Le délai d’instruction d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est de deux mois à compter de sa réception par le titulaire du droit de préemption (C. urb. art. L 213-2). Ces dispositions visent à ce que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l’objet d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) sachent de façon certaine et dans de brefs délais s’ils peuvent ou non poursuivre la vente envisagée. Elles constituent donc pour eux une garantie.
Dans l’arrêt commenté, la commune de Cergy réceptionne une DIA concernant la vente d’un terrain et adresse à la société demanderesse une demande de précisions visant à rectifier des incohérences. Selon elle, la DIA mentionne un « bien bâti » alors que la promesse de vente annexée fait référence à un « terrain nu ». La DIA est rectifiée et la commune exerce son droit de préemption après l’expiration du délai de deux mois. La société bénéficiaire de la promesse de vente demande au juge des référés du Tribunal administratif de Cergy la suspension de cette décision au motif qu’elle est tardive. La commune soutient que la DIA contenait une erreur substantielle de nature à interrompre le délai d’instruction de deux mois. La demande est rejetée et la société se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État précise qu’il convient de distinguer deux situations ayant une incidence sur le délai d’instruction d’une DIA.
Le délai d’instruction peut être suspendu dans le cas où la DIA est incomplète. Le titulaire du droit de préemption adresse au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. À réception par le propriétaire, le délai est suspendu. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision (C. urb. art. L 213-2).
En revanche, dans l’hypothèse où la DIA est irrégulière, c’est-à-dire entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation, le délai de deux mois est prorogé. Il ne court qu’à compter de la réception par le titulaire du droit de préemption d’une déclaration rectifiée.
La Haute Juridiction précise enfin que lorsque le titulaire du droit de préemption a décidé de renoncer à l’exercice du droit de préemption, que ce soit par l’effet de l’expiration du délai de deux mois, le cas échéant suspendu ou prorogé, ou par une décision explicite prise avant l’expiration de ce délai, il se trouve dessaisi. Il ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement exercer son droit de préemption. Si la cession est intervenue et s’il estime que la déclaration préalable sur la base de laquelle il a pris sa décision était entachée de lacunes substantielles de nature à entraîner la nullité de la cession, il lui est loisible de saisir le juge judiciaire d’une action à cette fin.
En l’espèce, le Conseil d’État juge que la DIA initiale contenait en annexe la promesse de vente qui précisait que le bâtiment vendu était endommagé mais que le vendeur s'engageait à le démolir à ses frais et à livrer pour le prix convenu un terrain nu de toute construction. Il en déduit que la DIA n'est entachée d'aucune erreur substantielle quant à la consistance du bien objet de la vente : le délai de deux mois ouvert à la commune pour exercer son droit de préemption n'avait donc pas pu être prorogé.
Le Conseil d’État annule l’ordonnance de référé.
A noter :
Les textes étant restés longtemps silencieux sur les possibilités de suspendre ou de proroger le délai d’instruction d’une DIA, le Conseil d’État a régulièrement appliqué la jurisprudence Finadev qui admettait une prorogation du délai d’instruction en présence d’une demande de précisions sur une DIA incomplète ou irrégulière (CE 24-7-2009 n° 316158, Sté Finadev : BPIM 5/09 inf. 352).
À l’occasion de l’arrêt commenté, la Haute Juridiction actualise sa jurisprudence eu égard aux dispositions intégrées dans le Code de l’urbanisme par la loi Alur du 24 mars 2014. Elle revient sur la prorogation du délai d’instruction qu’elle avait envisagé dans le cas d’une DIA incomplète et applique la procédure fixée par l’article L 213-2 du Code de l’urbanisme. Ainsi, lorsque le titulaire du droit de préemption adresse au propriétaire une demande unique de communication des documents selon la liste des pièces complémentaires éligibles (C. urb. art. R 213-7), le délai d’instruction est suspendu jusqu’à réception de la déclaration complétée. En revanche, dans l’hypothèse d’une DIA irrégulière, elle maintient la prorogation. Le délai d’instruction s’interrompt et repart de zéro à réception des pièces rectifiées.
Dans ses conclusions, le rapporteur public, Monsieur Thomas Janicot, explique « qu’il y a une différence de nature entre un document manquant et une erreur d’une gravité telle qu’elle ne permet pas de regarder l’administration comme saisie d’un projet de vente et qui justifie de faire courir le délai de deux mois à compter de la DIA corrigée ».







