Le barème écarté par un juge départiteur…
Si le conseil de prud’hommes d’Agen n’est pas le premier à écarter l’application du barème (voir Cons. prud’h. Troyes 13-12-2018 n° 18/00036 ; CA Amiens 19-12-2018 n° 18/00040 ; CA Lyon 21-12-2018 n° 18/01238 ; CA Grenoble 18-1-2019 n° 18/00989 : voir La Quotidienne du 14 janvier 2019), sa décision doit être relevée car elle a été rendue en audience de départage, c’est-à-dire sous la présidence d’un juge professionnel. Elle est contraire à celle rendue par le conseil de prud’hommes de Caen (CA Caen 18-12-2018 n° 17/00193) qui, également présidé par un juge départiteur, a validé ce barème en se référant à la décision du Conseil constitutionnel rendue en la matière (Cons. const. 21-3-2018 n° 2018-761 DC).
…en raison de son inconventionnalité
Pour sa part, le juge agenais estime que ce référentiel n’est conforme ni à l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail, ni à l’article 24 de la charte sociale européenne.
Il relève qu’en l’espèce, la salariée, licenciée verbalement et brutalement, ne pouvait prétendre, compte tenu de son ancienneté inférieure à 2 ans et de l’effectif de l’entreprise inférieur à 11 salariés, qu’à une indemnité comprise entre 0,5 et 2 mois de salaire brut, en application du barème. Il considère que cette réparation est insuffisante, eu égard aux circonstances de la rupture du contrat de travail et au préjudice moral subi.
Il en conclut que le barème établi par l’article L 1235-3 du Code du travail ne permet pas dans tous les cas une indemnité adéquate ou une réparation appropriée, ne prévoyant pas des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice réellement subi, contrairement aux exigences posées par les textes précités. Il observe par ailleurs que les exceptions au plafonnement de l’indemnité, énumérées à l’article L 1235-3-1 du même Code concernent seulement les cas de discrimination ou de harcèlement et ne sont donc pas ici applicables.
Au final, le juge a décidé d’accorder à la salariée injustement licenciée une indemnité équivalant à 4 mois de salaire à titre de dommages-intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Gageons que la question de la conventionnalité du barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse continuera d’agiter les conseils de prud’hommes dans les prochains mois, en attendant les premières décisions de cours d’appel et le verdict de la Cour de cassation.
Pour en savoir plus sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse : voir Mémento Social nos 48710 s.