d’un PSE. Tel était le cas en l’espèce. La Cour de cassation donne donc raison à la cour d’appel d’avoir décidé que ne relèvent pas de la compétence du juge judiciaire les demandes visant à ce qu’il soit enjoint à l’employeur de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et toute mise en œuvre d’un projet de restructuration avant l’achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel relative à ce projet et au projet de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l’établissement d’un PSE.

A noter : Cet arrêt peut être rapproché d’une décision récente du Tribunal des conflits aux termes de laquelle, le contrôle de l'administration devant s'étendre à la vérification de la valeur des mesures de prévention prises par l'employeur afin de sauvegarder la santé et la sécurité des salariés, il ne peut être demandé au juge judiciaire de suspendre, au nom de ces exigences, une restructuration qui donne lieu obligatoirement à l'établissement d'un PSE (T. confl. 8-6-2020 n° C4189 : RJS 8/20 no 415).

Pour rappel, le juge judiciaire reste compétent notamment pour les recours relatifs au motif économique du licenciement (CE 22-7-2015 n° 385816 : RJS 10/15 n° 630), au respect par l'employeur de son obligation individuelle de reclassement (Cass. soc. 11-12-2019 n° 17-31.673 FS-D : RJS 2/20 n° 89) et au respect par l’employeur de son obligation de sécurité lors de la mise en œuvre du PSE (T. confl. 8-6-2020 précité).

La procédure d’injonction, seule voie possible en cours de procédure

Ne pouvant pas obtenir la suspension de la mesure de réorganisation devant le juge judiciaire, les représentants du personnel disposent-ils d’autres moyens d’action avant de pouvoir saisir le juge administratif en fin de parcours après validation d'un accord collectif ou homologation d'un document de l’employeur ? La seule voie possible est la procédure d’injonction. Ainsi, conformément à l'article L 1233-57-5 du Code du travail, ils peuvent, au cours de la procédure d'information et de consultation préalable à la transmission de la demande de validation ou d'homologation relative à un PSE, saisir le Direccte de toute atteinte à l'exercice de sa mission en formulant une demande d'injonction, l’administration devant alors se prononcer dans les 5 jours (en ce sens CE 29-6-2016 n° 386581 : RJS 10/16 n° 627).

Tel avait été le cas en l’espèce. En effet, selon les moyens annexés à l’arrêt, le conseil des représentants du personnel avait adressé à la Direccte de Paris une demande d'injonction fondée sur les mêmes prétentions que celles soumises au juge judiciaire, notamment s’agissant de la fermeture de certains magasins sans respect des délais de consultation, cette demande ayant été partiellement suivie d'effet.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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