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L’employeur peut être tenu de diligenter une enquête même en cas de faits de harcèlement non avérés

Ce n’est pas parce que les faits de harcèlement moral ne sont pas avérés que l’obligation de prévention des risques professionnels pesant sur l’employeur est respectée.

Cass. soc. 27-11-2019 n° 18-10.551 FP-PB


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Par un arrêt de 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a clairement distingué l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L 4121-1 du Code du travail, et la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L 1152-1 du même Code (Cass. soc. 6-12-2017 n° 16-10.885 FS-D).

En effet, indépendamment de la qualification de harcèlement moral, l'absence de toute mesure destinée à prévenir une situation de souffrance au travail est susceptible d'être sanctionnée au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité. Il en découle que la méconnaissance de chacune de ces obligations, lorsqu'elles entraînent des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques (Cass. soc. 6-6-2012 n° 10-27.694 FS-PB ; Cass. soc. 17-5-2017 n° 15-19.300 FS-PB). 

L'arrêt du 27 novembre 2019 s’inscrit dans la lignée de cette jurisprudence. En l’espèce, une salariée, placée en arrêt de travail, avait alerté l’employeur sur la dégradation de son état de santé en lien avec son activité professionnelle et le harcèlement moral dont elle soutenait avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique. Elle avait ensuite saisi le juge prud’homal de demandes au titre du harcèlement moral et de l’obligation de sécurité, faisant notamment valoir qu'après cette dénonciation l’employeur n’avait entrepris aucune investigation pour éclaircir la situation et prendre les mesures nécessaires. Pour rejeter cette seconde demande, la cour d’appel avait retenu qu’aucun agissement de harcèlement moral n’étant établi, il ne pouvait être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté une enquête et par là même d’avoir manqué à son obligation de sécurité.  

Une telle analyse est censurée par la chambre sociale. Procédant de logiques distinctes, le respect de l’obligation de sécurité ne peut pas se déduire de la seule absence d’un harcèlement moral. Il appartenait donc aux juges du fond de déterminer si, indépendamment de la caractérisation ou non d’un harcèlement moral, l’employeur avait agi de manière appropriée à la suite des alertes données par la salariée. En d’autres termes, pour se prononcer sur l’existence de ce manquement à l’obligation de prévention, il y a lieu de se placer, non sur le terrain du régime probatoire propre au harcèlement fixé à l’article L 1154-1 du Code du travail, mais sur celui du droit commun de l’obligation de sécurité. Dans le fil de l’arrêt « Air France » (Cass. soc. 25-11-2015 n°  14-24.444 FP-PBRI), le comportement de l’employeur doit être apprécié à l’aune des dispositions générales des articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail. 

A noter : Il ne faut cependant pas se méprendre sur la portée de cette décision qui sanctionne, avant tout, une erreur de raisonnement. D’abord, compte tenu de la variété des mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, une réaction diligente ne suppose pas nécessairement la mise en oeuvre d’une enquête, la responsabilité de l’employeur n’étant pas engagée s’il a pris des mesures de prévention adaptées aux circonstances. Ensuite, il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement l’existence du préjudice subi par le salarié au regard du dommage concrètement causé par la carence de l’employeur.

Pour en savoir plus sur l'obligation de l'employeur de protéger ses salaréis contre le harcèlement morale : voir Mémento Social nos 17070 s. 



© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne