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Enquête interne en vue de vérifier l’existence de faits fautifs : pas d’exigence de contradictoire

Il n'y pas lieu d'annuler l'avertissement notifié à une salariée dénoncée par ses collègues pour son comportement agressif au seul motif que l'enquête interne menée par l'employeur aux fins de vérifier ses fautes n'a pas été menée de manière à entendre l'intéressée sur tous les faits susceptibles de lui être reprochés, ni ne garde trace de la formulation des questions posées dans le cadre de cette enquête.

Cass. soc. 19-4-2023 n° 21-19.678 F-D, ADSEA c. C


Par Aliya BENKHALIFA
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©Gettyimages

Dans un arrêt du 19 avril 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur une enquête interne menée par l'employeur avant de notifier un avertissement à une salariée.

Dans cette affaire, les juges du fond ont constaté que l’employeur, qui reprochait à l’intéressée son refus de l'autorité, son comportement jugé agressif et le dénigrement de l'association, a produit trois courriers dénonçant ces agissements. Mais ils ont retenu que la salariée, qui avait été entendue avant d'autres membres du personnel, n'avait pas été interrogée sur les reproches qui lui étaient faits dans l'avertissement, et n'avait donc pas pu s'exprimer sur ce point. Ils ont ajouté que la rédaction du rapport d'enquête ne permettait pas de savoir quelles questions avaient été posées par la commission d'enquête et de quelle manière elles l'avaient été. Ils en ont conclu qu'il n'était pas établi que l'enquête ayant débouché sur l'avertissement avait été menée de manière équilibrée et contradictoire, ni que les faits généraux et imprécis dénoncés pouvaient valablement fonder l'avertissement. 

En jugeant ainsi, la cour d’appel a fait peser intégralement la charge de la preuve de la faute sur l’employeur et imposé de fortes contraintes procédurales au déroulement d’une enquête interne menée aux fins d’établir une faute du salarié.

La Cour de cassation censure cette décision et rappelle les termes de l'article L 1333-1 du Code du travail : en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.  

La Cour ajoute qu'en conséquence, le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, la salariée soit entendue sur les griefs susceptibles de lui être ultérieurement reprochés ni que le rapport d'enquête précise le contenu et la formulation des questions posées aux autres salariés, dès lors que les éléments dont l'employeur dispose pour fonder sa décision peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement. En outre, l’employeur avait produit d’autres éléments de preuve que ce rapport d’enquête, et la cour d’appel aurait dû apprécier la valeur probante de l'ensemble des éléments produits.

Précisons que la convention collective exige parfois certaines garanties procédurales en matière disciplinaire, qui s'imposent alors à l'employeur.

A noter :

La Haute Juridiction a déjà eu l'occasion de dire qu'une mesure d'enquête interne effectuée dans l'entreprise sans information préalable du salarié, à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement, ne constitue pas en soi un moyen de preuve clandestin et à ce titre déloyal, compte tenu du pouvoir de surveillance et de contrôle dont dispose l'employeur (Cass.soc. 17-3-2021 n° 18-25.597 FS-PI). Par ailleurs, le seul fait qu'une enquête ait été diligentée par un directeur des ressources humaines, sans concours des élus du personnel, ne dispense pas le juge d'en apprécier les mérites et d'examiner les éléments probants obtenus par ce moyen (Cass. soc. 1-6-2022 n° 20-22.058 F-D).

Enfin, en cas de licenciement d'un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits de harcèlement dénoncés par des salariés, peut être produit en justice pour justifier la faute imputée au salarié licencié ; il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties ; il n’y a pas lieu d’écarter le rapport d’enquête interne, comme l’avait fait la cour d’appel, aux motifs que tous les salariés n'avaient pas été entendus lors de l'enquête et que le CHSCT n'avait pas été informé ou saisi de cette mesure de contrôle (Cass. soc. 29-6-2022 n° 21-11.437 FS-B).

Documents et liens associés

Cass. soc. 19-4-2023 n° 21-19.678 F-D, ADSEA c. C

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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