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Parité femmes-hommes sur les listes de candidats : la Cour de cassation se prononce

Les listes de candidats aux élections professionnelles doivent désormais respecter une représentation équilibrée entre femmes et hommes. Pour la première fois, la Cour de cassation se prononce sur l’application de ces nouvelles dispositions.

Cass. soc. 9-5-2018 no 17-60.133 FS-PB ; Cass. soc. 9-5-2018 no 17-14.088 FS-PBRI


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Afin de renforcer la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les institutions représentatives du personnel, l'article 7 de la loi 2015-994 du 17 août 2015, dite loi Rebsamen, a prévu que, à compter du 1er janvier 2017, les listes comportant plusieurs candidats aux élections professionnelles doivent (C. trav. art. L 2314-24-1 ancien, al. 1 et L 2314-25 ancien, al. 3 et 4 (DP) et L 2324-22-1 ancien, al. 1 et L 2324-23 ancien, al. 3 et 4 (CE)) :

- être composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à leur part respective sur la liste électorale sous peine d'annulation de l'élection des candidats élus en surnombre ;

- présenter alternativement un candidat de chaque sexe sous peine d'annulation de l'élection des candidats élus dont le positionnement sur la liste est irrégulier.

Lorsque l'application de ces dispositions n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, ce nombre est arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 et à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 (C. trav. art. L 2314-24-1 ancien, al. 2 à 4 (DP) et L 2324-22-1 ancien, al. 2 à 4 (CE)).

Le Conseil constitutionnel a précisé que cette règle d’arrondi ne peut pas faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral (Cons. const. 19-1-2018 no 2017-686 QPC : RJS 3/18 no 202).

Avant l’entrée en vigueur de ces dispositions, l’obligation de parité n’était qu’une obligation de moyen, les organisations syndicales intéressées n’ayant qu’à examiner, lors de l'élaboration du protocole d'accord préélectoral, les voies et moyens permettant d'atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures (C. trav. art. R 2314-4 ancien (DP)).

Dans deux arrêts du 9 mai 2018, la Cour de cassation apporte des précision sinédites sur l’application de ces dispositions et la marge de liberté laissée aux organisations syndicales pour la constitution de leurs listes de candidats aux élections professionnelles.

A noter : étaient en cause dans ces arrêts des listes de candidats établies par des syndicats. Toutefois, les principes dégagés par la Cour de cassation ont, selon nous, vocation à s’appliquer également aux listes présentées au second tour qui ne sont pas forcément des listes syndicales. En effet, l’obligation légale de respecter la parité s’impose à toutes les listes.

L’exigence de parité est d’ordre public absolu

Dans la première affaire (no 17-60.133), les organisations syndicales s'étaient engagées, dans un protocole préélectoral signé le 30 janvier 2017, à rechercher les voies et les moyens permettant de parvenir le plus possible à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats, conformément au droit en vigueur avant le 1er janvier 2017.

Un syndicat demandait notamment l’annulation de l’élection, au sein du collège unique, d’une femme en qualité de suppléante. Il soutenait que cette dernière figurait en deuxième position sur la liste et que, en application de la règle légale d'alternance des candidats femmes et hommes, le candidat de sexe masculin aurait dû figurer en deuxième position. L’employeur, s’appuyant sur le fait que le protocole préélectoral avait été signé à l’unanimité des syndicats invités à sa négociation, contestait la recevabilité de cette demande.

Pour la Cour de cassation, les dispositions relatives au respect de la parité femmes/hommes sur les listes de candidats aux élections professionnelles sont d’ordre public absolu. Elle approuve donc le tribunal d’instance d’en avoir déduit que le syndicat était recevable à contester l'élection des candidats figurant sur les listes ne respectant pas ces dispositions, peu important à cet égard les dispositions du protocole préélectoral.

Il en résulte que la composition des listes au regard de la proportion de femmes et d'hommes dans l'entreprise ne peut faire l'objet d'aucun aménagement par les négociateurs du protocole préélectoral, fût-il unanime.

Le non-respect de la règle de l’alternance n’entraîne pas nécessairement l’annulation de l’élection

Si, toujours dans cette affaire, l’action du syndicat est jugée recevable, sa demande d’annulation de l’élection de la suppléante est toutefois rejetée.

Faisant preuve de pragmatisme, la Haute Juridiction décide en effet que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de la règle de l'alternance des candidats de chaque sexe entraîne l'annulation de l'élection de tout élu dont le positionnement ne respecte pas ces prescriptions, à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d'hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste aient été élus. Or, en l’espèce, si une candidate était mal positionnée sur la liste, tous les candidats figurant sur cette dernière avait été élus et cette liste respectait la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège unique. Le non-respect de la règle de l'alternance n'avait donc eu, dans ce contexte très particulier, aucun impact sur l'éligibilité du candidat du sexe sous-représenté.

Règles applicables aux candidatures individuelles

Dans la seconde affaire (no 17-14.088), un syndicat avait déposé, au sein du collège cadres, lors de l’élection de la délégation unique du personnel, une liste ne comportant qu’un seul candidat, de sexe masculin, alors que ce collège était composé de 77 % de femmes et de 23 % d'hommes et que deux sièges étaient à pourvoir.

L’employeur demandait l'annulation de l'élection de ce candidat. Considérant que la liste en question n'était pas soumise aux exigences de parité femmes/hommes car elle ne comportait qu’un unique candidat, le tribunal d’instance avait rejeté la demande. Il estimait en effet qu'il résultait expressément des dispositions de l'article L 2314-24-1 du Code du travail que, d'une part, celles-ci s'appliquaient aux listes de candidats et non aux sièges à pourvoir à l'issue des élections et que, d'autre part, elles n'avaient vocation à s'appliquer qu'aux listes comportant plusieurs candidats.

La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond. Selon elle, les listes présentées doivent être conformes aux exigences de parité femmes/hommes interprétées conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2018 précitée. Elle décide donc que, en l’espèce, deux postes étant à pourvoir, la liste devait nécessairement comporter deux candidats, une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré.

La note explicative mise en ligne sur le site de la Cour de cassation nous éclaire sur l’interprétation à donner à cette décision et le raisonnement suivi par la Haute Juridiction.

Elle explique notamment que la chambre sociale aurait pu choisir une autre option consistant à considérer que, le premier alinéa des anciens articles L 2314-24-1 et L 2324-22-1 ne renvoyant qu’au constat selon lequel, par hypothèse, la mixité ne peut s’appliquer qu’aux listes comportant plusieurs candidats, seule l’obligation pour la « liste » d’être représentative de la composition du corps électoral demeurait en cas de candidature unique. Autrement dit, le syndicat en question aurait pu présenter une « liste » comportant une unique candidature, à condition qu’il s’agisse en l’occurrence d’une femme. Une telle solution aurait présenté l’avantage de limiter l’atteinte au principe de la liberté de choix par les syndicats de leurs candidats constamment rappelé par la chambre sociale (Cass. soc. 19-3-1986 n° 85-60.439 P ; Cass. soc. 16-11-1993 n° 92-60.306 P : RJS 1/94 n° 58), qui a par ailleurs toujours admis la validité des candidatures uniques, y compris lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir au sein d’une instance collégiale et que cette admission des candidatures uniques aboutit à ce qu’un seul représentant soit élu au comité d’entreprise (Cass. soc. 17-12-1986 n° 86-60.278 P). Mais, dans ce cas, on pouvait redouter que la solution ne soit pas conforme à l’objectif de mixité voulu par le législateur, en particulier dans les entreprises et les secteurs professionnels dans lesquels les femmes sont minoritaires.

C’est pourquoi la Cour de cassation, prenant ses distances avec cette jurisprudence, a retenu une autre solution dans l’arrêt du 9 mai 2018. Il en résulte que, dès lors qu’il y a plusieurs sièges à pourvoir dans un collège mixte, il n’est pas possible de présenter des candidatures individuelles.

A notre avis : en pratique, cette solution pourrait poser des difficultés si le syndicat ne trouve pas suffisamment de candidats des deux sexes pour constituer une liste conforme ou pour les candidatures libres présentées au second tour qui étaient jusqu’à présent souvent individuelles.

La solution est transposable au CSE

Les dispositions imposant le respect de la parité femmes/hommes sur les listes de candidats aux élections du comité d’entreprise (CE) et des délégués du personnel (DP) ont été reprises par l’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017 pour l’élection du comité social et économique (CSE). Cette ordonnance a en outre expressément prévu que, lorsque l'application de l'arrondi conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe qui, à défaut, ne serait pas représenté, ce candidat ne pouvant pas être en première position sur la liste (C. trav. art. L 2314-30 et L 2314-32). Les solutions retenues dans les arrêts du 9 mai 2018 sont donc transposables à cette nouvelle instance.

A noter : des élections partielles doivent être organisées si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires est, tous collèges confondus, réduit de moitié ou plus, sauf si ces évènements interviennent moins de 6 mois avant le terme des mandats. Pour le CSE, contrairement à ce qui était prévu pour le CE et les DP (C. trav. art. L 2314-25 ancien, al. 3 et 4 (DP) et L 2324-23 ancien, al. 3 et 4 (CE)), l’employeur doit organiser ces élections même si les évènements le justifiant sont la conséquence de l'annulation des élections par le juge pour non-respect des dispositions sur la représentation équilibrée femmes/hommes (C. trav. art. L 2314-10).

Pour en savoir plus sur les règles relatives à l'élection du comité social et économique : Voir Mémento Social n° 8570 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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