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Marketing des ressources humaines : pourquoi la fonction RH doit-elle se vendre?

Depuis quelques années, le marketing des ressources humaines est un volet important du plan stratégique des entreprises. Pourquoi chercher à adapter les techniques du marketing et de la communication aux professionnels des ressources humaines ? Réponse avec Isabelle Lambert Sorin, consultante en communication et ressources humaines.


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La Quotidienne. Est-ce la digitalisation qui a contraint les services RH à s’approprier les techniques du marketing mix (produit, prix, promotion, place) ?

Isabelle Lambert Sorin. Il n’y a pas de contrainte à proprement parler. La fonction RH s’approprie les techniques marketing, car elle a pris conscience de la nécessité de valoriser l’ensemble de ses missions afin de ne plus être réduite à une fonction support. Les missions de base, de type « gestion de la paie », sont de plus en plus souvent externalisées ou automatisées grâce à la digitalisation (automatisation des process). Le marketing RH permet de faire connaître les autres domaines de la fonction RH qui sont beaucoup plus qualitatifs et qui privilégient la relation avec le collaborateur dans ses aspects de gestion de carrière, depuis son entrée au sein de l’entreprise, process de recrutement, et tout au long de son évolution, aspects de formation, jusqu’à son départ, étape à ne pas négliger. Les techniques marketing sont facilement transposables au domaine RH ; les mettre en œuvre est aisée, à condition d’être formé.

La Quotidienne. La satisfaction du client est au cœur de toute stratégie d’entreprise : est-ce que le plan marketing RH poursuit le même objectif ?

I. L. S. L’objectif est le même, toutefois la notion de « client » est ici plus étendue.

Le premier client du marketing RH est le collaborateur. La démarche marketing qui consiste, après un achat, à adresser à un consommateur un e-mail pour mesurer sa satisfaction et déterminer les améliorations à apporter au service doit être adoptée par les RH en faveur des collaborateurs : « l’expérience collaborateur » s’assimile à « l’expérience client », si ce n’est qu’ici ce sont les « clients internes » à l’entreprise qui sont ciblés. La première action de marketing RH fut de solliciter l’avis du collaborateur après une formation : « a-t-elle répondu à ses attentes ? est-il satisfait de l’organisation ?... ». Par la suite, cette démarche s’est développée à tout niveau : le collaborateur est interrogé sur le process de recrutement, sur son ressenti après quelques mois d’activité, sur les points à améliorer dans l’entreprise, sur les relations qu’il peut avoir avec son manager ou son service RH, etc. Mesurer l’expérience collaborateur nécessite d’avoir des collaborateurs témoins qui s’impliquent ; il ne faut pas se contenter d’une descente hiérarchique d’informations.

Même s’il est difficile de classer les collaborateurs dans des catégories, soulignons que le marketing RH permet aussi de solliciter une typologie de « clients » lorsque l’on souhaite, par exemple, s’adresser aux collaborateurs à hauts potentiels ou à certains cadres.

Les « clients externes » (potentiels candidats, fournisseurs) constituent le second groupe de clients du marketing RH. L’entreprise a une responsabilité en termes de marque employeur et d’image de marque vis-à-vis de ces derniers. Concernant les candidats potentiels, il est tout aussi important d’assurer un suivi du collaborateur recruté que du candidat non retenu ou qui a décliné la proposition d’embauche. Le marketing RH prend tout son sens même si cette étape est plus difficile et que l’on se concentre avant tout sur le collaborateur recruté. L’enjeu est d’éviter tout dénigrement de l’entreprise, notamment sur les sites de classement où certains dénoncent des défaillances dans le processus de recrutement ou le défaut d’explication justifiant qu’ils n’aient pas été retenus. Certes, la démarche est plus complexe lorsqu’on a eu recours à un cabinet de recrutement. Ce retour « d’expérience candidat » permet aux professionnels RH de prendre les mesures pour faciliter la relation avec ce client externe : simplifier le process de recrutement (ne plus avoir cinq ou six rendez-vous) ou le formulaire de recrutement jugé trop complexe pour les candidatures spontanées sur le site carrière de l’entreprise (cela doit être aussi facile que de s’inscrire à une newsletter sur un site commerçant), ne plus exiger de lettre de motivation ou la saisine du CV (puisque l’on peut le transmettre en pièce jointe ou faire un lien vers les réseaux sociaux où il est consultable).

La Quotidienne.Définir sa marque employeur, sa marque recruteur… est-ce que toutes les entreprises sont concernées ? Quels sont les enjeux ?

I. L. S. Toutes les entreprises sont, en principe, concernées, même si cela est plus complexe de parler « marque employeur » pour les toutes petites qui ne comptent que cinq salariés.

