Droit pénal général
Cumul des qualifications d'association de malfaiteurs et d'infractions à la législation sur les stupéfiants
Il résulte des articles 222-36, 222-37 et 450-1 du code pénal que les délits d'association de malfaiteurs et d'infractions à la législation sur les stupéfiants peuvent être retenus à l'encontre de la même personne pour les mêmes faits. En effet, le délit d'association de malfaiteurs, qui réprime la participation à un groupement établi en vue de la commission d'infractions, n'est pas un élément constitutif ni une circonstance aggravante des infractions à la législation sur les stupéfiants ; la consommation de l'infraction préparée par un tel groupement n'est pas un élément constitutif ni une circonstance aggravante du délit d'association de malfaiteurs et aucune de ces qualifications n'incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction.
Dès lors, au visa du principe ne bis in idem, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel qui ne pouvait pas relaxer le prévenu du chef d’association de malfaiteurs, sauf à constater que les éléments constitutifs de cette infraction n'étaient pas réunis. (Crim. 18-06-2025, n° 24-84.803, FP-B)
Justice
Publication de la loi « Narcotrafic »
La loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic est parue au Journal officiel du 14 juin. Le texte prévoit notamment la création d’un parquet national anticriminalité organisée, sur le modèle du PNF (financier) et du PNAT (anti-terroriste) (C. pr. pén., art. 706-74-2). Il entrera en fonction le 1er janvier 2026.
La lutte contre le blanchiment est facilitée avec la possibilité offerte au préfet de fermer temporairement des commerces soupçonnés de blanchir l'argent de la drogue (CSI, art. L. 333-2). Participant au renforcement de la répression pénale du narcotrafic, le nouveau délit de concours à une organisation criminelle est puni de 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (C. pén., art. 450-1-1).
Le statut de repenti est révisé afin d’encourager les dénonciations, tout comme la création d’un statut de collaborateur de justice (C. pr. pén., art. 706-63-1 A s.). La création d’un « dossier coffre » permet de ne pas divulguer aux parties trop d’informations relatives à la mise en œuvre d’une technique spéciale d’enquête (C. pr. pén., art 706-104 s.).
Sur le plan pénitentiaire, des quartiers de lutte contre la criminalité organisée sont créés dans les prisons, afin d’y limiter les trafics. Un régime strict de détention s’y appliquera (C. pénit., art. L. 224-5).
L’essentiel de la loi a été validé par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 12-06-2025, n° 2025-885 DC), qui en a cependant censuré totalement ou partiellement six articles (traitement algorithmique des URL, aggravation des peines de privation de liberté en cas de port d’arme lors de la commission de certains crimes et délits…) et a formulé plusieurs réserves d’interprétation (dispositifs d’activation à distance, régime des fouilles intégrales systématiques dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée…). (L. n° 2025-582 du 13-06-2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic)
Procédure pénale
Inopposabilité du mandat pour porter plainte et se constituer partie civile
Les clients d’une société ne peuvent valablement mandater celle-ci pour déposer plainte et se constituer partie civile en leur nom. En effet, sauf exceptions légales, le droit de porter plainte et de se constituer partie civile est une prérogative que l'article 85 du code de procédure pénale réserve à la seule personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit. (Crim. 17-06-2025, n° 24-82.593, F-B)
Captation de données informatiques : pose et données captées à l’étranger
Le juge d’instruction peut autoriser le recours à la captation de données informatiques sans mention expresse des modalités de pose (en l’espèce, la transmission du dispositif par un réseau de communications électroniques). L’ordonnance du magistrat, en donnant mission au service commis de requérir une unité ou un organisme en vue de procéder à l'installation, l'entretien et le retrait du dispositif technique dans les formes prévues par les dispositions de l'article 706-102-5 du code de procédure pénale, qui liste les différentes modalités de pose possible, suffisait ici à établir que c’est sur son autorisation et sous son contrôle et son autorité que les enquêteurs ont procédé à l'installation du dispositif technique.
De plus, la chambre criminelle précise que le simple transit des données par le réseau d’un opérateur d’un Etat étranger, dans le cadre d’une captation des données informatiques, ne caractérise pas une atteinte à la souveraineté de cet Etat, de sorte qu'il n'y a pas lieu de requérir l'autorisation de ce dernier. En l’espèce, le téléphone, objet de la mesure, avait été transporté à l’étranger et les données captées par l’opérateur étranger avaient été, sans l'assistance technique des pays, transmises vers le territoire national.
Néanmoins, une mesure liée à l'infiltration d'appareils terminaux visant à extraire des données de communication, de trafic et de localisation, à partir d'un service de communication fondé sur l'internet, s'assimile à une mesure d'interception de télécommunications. Aussi doit-elle donner lieu à notification à l'autorité compétente de l'Etat membre concerné, en cas d’interception de télécommunications dans le cadre d’une enquête européenne en matière pénale. (Crim. 17-06-2025, n° 24-87.110, FS-B)
Conditions de validité du réquisitoire introductif du procureur de la République
Le procureur de la République qui, à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile, se contente d’apposer au pied de l’ordonnance de soit-communiqué du juge d’instruction la mention « s’en rapporte, la constitution de partie civile est effectivement recevable » n’a pas valablement rendu un réquisitoire introductif saisissant ce juge conformément aux articles 80 et 86 du code de procédure pénale, même si ce document est daté et signé. (Crim. 17-06-2025, n° 24-87.024, F-B)
Irrecevabilité du pourvoi formé contre un jugement susceptible d’appel
La Cour de cassation déclare le pourvoi irrecevable car le jugement attaqué, rendu par le tribunal de police, était susceptible d’appel. Elle précise que dans tous les cas où la loi n’a pas expressément attribué à une juridiction le pouvoir de statuer en dernier ressort, la faculté d’appel subsiste à l’égard de ses décisions. La procédure des articles 530-2 et 711 du code de procédure pénale attribuant au tribunal de police la connaissance des incidents contentieux relatifs à l’exécution d’un titre exécutoire ne déroge pas à ce principe. (Crim. 17-06-2025, n° 24-83.104, F-B)
Cour d'assises des mineurs : irrecevabilité des moyens de nullité soulevés en cassation
En application des articles 305-1 et 599, alinéa 2, du code de procédure pénale, applicables devant la cour d’assise des mineurs, les accusés ne sont pas recevables à contester pour la première fois devant la Cour de cassation la régularité de la composition de la cour d'assises des mineurs. Les moyens de nullité, y compris ceux tirés d'une irrégularité de la composition de la cour, doivent être soulevés avant l'ouverture des débats. (Crim. 18-06-2025, n° 24-83.318, FS-B)
Termes d’un arrêt du Conseil d’État et présomption d’innocence
La Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur la requête d’un élu marseillais relative à un arrêt du Conseil d’État ayant prononcé à son encontre une sanction d’inéligibilité, en lien avec des élections municipales tenues en 2020. Le requérant contestait l’évocation par le Conseil, à l’indicatif et de manière affirmative, de l’accomplissement par lui de « manœuvres présentant un caractère frauduleux ayant pour objet de porter atteinte à la sincérité du scrutin », ce au mépris de son droit au respect de la présomption d’innocence (Conv. EDH, art. 6 §2). Il affirmait du reste que la sanction d’inéligibilité était fondée exclusivement sur le rapport de synthèse d’une enquête pénale en cours, dans le cadre de laquelle il n’était pas (encore) formellement poursuivi.
La CEDH retient toutefois que la qualification précitée des agissements du requérant relevait de l’office du Conseil d’État en tant que juge électoral. Et selon la Cour, cette qualification n’a pas imputé à l’intéressé la responsabilité pénale et/ou reflété le sentiment qu’il était coupable au regard de la norme régissant la responsabilité pénale, au sens de l’article L. 111 du code électoral relatif au délit pour lequel il était pénalement poursuivi. L’article 6 §2 de la Convention européenne des droits de l’homme n’a donc pas été violé. (CEDH 19-06-2025, n° 32324/22, Ravier c. France)
Peine et exécution des peines
Effets de la réhabilitation légale sur les peines complémentaires prononcées à titre définitif avant 2015
Avant l'entrée en vigueur de l’article 13 de la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012, le 1er janvier 2015, la réhabilitation de plein droit de la peine principale d'emprisonnement à l'issue du délai de dix ans prévue à l'article 133-13 du code pénal, à compter de l'exécution de cette peine ou de la prescription accomplie, produisait effet à l'égard de toutes les peines résultant de la condamnation, dont les interdictions définitives prononcées à titre de peines complémentaires.
L’article 133-16 du code pénal prévoit désormais que la réhabilitation ne produit ses effets qu'à l'issue d'un délai de quarante ans à compter de l'exécution de cette peine, ou de la prescription accomplie lorsqu'a été prononcée, comme peine complémentaire, une interdiction, incapacité ou déchéance à titre définitif. (Crim. 18-06-2025, n° 24-83.318, FS-B)
Précisions sur la compétence de la juridiction d’application des peines en matière de terrorisme
Un homme condamné par la Cour d’assises de Paris spécialement composée en matière de terrorisme à 6 ans d’emprisonnement pour faits connexes à une infraction terroriste forme une demande de permission de sortir transmise au juge de l’application des peines (JAP) de Paris compétent en matière de terrorisme. Ce dernier rend une ordonnance déclarant son incompétence pour connaître de cette situation. La chambre d’application des peines considère que la compétence des juridictions spécialisées pour les infractions connexes à des faits de terrorisme ne s’étend pas à l’exécution de la peine, qui n’assure pas le suivi d’une affaire déterminée mais le suivi individuel d’une personne condamnée. La Cour de cassation casse cette décision et répond que la juridiction d’application des peines spécialisée en matière de terrorisme est compétente à l’égard de toutes les personnes condamnées par les juridictions du même nom, même en raison de faits connexes à des infractions terroristes. (Crim. 18-06-2025, n° 24-83.671, F-B)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal