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Imprévision : pas de révision d’un contrat d’édition même si le prix du papier et de l’énergie a flambé

Même si la forte hausse du prix du papier et de l’énergie rend excessivement onéreuse l’exécution d’un contrat de fourniture d'un périodique, la partie qui la subit ne peut pas demander la révision du contrat sans prouver qu’elle n’avait pas accepté ce risque.

T. com. Paris 15-11-2023 n° 2022026332, Sté du Figaro c/ SA de presse et d’édition du sud-ouest


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©Gettyimages

Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant ; à défaut d’accord entre les parties dans un délai raisonnable pour résoudre le contrat ou demander au juge de l’adapter, une des parties peut saisir le juge pour qu’il révise le contrat ou y mette fin (C. civ. art. 1195).  

Plusieurs groupes de presse quotidienne régionale (PQR) rompent en décembre 2022 les contrats qui les liaient depuis 2019 à une société de presse nationale qui leur fournissait un magazine de télévision. La société de presse nationale réclame une révision rétroactive du prix au 1er janvier 2022 sur le fondement du texte précité.

Le tribunal de commerce de Paris rejette sa demande, jugeant que les conditions de l’imprévision n'étaient pas cumulativement réunies, après avoir suivi le raisonnement suivant : 

- la demande était recevable dès lors, d’une part, qu’il n’était pas totalement exclu qu’avant de saisir le juge la société ait été animée d’une réelle intention de négocier la révision, même si elle avait d'abord tenté d’imposer les nouveaux tarifs à ses clients et, d’autre part, que, la demande portant sur la facturation de l’année 2022, année pendant laquelle les contrats étaient en vigueur, la résiliation de ceux-ci était sans incidence ;

- l’ampleur de l'augmentation du prix du papier (l’unité ayant augmenté de 505 € en décembre 2021 à 830 € en juillet 2022), du prix de l’énergie en raison de la guerre en Ukraine et l’évolution des comportements des consommateurs vis-à-vis de la presse écrite constituent des événements qui ne pouvaient pas être anticipés au moment de conclusion des contrats en 2019 ; en revanche, la société de presse ne pouvait pas utilement invoquer le départ simultané des groupes de presse régionale dès lors que celui-ci était envisageable : en effet, les contrats prévoyaient une faculté de résiliation anticipée au profit du cocontractant et ce départ simultané résultait directement du fait que la société de presse avait fait coïncider les dates d’échéance de chacun des contrats ;

- la hausse du coût du papier avait rendu l’exécution des contrats excessivement onéreuse pour la société de presse ; le commissaire aux comptes de celle-ci avait attesté d’une augmentation de prix, par rapport à 2021, de plus de 80 % (plus de 60 % sur le prix moyen) ; les excellents résultats de la société de presse pour 2022 ne remettaient pas en cause cette réalité, puisque seule l’exécution des contrats était ici concernée ;

- mais il n’était pas établi que la société de presse n’avait pas accepté de supporter les risques auxquels l’exposait la modification des circonstances ; les contrats comportaient une clause d’indexation qui avait manifestement fait l’objet de réglages minutieux (un index papier et un autre énergie répartis à hauteur de 50 % chacun) et qui avait joué son rôle ; c’est le départ des groupes qui avait empêché la société de répercuter sur ceux-ci les hausses de prix ; la société avait négligé d’insérer une clause de régularisation ou de rattrapage, lui permettant d’imputer aux clients qui la quittaient les hausses subies lors des derniers mois de la relation, et elle en subissait les conséquences.

A noter :

Ce jugement est intéressant en ce qu’il illustre les trois conditions principales de la mise en œuvre de de l’article 1195 du Code civil qui, on le rappelle, ne s’applique qu’aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016 (Ord. 2016-131 du 10-2-2016 art. 9).

C’est la première fois à notre connaissance qu’il est précisé que son application peut être demandée après la résiliation du contrat pour une période antérieure.

Documents et liens associés : 

T. com. Paris 15-11-2023 n° 2022026332, Sté du Figaro c/ SA de presse et d’édition du sud-ouest

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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