Droit pénal général
Attentat de Karachi : prescription des faits poursuivis sous la qualification d’homicides et blessures involontaires
Dans l’affaire de l’attentat de Karachi (mai 2002), la chambre criminelle admet que les infractions d’homicides et blessures involontaires, reprochées au directeur du projet du sous-marin sur lequel travaillaient les victimes et au chef du site, sont prescrites.
Ils avaient été mis en examen en 2022, après une plainte avec constitution de partie civile déposée en 2012. La Cour rejette l’argument de la connexité des infractions involontaires (absence ou insuffisance des mesures de sécurité prises par l’employeur des victimes) et d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste. En effet, si les deux infractions sont liées par une unité de temps – les deux ayant été consommées par les blessures ou la mort des victimes –, elles n’ont pas été commises par les mêmes personnes et ne se sont pas inscrites dans une communauté de dessein ou de conception. (Crim. 15-10-2024, n° 23-83.578, FS-D)
Application en Polynésie française des réformes relatives à la prescription de l’action publique
L'exception d'aggravation de la situation de la personne intéressée, abrogée par l'article 72 de la loi du 9 mars 2004, applicable en Polynésie française à compter du 5 juin 2016 conformément à l'article 711-1 du code pénal, ne peut être retenue pour écarter l'application de l'article 8 du code de procédure pénale modifié par la loi du 27 février 2017, également applicable en Polynésie française, dès lors que la prescription n’était pas acquise à cette date. (Crim. 22-10-2024, n° 23-81.902, F-B)
Droit pénal spécial
Adaptation de la législation sur les marchés de crypto-actifs aux règles européennes
Les dispositions du code monétaire et financier sont modifiées en vue de l’entrée en application du règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, à partir du 30 décembre 2024. L’article L. 572-27 du code monétaire et financier punit de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 € d'amende le fait, pour toute personne procédant à une offre au public ou demandant l'admission à la négociation de jetons se référant à un ou des actifs, de méconnaître les exigences prévues par l'article 16 du règlement précité. (Ord. n° 2024-936 du 15-10-2024 relative aux marchés de crypto-actifs)
Escroquerie au faux conseiller bancaire : le client n’est pas en faute !
Aucune négligence grave au sens de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier ne peut être imputée au titulaire d'un compte qui se fait piéger au téléphone par une personne se faisant passer pour un conseiller bancaire (technique du spoofing téléphonique, pouvant notamment inclure l'affichage du véritable numéro de la banque) et, par exemple, utilise à la demande de ce dernier le dispositif de sécurité personnalisé pour supprimer puis réinscrire des bénéficiaires de virements dans le but d'éviter des opérations malveillantes. En conséquence, le client a le droit d’être remboursé par sa banque des virements frauduleux. (Com. 23-10-2024, n° 23-16.267, FS-B)
Procédure pénale
Le livreur et le mémoire en cassation
Le fait que le livreur d’une entreprise de messagerie chargée d'acheminer à la Cour de cassation le mémoire contenant les moyens de cassation du procureur général se soit présenté à une mauvaise adresse, ait fait retour du pli à l’expéditeur, de sorte que le mémoire n’est parvenu au greffe de la Cour qu’hors délai, constitue une circonstance insurmontable ayant mis le ministère public dans l'impossibilité de faire déposer son mémoire dans le délai d'un mois prescrit par l'article 585-2 du code de procédure pénale (recevabilité du mémoire). (Crim. 22-10-2024, n° 23-81.902, F-B, préc.)
Finalité(s) de l’exploitation des données de connexion
L'accès aux données de trafic et de localisation d'une personne mise en examen pour des infractions relevant de la criminalité grave, afin de vérifier le respect de ses obligations de contrôle judiciaire, participe de la poursuite desdites infractions au sens du droit de l’Union européenne (en l’occurrence l'art. 15 de la directive 2002/58 du Parlement européen et du Conseil du 12 juill. 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques), dès lors que de telles mesures sont prononcées en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté. Ces données peuvent donc être exploitées dans cette optique. (Crim. 22-10-2024, n° 24-81.322, F-B)
Interception téléphonique : compétence des APJ en enquête préliminaire
Au cours d'une enquête préliminaire, l'article 100-3 du code de procédure pénale tel qu’issu de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023, auquel renvoie expressément et sans réserve l'article 706-95 du même code, permet à l'agent de police judiciaire (APJ), sous le contrôle d'un officier de police judiciaire (OPJ), de requérir tout agent qualifié d'un exploitant de réseau ou fournisseur de services de communications électroniques autorisé, en vue de procéder à l'installation d'un dispositif d'interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques.
L’effectivité du contrôle - dont, au demeurant, aucune disposition légale ne précise les modalités - peut résulter des procès-verbaux de constatations, retranscriptions ou synthèses établis par des OPJ. (Crim. 22-10-2024, n° 24-81.301, F-B)
Pas de perquisition sans fouille ou saisie
Le transport d’un juge d’instruction, accompagné par le bâtonnier, au domicile d’un avocat pour effectuer toutes constatations utiles (en l’espèce, prendre des photographies et établir un plan des lieux), sans procéder à aucune fouille ou saisie, ne constitue pas une perquisition et ne rentre pas dans le champ de l’article 56-1 du code de procédure pénale. (Crim. 23-10-2024, n° 24-81.321, FS-B)
Impossibilité de revenir, à l’audience, sur la limitation de l’appel aux peines prononcées en matière criminelle
Un accusé qui a interjeté appel de la décision de la cour d’assises de première instance, en limitant cet appel aux peines prononcées, ne peut revenir sur cette limitation à l’audience de la cour d’assises statuant en appel.
En effet, l'article 380-2-1 A du code de procédure pénale ne prévoit pas, en matière criminelle, de dispositions semblables à celles qui sont énoncées, en matière correctionnelle, par l'article 509, alinéa 2, du même code selon lesquelles le prévenu peut revenir, à l'audience, sur la limitation de son appel aux peines prononcées, lorsque cette dernière n'a pas été faite par l'avocat du prévenu ou par ce dernier, en présence de son avocat.
Cette distinction résulte des spécificités de la procédure applicable devant la cour d’assises statuant en appel : en ce cas, notamment, seuls sont entendus les témoins et experts dont la déposition est nécessaire afin d'éclairer les assesseurs et les jurés sur les faits commis et la personnalité de l'accusé, sans que soient entendues les personnes dont la déposition ne serait utile que pour établir sa culpabilité. (Crim. 23-10-2024, n° 24-80.331, F-B)
Peine et exécution des peines
Mesure de sûreté en cas d’irresponsabilité pénale : prononcé de l’interdiction de paraître au domicile
Lorsqu'une juridiction prononce une décision de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner à l'encontre de la personne, pendant une durée qu'elle fixe et qui ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle, des mesures de sûreté, notamment l'interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné (C. pr. pén., art. 706-136). Une interdiction de paraître à son domicile peut ainsi être prononcée, à condition toutefois qu’une telle ingérence dans l'exercice du droit au respect de son domicile ainsi que de sa vie privée et familiale, prévu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, soit nécessaire et proportionnée. Il appartient au juge de contrôler ce dernier point lorsque cette garantie est invoquée, notamment en prenant en considération les circonstances de commission des faits, leur gravité, le risque de réitération et la situation personnelle de l'intéressé. (Crim. 23-10-2024, n° 23-86.670, F-B)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal