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Recours en révision contre la sentence arbitrale rendue dans l’affaire Adidas

La Cour de cassation confirme l’annulation de la sentence rendue dans l’affaire Adidas pour collusion frauduleuse entre un arbitre et l’une des parties à l’arbitrage, après avoir jugé que le recours est recevable car l’arbitrage était interne.

Cass. 1e civ. 30-6-2016 n° 15-13.755


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1. Dans un arrêt du 30 juin dernier, la Cour de cassation apporte deux précisions nouvelles en matière d'arbitrage.

Les faits de l'espèce

2. Un homme d’affaires donne mandat à une banque de vendre des titres de la société allemande Adidas détenus par une holding de droit allemand. Il recherche ensuite la responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations de mandataire, pour soutien abusif et rupture abusive de crédit. Après plusieurs décisions judiciaires, les parties signent un compromis prévoyant que l’ensemble des contentieux sera soumis à l’arbitrage de trois arbitres et que ceux-ci seront tenus de respecter l’autorité de la chose jugée des décisions de justice définitives rendues précédemment.

Un tribunal arbitral retient les fautes du mandataire et le condamne à payer des sommes très importantes au mandant, notamment pour préjudice moral.

La banque saisit alors la cour d’appel de Paris d’un recours en révision (qui permet de faire rétracter une décision pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit) en invoquant un  concert frauduleux entre l’un des arbitres et le mandant.

Le mandant fait valoir que le recours en révision devant la cour d’appel est irrecevable car l’arbitrage était international, l’exécution du mandat ayant conduit à une vente d’actions impliquant des transferts de valeurs de dimension internationale avec notamment l’achat de la société allemande par des sociétés de droit étranger, et conteste le caractère frauduleux de l’arbitrage.

Dans sa décision du 30 juin 2016, la Haute Juridiction se prononce sur la recevabilité du recours et sur son bien-fondé.

L’arbitrage était-il interne ou international ?

3. La Cour suprême déclare le recours en révision recevable après avoir déduit de l’argumentation suivante que l’arbitrage était interne : il faut se placer au moment du compromis pour déterminer le caractère de l’arbitrage ; les sociétés de droit étranger qui ont acquis les actions de la société allemande ont été mises hors de cause par une décision de justice rendue antérieurement et irrévocable ; en application du compromis d’arbitrage, les arbitres étaient tenus de respecter l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de justice, précédemment rendues, devenues irrévocables ; les arbitres ont été saisis, en premier lieu, de l’action en responsabilité exercée par un mandant français contre une banque française, pour violation de l’obligation de loyauté et de l’interdiction pour un mandataire de se porter contrepartie, en deuxième lieu, de l’action en responsabilité contre la banque pour soutien abusif et rupture abusive de crédits.

Les litiges ne portaient donc plus que sur des opérations qui se dénouaient économiquement en France, et ne mettaient plus en cause des intérêts du commerce international.

4. Est international l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international (CPC art. 1504 ;  ex-art. 1492).

Il résulte d'une jurisprudence constante que le caractère international de l’arbitrage se déduit de la seule existence d'un transfert de biens, de services ou de fonds à travers des frontières (Cass. 1e civ. 30-3-2004 n° 554 : RJDA 12/04 n° 1406 ; Cass. 1e civ. 13-3-2007 n° 04-10.970 : RJDA 3/08 n° 346 ; Cass. 1e civ. 26-1-2011 n° 09-10.198 : RJDA 7/11 n° 663) et qu’il ne dépend donc pas de la qualité ou de la nationalité des parties, encore moins de leur volonté (Cass. 1e civ. 20-11-2013 n° 12-25.266 : RJDA 3/14 n° 287).

C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour suprême précise le moment où il faut se placer pour apprécier le caractère international de l’arbitrage : en cas de disparition de l’élément d’extranéité au moment où les parties décident de faire trancher leur litige par un arbitre, l’arbitrage doit être considéré comme interne. En l’espèce, si le litige portait au départ sur la cession de parts de la société allemande Adidas, le litige avait évolué et, arrivé devant le tribunal arbitral, il avait été restreint aux conditions d’exécution du mandat de vente passé entre deux Français et n’ayant plus aucune répercussion à l’étranger.

Il y a bien eu fraude

5. Le recours en révision est déclaré fondé car la fraude est établie.

En effet, précise la Cour de cassation, l’occultation par un arbitre des circonstances susceptibles de provoquer, dans l’esprit des parties, un doute raisonnable quant à son impartialité et à son indépendance, dans le but de favoriser l’une des parties, constitue une fraude rendant possible la rétractation de la sentence arbitrale dès lors que cette décision a été surprise par le concert frauduleux existant entre l’arbitre et cette partie ou les conseils de celle-ci.

En l’espèce, la décision du tribunal arbitral a été surprise par la fraude commise par l’un des trois arbitres, de connivence avec la partie au profit de qui elle avait été rendue (le mandant) : 

- il résulte du contenu des échanges intervenus entre les arbitres au cours du délibéré que l’un des arbitres et l’avocat du mandant ont, pour dissimuler à l’autre partie la réalité de leurs relations antérieures, usé de manœuvres dolosives, et qu’ils ont caché l’existence des liens personnels anciens, étroits et répétés entre cet arbitre et le mandant ;

- cette dissimulation participait de l’accomplissement du dessein, ourdi par l’arbitre, de concert avec le mandant et son représentant, de favoriser, au cours de l’arbitrage, les intérêts du mandant ;

- au cours de la procédure, l’arbitre, de concert avec le mandant  et son conseil, s’est employé, à seule fin d’orienter la solution de l’arbitrage dans un sens favorable aux intérêts de la partie qu’il entendait avantager, à exercer un rôle prépondérant au sein du tribunal arbitral et à marginaliser ses coarbitres.

6. L’arrêt commenté précise explicitement, pour la première fois à notre connaissance, que l’occultation par l’arbitre des liens existant entre lui et l’une des parties à l’arbitrage ou son conseil ne suffit pas à établir l’existence d’une fraude. Encore faut-il que soit démontrée la volonté de favoriser l’une des parties, la collusion de l’arbitre avec la partie gagnante ou le conseil de celle-ci.

Sophie CLAUDE-FENDT

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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