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Une sanction, autre qu'un licenciement, est illégitime si elle n'est pas prévue par le règlement intérieur

La Cour de cassation confirme le caractère illicite d'une sanction non prévue par le règlement intérieur et admet qu'il soit ordonné à l'employeur, en référé, d'annuler une telle sanction.

Cass. soc. 23-3-2017 n°15-23.090 FS-PB


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Il fut un temps où la chambre sociale de la Cour de cassation estimait que le pouvoir disciplinaire étant inhérent à la qualité d'employeur, celui-ci pouvait prononcer une sanction non prévue par son règlement intérieur dès lors que dit règlement en question ne l'excluait pas expressément. Mais ce temps est révolu. Depuis 2010, en effet, la Cour de cassation fait une stricte application des dispositions du Code du travail encadrant le pouvoir disciplinaire de l'employeur et fixant la portée à cet égard du règlement intérieur d'entreprise. L'arrêt du 23 mars 2017 en est une nouvelle illustration assortie d'une intéressante précision quant aux pouvoirs du juge des référés prud'homal en la matière.

L'avertissement prononcé en l'absence de règlement intérieur obligatoire est nécessairement illicite

Dans cette affaire, la salariée d'une association employant plus de 20 salariés, et à ce titre tenue d'élaborer un règlement intérieur comme l'exige l'article L 1311-2 du Code du travail, se voit notifier un avertissement disciplinaire. Estimant cette sanction illicite, l'employeur n'étant pas lors de son prononcé doté d'un règlement intérieur, elle saisit le juge des référés prud'homal, lequel accueille sa demande et ordonne à l'employeur d'annuler l'avertissement infligé à la salariée. Devant la Cour de cassation, l'employeur fait valoir que l'absence de règlement intérieur ne peut avoir pour effet de le priver de tout pouvoir disciplinaire, hormis la sanction du licenciement, et donc du droit de prononcer un avertissement.

Cette défense n'avait aucune chance de prospérer, la Cour de cassation ayant clarifié, en 2010, la question de la portée du règlement intérieur sur l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur. Elle a en effet jugé que puisque conformément à la loi ce règlement fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par le règlement (Cass. soc. 26-10-2010 n° 09-42.740 FS-PBRI). La solution, régulièrement confirmée depuis, l'est à nouveau dans le présent arrêt.

Dans ses précédentes décisions et notamment celle de 2010, la Haute Juridiction avait fait usage de ce principe dans des situations où, s'il existait bien dans l'entreprise un règlement intérieur, celui-ci ne prévoyait pas la sanction infligée au salarié. Mais ce principe était en toute logique applicable également en l'absence pure et simple de règlement intérieur alors que celui-ci s'impose légalement au regard de l'effectif de l'entreprise, c'est-à-dire dès lors que celle-ci emploie habituellement au moins 20 salariés (voir déjà en ce sens CA Rennes 7-9-2016 n° 14/04110).

A noter : on rappelle que cette jurisprudence ne vaut que pour les sanctions disciplinaires autres qu'un licenciement. Le droit pour l'employeur de licencier étant inscrit dans le Code du travail (C. trav. art. L 1231-1), l'absence de règlement intérieur, voire, même si l'hypothèse paraît peu vraisemblable, un règlement intérieur ne prévoyant pas le licenciement dans la nature et l'échelle des sanctions, ne le prive donc pas de ce droit.

Si le juge des référés ne peut annuler cette sanction, il peut… ordonner à l'employeur de l'annuler

Selon une jurisprudence ancienne, le juge des référés prud'homal n'a pas le pouvoir de trancher le fond du litige en prononçant l'annulation d'une sanction disciplinaire (Cass. soc. 7-1-1988 n° 85-42.761 P ; Cass. soc. 23-3-1989 n° 86-40.053 P). C'est pourtant ce qui lui avait été demandé par la salariée dans la présente affaire en raison du caractère manifestement illicite de la sanction prononcée en l'absence de règlement intérieur obligatoire.

Devant la Cour de cassation, l'employeur reprochait à la cour d'appel statuant en référé, non sans quelque pertinence, du moins en apparence, d'avoir enfreint cette règle en lui ordonnant d'annuler l'avertissement infligé à la salariée et de remettre la situation en l'état antérieur à cette sanction. Mais, à y regarder de plus près, un détail essentiel était à prendre en compte : la juridiction de référé n'avait pas elle-même prononcé l'annulation mais avait ordonné à l'employeur de le faire. La nuance peut paraître subtile. Elle est validée par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi de l'employeur en relevant que la cour d'appel n'avait pas annulé la sanction prononcée mais avait, dans le cadre de ses pouvoirs, ordonné à l'employeur de prendre la mesure propre à faire cesser le trouble manifestement illicite qu'elle avait constaté.

La formation de référé peut en effet prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (C. trav. art. R 1455-6). Elle détient donc, en application de ce texte, le pouvoir de neutraliser, dans l'attente de la décision des juges du fond, les effets d'une sanction disciplinaire manifestement illicite, comme l'est une sanction prononcée alors qu'elle n'est pas prévue par le règlement intérieur ou alors que l'entreprise n'a pas mis en place un tel règlement.

Il a par exemple été jugé, à propos d'une mutation disciplinaire ne figurant pas parmi les sanctions prévues par le règlement intérieur, que le juge des référés, s'il ne dispose pas du pouvoir d'annuler cette sanction, peut faire cesser le trouble manifestement illicite qui en résulte en ordonnant la réintégration sous astreinte du salarié dans ses fonctions antérieures (CA Versailles 19-10-2004 n° 04/347). Il pourrait, de même, ordonner la réintégration sous astreinte si la sanction prononcée était une mise à pied disciplinaire non prévue par le règlement intérieur.

Mais, s'agissant comme en l'espèce d'un avertissement, on voit mal comment le juge des référés peut faire cesser le trouble manifestement illicite autrement qu'en ordonnant à l'employeur d'annuler cette sanction afin de remettre les choses en l'état antérieur à son prononcé. Même si, il faut en convenir, la distinction opérée entre une annulation par le juge et une annulation par l'employeur ordonnée par le juge, est relativement subtile.

A noter : cet arrêt fournit une nouvelle illustration intéressante des pouvoirs non négligeables détenus par le juge des référés prud'homal. Outre qu'il peut, comme indiqué précédemment, ordonner la réintégration du salarié auquel a été infligée une mutation ou mise à pied disciplinaire manifestement illicite, il peut aussi ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation par l'employeur d'une liberté fondamentale du salarié, telle que son droit d'agir en justice (Cass. soc. 6-2-2013 n° 11-11.740 FP-PBR) ou, comme récemment jugé, ordonner provisoirement la poursuite d'un contrat à durée déterminée au-delà de son terme dans l'attente de la décision des juges du fond saisis d'une action en requalification de ce contrat en un contrat à durée indéterminée (Cass. soc. 8-3-2017 n° 15-18.560 F-D).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Social n° 56250

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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