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Indemnisation du sous-traitant par le maître d'ouvrage faute de caution fournie par l'entrepreneur

Le maître d'ouvrage qui n'oblige pas l’entrepreneur principal à prouver qu'il a fourni une caution au sous-traitant peut être condamné à indemniser ce dernier des sommes que lui doit cet entrepreneur, même pour des travaux non validés par le maître d’ouvrage.

Cass. 3e civ. 7-3-2024 n° 22-23.309 FS-B, Sté Ineo Provence et Côte d’Azur c/ Sté Axyme


Par Pauline FLEURY
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©Getty Images

Dans le cadre d'un contrat de travaux de bâtiment, le maître d’ouvrage qui a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant qu’il n’a pas accepté doit mettre en demeure l’entrepreneur principal de lui présenter celui-ci et de lui faire agréer ses conditions de paiement. Si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées, ne bénéficie pas de la délégation de paiement de l’entrepreneur principal au maître d’ouvrage, ce dernier doit exiger de cet entrepreneur qu’il justifie avoir fourni une caution (Loi 75-1334 du 31-12-1975 art. 14-1).

Un sous-traitant peut rechercher la responsabilité extracontractuelle du maître d’ouvrage qui a violé ses obligations en matière de sous-traitance, en prouvant son préjudice, lequel s’apprécie, vient de préciser la Cour de cassation, en suivant le raisonnement suivant. 

Le manquement du maître de l'ouvrage qui, ayant eu connaissance de l'existence d'un sous-traitant sur un chantier, s'est abstenu de mettre en demeure l'entrepreneur principal de lui présenter le sous-traitant fait perdre à celui-ci le bénéfice de l'action directe. Le préjudice du sous-traitant s'apprécie donc au regard de ce que le maître d'ouvrage restait devoir à l'entrepreneur principal à la date à laquelle il a eu connaissance de la présence de celui-ci sur le chantier ou des sommes qui ont été versées à l'entrepreneur principal après cette date.

En revanche, lorsque le sous-traitant est agréé et que ses conditions de paiement ont été acceptées, le manquement du maître d’ouvrage à son obligation d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie, sauf délégation de paiement, d'avoir fourni une caution prive le sous-traitant du bénéfice du cautionnement ou de la délégation de paiement lui assurant le complet paiement du solde de ses travaux. En conséquence, le préjudice réparable est alors égal à la différence entre les sommes que le sous-traitant aurait dû recevoir s'il avait bénéficié d'une délégation de paiement ou du cautionnement de son marché et celles effectivement reçues.

En l'espèce, une cour d’appel avait exclu de l'indemnité accordée à un sous-traitant agréé et accepté, mais ne bénéficiant pas d’une garantie de paiement, le montant de travaux supplémentaires qui n’avaient pas été validés par le maître de l’ouvrage.

La Haute Juridiction censure cette décision : l’indemnisation devait en effet être déterminée par rapport aux sommes restant dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant, peu important que les travaux aient été acceptés ou non par le maître d’ouvrage, dès lors que ceux-ci avaient été confiés au sous-traitant pour l’exécution du marché principal.

A noter :

Le maître d’ouvrage est tenu de veiller à la mise en œuvre des mesures prévues par l'article 14-1 précité (délégation de paiement ou fourniture d’une caution par l'entrepreneur principal au sous-traitant) destinées à garantir au sous-traitant agréé et accepté le paiement de ses travaux. Dans le cas contraire, le sous-traitant peut engager la responsabilité extracontractuelle du maître d’ouvrage et obtenir des dommages-intérêts équivalents au coût des travaux exécutés (Cass. 3e civ. 18-2-2015 n° 14-10.604 FS-PB : BPIM 2/15 inf. 111). L'arrêt commenté s'inscrit dans la ligne de cette jurisprudence et précise que le sous-traitant n'a pas à établir que les travaux dont il demande paiement ont été acceptés par le maître d'ouvrage. Sa faute prive, en effet, le sous-traitant de garanties qui lui auraient assuré le complet paiement de ses travaux.

Cette situation doit être distinguée de celle du maître d'ouvrage qui a connaissance de l'existence d'un sous-traitant sur le chantier et qui manque à son obligation de mettre en demeure l'entrepreneur principal de le lui présenter. Dans ce cas, le préjudice du sous-traitant, privé d’action directe en paiement contre le maître de l'ouvrage, est à la mesure de ce que cette action lui aurait permis de recouvrer, c’est-à-dire les sommes que le maître de l’ouvrage restait devoir à l'entrepreneur principal au jour où il a eu connaissance de la présence du sous-traitant (Cass. 3e civ. 16-3-2023 n° 21-25.724 et n° 21-25.726 F-D) ou qui ont été versées à l'entrepreneur après cette date (Cass. 3e civ. 16-9-2003 n° 02-12.924).

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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