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Licenciement lié à la grossesse : la salariée réintégrée a droit à une indemnité forfaitaire

La salariée dont le licenciement est nul pour discrimination liée à sa grossesse a droit au paiement d’une indemnité égale aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration dans l’entreprise, sans déduction des revenus de remplacement perçus.

Cass. soc. 29-1-2020 n° 18-21.862 FS-PB


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Estimant avoir été victime d’une discrimination liée à sa grossesse, une salariée licenciée saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter la nullité de la rupture de son contrat de travail et sa réintégration.

La cour d’appel fait droit à sa demande de nullité mais ordonne que soit déduit du rappel de salaires, qui lui est dû entre la date de son licenciement et la date effective de sa réintégration dans l’entreprise, le montant des allocations chômage et des indemnités journalières qu’elle a perçues durant cette période. La salariée, contestant le calcul opéré par les juges du fond, se pourvoit en cassation.

Seule l’atteinte à un droit fondamental constitutionnel ouvre droit à une indemnité forfaitaire

Dans un arrêt du 3 juillet 2003 rendu en matière de licenciement économique, la Cour de cassation a posé comme principe que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite des salaires dont il a été privé. Dès lors, les revenus qu'il a pu tirer d'une autre activité professionnelle pendant la période correspondante et le revenu de remplacement qui a pu lui être servi pendant la même période doivent être déduits de la réparation du préjudice subi (Cass. soc. 3-7-2003 n° 01-44.522 FS-PBRI : RJS 10/03 n° 1141).

Toutefois, la Haute Juridiction a admis plusieurs exceptions à ce principe lorsque la nullité du licenciement a pour origine la violation d’une liberté ou d’un droit fondamental garanti par la Constitution. Elle considère ainsi que l’indemnité due au salarié a un caractère forfaitaire et que son montant ne peut pas être réduit du fait de la perception d’un revenu de remplacement ou d’une rémunération dans le cas d’un licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de grève (Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481 FS-PBRI : RJS 4/06 n° 488 ; Cass soc 25-11-2015 n° 14-20.527 FS-PB), des activités syndicales du salarié (Cass. soc. 2-6-2010 n° 08-43.277 FP-D : RJS 8-9/10 n° 685 ; Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-16.434 FS-PB : RJS 11/14 n° 793), de son état de santé (Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905 FS-PB : RJS 10/12 n° 785) ou encore de son action en justice (Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122 FS-PB : RJS 2/19 n° 90).

Le licenciement lié à la grossesse porte atteinte au principe d’égalité entre la femme et l’homme

Dans l’arrêt du 29 janvier 2020, la Cour de cassation apporte une nouvelle exception au principe qu’elle a posé en 2003. Après avoir précisé qu’en application des articles L 1132-1 et L 1132-4 du Code du travail tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul, elle juge, pour la première fois, qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre la femme et l’homme, garanti par l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et en tire les conséquences quant à l’indemnisation due à la salariée qui demande sa réintégration dans l’entreprise.
Celle-ci a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement. Dès lors, les juges du fond ne pouvaient pas ordonner la déduction de ces derniers du montant de l’indemnité qui lui était due.

A noter : Dans une précédente affaire où une salariée dont le licenciement était nul pour avoir été prononcé durant sa grossesse et qui entendait bénéficier d’une indemnisation forfaitaire, la Cour de cassation avait écarté cette prétention en reprenant le principe énoncé dans l’arrêt du 3 juillet 2003 sans motiver autrement sa décision (Cass. soc. 30-9-2010 n° 08-44.340 FP-D : RJS 12/10 n° 928). Il était alors possible de supposer que, dans le cas d’une salariée dont le licenciement était nul en raison de son état de grossesse, il n’y avait pas, nonobstant le caractère illicite du licenciement, d’atteinte à un droit ou une liberté garanti par la Constitution. L’arrêt du 29 janvier 2020 ne laisse plus de place au doute : une discrimination fondée sur l’état grossesse d’une salariée constitue bien une atteinte à un droit fondamental constitutionnel.

Valérie DUBOIS 

Pour en savoir plus sur la protection de la salariée enceinte contre la rupture de contrat de travail : voir Mémento Social nos 51280 s. 

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne