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La prescription de l'action en requalification d'un CDD mal rédigé court dès sa conclusion

La Cour de cassation se prononce à nouveau sur la prescription de l'action en requalification du contrat à durée déterminée. La question portait cette fois sur le point de départ de ce délai dans le cas où le contrat ne comporte pas toutes les mentions obligatoires.

Cass. soc. 3-5-2018 n°16-26.437 FS-PB


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Un salarié avait été engagé sous plusieurs contrats à durée déterminée courant, pour le premier, du 12 au 31 juillet 2004, et, pour le dernier, du 15 janvier 2013 au 15 janvier 2014. Il avait saisi le conseil de prud'hommes le 6 janvier 2014 d'une demande en requalification en contrat à durée indéterminée de son premier contrat, conclu le 12 juillet 2004. Cette demande a été rejetée comme étant prescrite en appel, ce qu'a confirmé la Cour de cassation devant laquelle le salarié débouté avait présenté un recours.

La Haute Cour juge que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion du contrat.

Une décision fondée sur l'article L 1471-1 du Code du travail…

Elle fonde sa décision sur l'article L 1471-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable selon elle au litige, aux termes duquel toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

On peut s'étonner de ce fondement. En effet, il n'était pas évident que le champ d'application de l'article L 1471-1 du Code du travail s'étende aux actions portant sur la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. On pourrait considérer que cette action ne porte ni sur l'exécution du contrat de travail ni sur sa rupture. Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation semble ainsi exclure l'application de l'article 2224 du Code civil, qui fixe à 5 ans la prescription de droit commun pour les actions personnelles et mobilières.

A noter : la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de rendre un jugement relatif à la requalification du CDD en CDI au visa notamment de l'article L 1471-1 (Cass. soc. 31-1-2018 n° 16-23.602 F-D), quelques mois après avoir rendu une décision se référant uniquement aux articles 2224 et 2254 du Code civil (Cass. soc. 22-11-2017 n° 16-16.561 FS-PB). Le présent arrêt, qui sera publié, pourrait confirmer sa volonté d'appliquer le texte du Code du travail à ce type de contentieux.

Si tel était le cas, faudrait-il appliquer à l'action en requalification du CDD, la prescription de un an prévue pour les actions portant sur la rupture du contrat désormais fixée à un an ? Ou bien faudrait-il appliquer distributivement cette prescription, et celle de 2 ans prévue pour les actions portant sur l'exécution du contrat, selon que le salarié n'est plus ou est encore présent dans les effectifs de l'entreprise au moment de son action ?

La cour d'appel avait aussi décidé que le délai de prescription, courant à compter du début du premier contrat, était dépassé. Mais elle s'était référée à l'article 26, II de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 (JO 18). Ce texte a prévu que les dispositions de la loi réduisant la durée de la prescription devaient s'appliquer aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Ainsi, le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières, fixé à 5 ans au lieu de 30 ans par la loi du 17 juin 2008, s'est appliqué à compter du 19 juin 2008, sans que les prescriptions en cours puissent dépasser 30 ans. La prescription de 30 ans se rapportant à l'action en requalification du contrat courait depuis sa date de conclusion, le 12 juillet 2004. Au 19 juin 2008, elle était encore en cours. Elle devait donc se prolonger pour 5 ans à compter du 19 juin 2008, soit jusqu'au 19 juin 2013.

Or, l’article L 1471-1 du Code du travail appliqué par la Cour de cassation, s’est appliqué immédiatement aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, soit le 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée antérieure expirant, au cas d’espèce, le 19 juin 2013.

… à la portée incertaine

La Cour de cassation applique ici la solution selon laquelle le délai de prescription d'une action en requalification d'un CDD en CDI court à compter de sa conclusion au cas dans lequel l'action est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification.

Ainsi, un autre point de départ de la prescription pourrait s'appliquer si l'action en requalification était fondée sur une autre irrégularité. Tout dépendra du moment où le salarié a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité en cause. Par exemple, si l'action en requalification repose sur le non-respect du délai de carence entre 2 contrats successifs, le point de départ de l'action ne sera pas constitué par la date de conclusion du premier contrat, mais vraisemblablement par celle du second.

On peut par ailleurs se demander si cette solution vaut pour l'action en requalification du contrat de mission des travailleurs temporaires. Il a en effet été jugé dans un arrêt du 13 juin 2012 que le délai de prescription, en l'espèce le délai de 5 ans prévu par l'article 2224 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, ne court qu'à compter du terme du dernier contrat de mission (Cass. soc. 13-6-2012 n° 10-26.387 FS-PB). Cette jurisprudence est peut-être remise en cause par l'arrêt du 5 mai dernier.

La solution avait été transposée au contrat à durée déterminée par un arrêt non publié du 8 novembre 2017 (Cass. soc. 8-11-2017 n° 16-17.499 F-D).

Claire MAUGIN

Pour en savoir plus sur l'action en requalification du CDD en CDI : voir Mémento Social n° 20320 s.



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