On se limite très souvent à la marque recruteur alors que la marque employeur va au-delà. Qu’est-ce qui différencie une entreprise sur un marché ? Lorsque l’on souhaite recruter des profils très spécifiques, le candidat est en position de choix. La marque employeur a tout son sens dans ce processus de différenciation pour lui donner envie de rejoindre l’entité. L’entreprise doit communiquer sur ce qu’elle offre au collaborateur en termes de valeur, d’environnement de travail, de QVT, de RSE, de home office (télétravail), de bienveillance, etc. En sus des informations institutionnelles, ces éléments différenciants doivent être mis en avant sur le site carrière ou via des articles de presse ou des témoignages de collaborateurs diffusés sur les réseaux sociaux. L’ensemble doit permettre au candidat de se présenter à l’entretien en connaissance de cause.

La Quotidienne. Faire connaître et valoriser son entreprise, ses métiers, ses collaborateurs, ses techniques de recrutement et d’accompagnement des salariés pour attirer de nouveaux talents, fidéliser ses salariés et renforcer sa crédibilité dans son secteur… le marketing RH a-t-il évolué ces dernières années afin de satisfaire de nouveaux objectifs ?

I. L. S. On n’est pas dans une fonction de vente classique. Les techniques n’ont pas tellement changé mais on les adapte, on se les approprie. A ce jour, on est plus dans le qualitatif que dans le quantitatif, même s’il est intéressant, par exemple, de faire une analyse du taux de clic du site carrière, de voir à quel moment dans le parcours de recrutement on va perdre le candidat, etc., ceci afin d’améliorer son site.

Toutefois, avec la digitalisation, beaucoup de choses ont été dématérialisées et le marketing RH prend tout son sens pour accompagner et répondre aux besoins des collaborateurs qui ne sont pas à l’aise avec les outils numériques ou qui, de part leur métier, n’ont pas accès de manière imminente à internet. Il y a un rôle de pédagogie à tenir côté RSE pour ne laisser aucun collaborateur aux bords de la route.

La Quotidienne.Les réseaux sociaux sont un excellent canal pour assurer la promotion de la marque employeur. Comment concilier les actions de marketing et de communication RH avec la technique de l’employee advocacy (qui promeut les salariés en véritable ambassadeurs de leur entreprise et de la marque) ou encore le travail réalisé par le community manager ou, plus globalement, le plan d’actions mené par la direction de la communication ?

I. L. S. Selon sa taille, son secteur d’activité, il est important pour une entreprise, que ce soit par la voix de son DRH ou de son responsable diversité, de s’exprimer sur les sites jobboards, sur les sites classiques, sur les réseaux sociaux. La présence institutionnelle de l’entreprise est importante sur ces sites. Il faut montrer que l’entreprise est active dans tels ou tels domaines.

Selon l’organisation de l’entreprise, on confie la fonction de community manager à une personne des RH ou à une personne que l’on a sensibilisé et formé au sujet RH. Ce dernier doit répondre à toutes les questions, même celles qui fâchent, ne laisser aucun sujet en suspend et modérer. De même, on peut désigner des porte-paroles officiels ou des communautés de collaborateurs qui sont à l’aide avec les réseaux sociaux, sans oublier de leur rappeler de distinguer, notamment sur Twitter©, compte personnel/compte professionnel.

L’ensemble se doit d’être encadré, notamment avec les services juridiques, et nécessite de former les collaborateurs.

La Quotidienne. En terme d’organisation et de formation, qu’impose l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action marketing RH pour le service et le personnel RH ? Faut-il recruter un nouveau profil ou faire monter en compétence un des membres du service, avoir recours à une agence ou déléguer à la direction de la communication tout en gardant la « maîtrise d’ouvrage » ?

I. L. S. C’est le cœur du problème et les questions de territoires persistent entre ces deux directions dans certaines entreprises.

Si le DRH est reconnu comme un acteur majeur au sein de l’entité, qu’il siège au comité de direction et participe à la détermination de la stratégie, cela pose la personne, la fonction, et montre que le chef d’entreprise accorde de l’importance à la fonction RH et ne souhaite pas la cantonner dans ses fonctions basiques.

Toutefois, les deux directions peuvent travailler main dans la main, tout va dépendre de l’organisation de l’entreprise : le responsable de communication peut être rattaché aux RH. La matière RH demande des connaissances et la responsable communication ne les a pas forcément. Il peut en être de même côté RH concernant les acquis en marketing et en communication. On peut soit former une personne de la communication ou faire monter en compétences une personne des RH aux techniques de marketing et de communication. Il n’y a pas de raison de privilégier l’un ou l’autre, tout dépend de l’organisation interne et des questions budgétaires propres à chaque société. C’est aussi une question de sensibilité, les RH n’ont pas forcément envie de s’investir sur ces sujets car trop accaparées par leurs autres missions.

Je serai moins favorable à la délégation à une agence, sauf dans le cas d’un événement ponctuel ou pour assurer une importante campagne qui demande des ressources. Avec l’agence, on a moins de réactivité. Aujourd’hui les entreprises ont du mal à comprendre qu’on doit être réactif. On est encore trop souvent dans des process de validation. Il faut faire confiance et confier à une personne les bons éléments de discours afin qu’il puisse répondre rapidement.

Propos recueillispar Audrey TABUTEAU

Isabelle Lambert Sorin, consultante en communication et ressources humaines



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