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PSE : comment apprécier les qualités professionnelles pour définir l’ordre des licenciements ?

Les résultats d’une évaluation professionnelle peuvent être pris en compte, dans le plan de sauvegarde de l’emploi, pour apprécier les qualités professionnelles des salariés afin de définir l’ordre des licenciements. L’administration doit vérifier que ce critère ne permet pas un ciblage des salariés dont le licenciement serait recherché.

CE 4e-1e ch. 31-10-2023 n° 456332, UES TUI France ; ; CE 4e-1e ch. 31-10-2023 n° 456091, Sté IOC Print


Par Laurence MECHIN
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©Gettyimages

Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou d’accord collectif de travail applicable, il définit la liste des critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements. Cette liste comprend au minimum les 4 critères légaux : charges de famille, ancienneté, situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile et qualités professionnelles appréciées par catégorie (C. trav. art. L 1233-5).

En cas de « grand » licenciement avec PSE, la liste des critères est soit négociée dans l’accord collectif majoritaire – auquel cas elle échappe au contrôle du Dreets – soit fixée par l’employeur dans le document unilatéral dont il demande l’homologation. C’est l’étendue du contrôle administratif sur ces critères et les éléments pouvant servir à apprécier celui des qualités professionnelles qui était au cœur de deux arrêts rendus par le Conseil d’État le 31 octobre 2023, qui seront publiés aux tables du recueil Lebon.

Le Dreets contrôle la prise en compte par le document unilatéral des critères d’ordre légaux…

Le Conseil d’État confirme une décision de 2017 par laquelle il a fixé les grandes lignes du contrôle du Dreets (CE 1-2-2017 n° 387886). Ce dernier doit, en premier lieu, vérifier que :

  • les 4 critères légaux sont pris en compte ;

  • aucun de ces critères n’est neutralisé, ce qui est par exemple le cas si l’un d’entre eux est affecté de la même pondération pour tous les salariés : cela revient à ignorer ce critère (Cass. soc. 26-2-2020 n° 17-18.136 FS-PB ).

… ainsi que la pertinence et la loyauté des éléments permettant la mise en œuvre de ces critères…

Pour le Conseil d’État, le Dreets doit s’assurer que les éléments pris en compte par l’employeur pour mettre en œuvre chaque critère répondent à 3 conditions. Ils ne doivent :

- ni être discriminatoires,

- ni être dépourvus de rapport avec l’objet même du critère,

- ni permettre le ciblage de certains salariés.

Pour effectuer ce contrôle, le Dreets prend notamment en compte les échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation du CSE, ainsi que les justifications objectives et vérifiables fournies par l'employeur.

… notamment pour l’appréciation des qualités professionnelles

L’exercice est particulièrement délicat s’agissant du critère des qualités professionnelles, dont l’article L 1233-5 du Code du travail précise qu’il peut être apprécié différemment par catégorie professionnelle. Ce critère est celui qui suscite le plus grand nombre de contentieux, parce qu’il est le plus subjectif. Le Dreets doit s’attacher à vérifier que les éléments retenus par l’employeur n'ont pas été définis dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou à leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

Les résultats d’une évaluation professionnelle peuvent être retenus …

Pour le Conseil d’État, les résultats d’un dispositif d’évaluation des salariés mis en place dans l’entreprise peuvent être exploités pour mettre en œuvre le critère des qualités professionnelles.

Le contrôle du Dreets porte sur la légalité des critères d’ordre retenus par l’employeur et sur leur pondération. Il ne lui incombe pas de rechercher la solution qu’aurait dû privilégier l’employeur, dans les circonstances de l’espèce. Mais, en pratique, si un système d’évaluation a été mis en place – ce qui n’est pas légalement obligatoire –, il permettra plus facilement à l’employeur de justifier de manière objective des performances des salariés.

A noter :

Le Conseil d’État a d’ailleurs approuvé une cour administrative d’appel ayant jugé que, dans une entreprise où un dispositif d’évaluation des performances des salariés avait été mis en place, l’employeur ne pouvait pas se dispenser de prendre en compte ses résultats et se baser uniquement sur le nombre d'absences injustifiées pour apprécier les qualités professionnelles des salariés (CE 22-5-2019 n° 418090).

… même pour des salariés qui n’auraient pas été évalués pendant la période de référence

Dans la première affaire (n° 456332), un système d’évaluation avait bien été mis en place dans l’entreprise. Mais certains salariés n’avaient pas été auditionnés au cours de la période de référence, soit en raison de leur faible ancienneté, soit parce qu’ils étaient en arrêt maladie ou en congés. Dès lors, l’employeur pouvait-il prendre en compte les évaluations effectuées pour apprécier le critère des qualités professionnelles ? Et, dans l’affirmative, sur quelle grille pouvait-il apprécier les qualités professionnelles des salariés non évalués ?

En l’espèce, l’employeur avait fait le choix de prendre en compte les comptes-rendus d’évaluation et d’affecter aux salariés non évalués un nombre de points correspondant à la moyenne des évaluations professionnelles des salariés de leur catégorie professionnelle.

Ce choix est approuvé par le juge. Cette grille appliquée à l’ensemble des salariés n’aboutissait pas à neutraliser le critère des qualités professionnelles, n’était pas discriminatoire et ne permettait pas un ciblage. Elle présentait, en outre, l’avantage de ne pas pénaliser les salariés en situation précaire.

A notre avis :

La solution retenue par l’employeur pourrait toutefois ne pas être valable si la proportion de salariés non évalués, et se voyant donc attribuer une note moyenne, était trop importante. Cela pourrait en effet être considéré comme neutralisant le critère.

Faute de dispositif d’évaluation, des critères subsidiaires peuvent être retenus

Dans la seconde affaire (n° 456091), la société était en liquidation judiciaire. C’est donc le liquidateur qui avait fixé les critères d’ordre des licenciements.

Pour apprécier les qualités professionnelles des salariés, il ne disposait pas de comptes-rendus récents d’évaluation professionnelle qu’il aurait pu exploiter. Il avait donc choisi deux paramètres d’appréciation, qu’il avait appliqué à toutes les catégories professionnelles :

  • les absences injustifiées des salariés au cours des 12 derniers mois, à raison de zéro point pour un nombre de jours d'absence injustifiée supérieur ou égal à 3 jours, 1 point pour un nombre de jours d'absence injustifiée d'1 à 3 jours, 2 points dans les autres cas ;

  • la détention d'un ou plusieurs certificats d'aptitude à la conduite en sécurité (également appelé « permis cariste »), à raison de 3 points pour les salariés titulaires d'un tel certificat.

Le deuxième critère, relatif à la détention du permis de conduire  « cariste », est invalidé. Cet élément était en effet sans rapport avec les fonctions afférentes à plusieurs des catégories professionnelles définies par le PSE. Il importait peu, à cet égard, que la détention d’un tel permis puisse correspondre aux besoins du repreneur de la société.

A notre avis :

Un complément de formation peut être un élément pris en compte pour apprécier les qualités professionnelles des salariés. Mais la formation en cause ne doit pas être dépourvue de tout lien avec la qualification évaluée. Ce critère était donc pertinent pour la catégorie des caristes, mais pas pour celle des fonctions support ou administratives, par exemple.

S’agissant de l’absentéisme, le Conseil d’État a déjà admis que, dans une entreprise dépourvue de système d’évaluation, l’appréciation des qualités professionnelles des salariés peut notamment se fonder sur le montant des primes d'assiduité versées, corrigé des variations liées aux motifs légaux d'absence (CE 22-5-2019 n° 413342).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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