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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Droit international privé

Déménagement de l’enfant et modification du droit de visite : renvoi à une juridiction mieux placée

Au titre du règlement Bruxelles II bis, la juridiction de l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant, compétente pour statuer sur la modification d’une décision relative au droit de visite, peut exercer la faculté de renvoi à une juridiction mieux placée.

CJUE 27-4-2023 aff. 372/22


Par David LAMBERT, Avocat à Paris
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©Gettyimages

Un couple ayant deux enfants mineurs vivait en France jusqu’en 2015, date à laquelle la famille a déménagé au Luxembourg. Le couple se sépare. Un juge luxembourgeois est saisi. Par jugement du 12 juin 2020, il fixe le domicile légal et la résidence habituelle des enfants chez leur mère, en France, avec effet différé au 31 août 2020 afin que les enfants terminent leur année scolaire au Luxembourg. Le même jugement accorde au père, résidant toujours au Luxembourg, un droit de visite et d’hébergement. La mère et les enfants déménagent effectivement en France le 30 août. Le 14 octobre 2020, le père saisit un tribunal luxembourgeois d’une demande de modification des modalités de son droit de visite et d’hébergement. La mère avait saisi six jours auparavant un tribunal français d’une demande ayant un objet analogue.

Conformément aux règles relatives à la litispendance, le tribunal luxembourgeois, saisi en second lieu, sursoit à statuer jusqu’à ce que la juridiction française saisie en premier se prononce sur sa compétence internationale. En première instance comme en appel, les juridictions françaises s’estiment incompétentes sur le fondement de l’article 9 du règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « règlement Bruxelles II bis ». Celui-ci prévoit en effet que, lorsqu'un enfant déménage légalement d'un État membre dans un autre et y acquiert une nouvelle résidence habituelle, les juridictions de l'État membre de l'ancienne résidence habituelle de l'enfant gardent leur compétence durant une période de trois mois suivant le déménagement pour modifier une décision concernant le droit de visite rendue dans cet État membre avant que l'enfant ait déménagé. Plusieurs conditions sont toutefois posées : que le titulaire du droit de visite en vertu de cette décision continue à résider habituellement dans l'État membre de l'ancienne résidence habituelle de l'enfant et que celui-ci n’ait pas accepté la compétence des tribunaux de la nouvelle résidence habituelle.

Le tribunal luxembourgeois s’interroge cependant sur l’applicabilité de cette disposition à l’espèce : la période de trois mois durant laquelle la compétence de l’ancienne résidence habituelle est maintenue débute-t-elle le jour suivant celui du déménagement effectif de cet enfant ou bien le jour suivant celui de la décision judiciaire ayant fixé la date du changement de résidence habituelle dudit enfant ? En l’espèce, la décision du tribunal ayant approuvé le changement de résidence des enfants est antérieure de plus de quatre mois à la demande du père, même si celle-ci a bien été formulée moins de trois mois après le déménagement effectif. Le tribunal luxembourgeois s’interroge par ailleurs sur la possibilité de recourir à la faculté de renvoi à une juridiction mieux placée ouverte par l’article 15 du règlement Bruxelles II bis, le père de l’enfant soutenant que l’article 9 est prioritaire sur celui-ci.

La Cour de justice répond à la première question que la période de trois mois débute le jour suivant celui du déménagement effectif de cet enfant, ainsi que cela ressort du libellé clair de l’article 9. Sur la seconde question, la Cour rappelle que la faculté de renvoi à l’initiative de la juridiction saisie au profit d’une juridiction qu’elle estime mieux placée est encadrée par une série de conditions posées par le texte, qui ont été précisées par la jurisprudence de la Cour, notamment son arrêt du 27 octobre 2016 : lien particulier de l’enfant avec cet État, intérêt supérieur de l’enfant, justification du fait que la juridiction de renvoi serait mieux placée (CJUE 27-10-2016 aff. 428/15). Par ailleurs, la Cour constate qu’il n’apparaît pas que les juridictions françaises soient compétentes dans l’affaire en vertu du règlement Bruxelles II bis. Or, il importe, comme l’a précisé la Cour (CJUE 4-10-2018 aff. 478/17), que la juridiction bénéficiant du renvoi soit normalement incompétente pour connaître du fond de l’affaire. Dès lors, la Cour estime que la juridiction de l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant, compétente pour statuer sur le fond au titre de l’article 9, peut exercer la faculté de renvoi prévue à l’article 15 du règlement au profit de la juridiction de l’État membre de la nouvelle résidence habituelle de cet enfant, pour autant que les conditions prévues à l’article 15 sont satisfaites.

A noter :

Comme le relève David Lambert, coauteur du Mémento Droit de la famille, le règlement Bruxelles II bis a été remplacé depuis le 1er août 2022 par le règlement 2019/1111 du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu'à l'enlèvement international d'enfants, dit « règlement Bruxelles II ter ». L’article 9 du règlement Bruxelles II bis a été repris sans modification de fond à l’article 8 du règlement Bruxelles II ter et la solution donnée pour calculer le délai de trois mois est donc transposable. La procédure de renvoi à une juridiction mieux placée est globalement reprise à l’article 12 du nouveau règlement mais avec un certain nombre de modifications, notamment lorsque le renvoi est, comme en l’espèce, à l’initiative de la juridiction. Ces modifications sont cependant sans impact sur la solution donnée par la CJUE sur l’articulation entre la règle relative au maintien de la compétence et la faculté de renvoi, et la solution donnée devrait donc être également transposée.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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