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Crédit immobilier : réforme de l’assurance emprunteur

La loi du 28 février 2022 modifie le régime de l’assurance emprunteur en permettant à l’emprunteur de résilier son contrat d’assurance à tout moment, en imposant davantage de transparence au prêteur et à l’assureur et en renforçant le droit à l’oubli des anciens malades.

Loi 2022-270 du 28-2-2022 : JO 1-3 texte n° 4


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©Gettyimages

Les banques conditionnent généralement l’octroi d’un prêt immobilier à la souscription d’une assurance destinée à garantir le remboursement du prêt en cas de chômage, d’invalidité ou de décès de l’emprunteur. Cette assurance est souvent souscrite directement auprès du prêteur, qui propose à l’emprunteur d’adhérer à un contrat d’assurance collective (on parle de « contrat d’assurance groupe »). L’emprunteur peut cependant choisir un autre contrat d’assurance, y compris auprès d’un autre assureur, ou en changer en cours de prêt.

En pratique, il est pour le moment très difficile pour l’emprunteur d’exercer son droit de changer d’assurance puisqu’il est confronté à de nombreux obstacles, résultant à la fois de la lourdeur du processus mis en place par la loi et de la force d’inertie des banques : manque d’information sur l’exercice de ce droit, délais de traitement anormalement longs, réponses lacunaires ou refus de changement non suffisamment motivés (Rapport AN n° 4699 relatif à la loi 2022-270 p. 10 et 11).

La loi du 28 février 2022, dite « loi Lemoine », modifie certaines dispositions du Code des assurances, du Code de la santé publique et du Code de la consommation pour rendre le régime de l’assurance emprunteur plus souple et plus lisible pour l’emprunteur.

Elle s’articule autour de trois grands axes : simplification des modalités de résiliation du contrat d’assurance, obligation d’information renforcée à la charge de l’assureur et du prêteur et modification des conditions d’application du droit à l’oubli.

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La faculté de résiliation du contrat d’assurance simplifiée  

Les mesures ci-dessous seront applicables aux offres de prêt émises à compter du 1er juin 2022 (Loi 2022-270 art. 8, I). Pour les contrats d’assurance en cours d’exécution à cette date, ces mesures s’appliqueront à compter du 1er septembre 2022 (art. 8, II).

Possibilité de résilier le contrat à tout moment

L’emprunteur peut, on le rappelle, résilier le contrat d’assurance souscrit par l’intermédiaire du prêteur et lui substituer un autre contrat :

La loi 2022-270 élargit le droit de résiliation de l’emprunteur en lui permettant de mettre fin à son contrat à tout moment après la signature de l’offre de prêt (C. ass. art. L 113-12-2, al. 1 modifié).

Notification libre de la demande de résiliation

Actuellement, l’emprunteur qui souhaite exercer son droit de résiliation au cours de la première année du contrat d’assurance doit notifier à l’assureur sa demande de résiliation par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, au plus tard 15 jours avant le terme de la période de 12 mois (C. ass. art. L 113-12-2, al. 1).

A compter du 1er juin 2022, l’emprunteur aura le choix d’effectuer cette notification, à tout moment, par lettre ou tout autre support durable, par déclaration faite au siège social ou chez le représentant de l’assureur, par acte extrajudiciaire, par un mode de communication à distance si l’assureur a proposé la conclusion du contrat via ce mode ou par tout autre moyen prévu au contrat (C. ass. art. L 113-12-2, al. 1 modifié et, sur renvoi, art. L 113-14).

Les modalités de notification à l’assureur de la décision du prêteur d’accepter ou de refuser la substitution d’assurance proposée par l’emprunteur restent inchangées : elle continuera à se faire par recommandé postal ou électronique (art. L 113-12-2, al. 1).

Encadrement de la décision du prêteur

Que l’emprunteur demande un changement d’assurance avant la signature de l’offre de prêt ou après (dans le cadre de l’exercice de son droit de résiliation), le prêteur est contraint d’accepter si le contrat choisi par l’emprunteur présente un niveau de garantie équivalent au contrat initial (C. consom. art. L 313-30).

Si ce n’est pas le cas, le prêteur peut opposer à l’emprunteur un refus motivé. La loi du 28 février 2022 renforce cette obligation de motivation : toute décision de refus devra être explicite, comporter l’intégralité des motifs du refus et mentionner, le cas échéant, les informations et garanties manquantes dans le contrat proposé par l’emprunteur (C. consom. art. L 313-30 modifié).

En cas d’acceptation de l’assurance choisie par l’emprunteur, le prêteur doit modifier par un avenant le contrat de crédit immobilier, afin notamment d’y mentionner le nouveau taux annuel effectif global (TAEG). A compter du 1er juin 2022, cette modification devra intervenir dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution (art. L 313-31, al. 3 modifié). En contrepartie de cette acceptation, le prêteur ne pourra pas modifier les conditions d’octroi du crédit, y compris désormais son mode d’amortissement (art. L 313-32 modifié).

Le prêteur qui ne respectera pas ces obligations sera passible d’une amende administrative ne pouvant pas excéder 3 000 € s’il est une personne physique et 15 000 € s’il est une personne morale (C. consom. art. L 341-44-1 nouveau).

Renforcement de l’information de l’emprunteur

Comme les mesures concernant le droit de résiliation, celles relatives à l’information de l’emprunteur seront applicables aux nouvelles offres de prêt émises à compter du 1er juin 2022 ; pour les contrats d’assurance en cours d’exécution à cette date, elles ne le seront qu’à compter du 1er septembre 2022 (Loi 2022-270 art. 8).

Obligation d’information à la charge du prêteur

Préalablement à la formulation d’une offre de prêt, le prêteur doit fournir à l’emprunteur, sur support papier ou tout autre support durable, un document mentionnant le coût de l’assurance qu’il propose (C. consom. art. L 313-8, al. 1).

Ce coût est exprimé en montant total en euros sur la durée globale du prêt. La loi Lemoine prévoit que le coût de l’assurance devra aussi être exprimé sur une durée de 8 ans (art. L 313-8, 2° modifié), qui correspond, selon le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), à la durée moyenne de remboursement d’un crédit immobilier.

Le prêteur doit également joindre à ce document une fiche standardisée d’information (laquelle mentionne la possibilité pour l’emprunteur de choisir son assureur et indique les types de garanties proposées) et une notice d’information qui énumère les risques garantis et précise les modalités de mise en jeu de l’assurance (art. L 313-8, al. 6).

A compter du 1er juin 2022, cette notice devra aussi indiquer la possibilité pour l’emprunteur de résilier le contrat d’assurance à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt (même art. modifié).

Obligation d’information à la charge de l’assureur

La loi 2022-270 crée une nouvelle obligation à la charge de l’assureur : il devra informer chaque année l’emprunteur, sur support papier ou tout autre support durable, du droit qu’il aura de résilier le contrat d’assurance à tout moment, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il devra respecter (C. ass. art. L 113-15-3 nouveau).

Sanction encourue

Le prêteur ou l’assureur qui ne respectera pas les nouvelles obligations d’information s’exposera à une amende administrative maximale de 3 000 € s’il est une personne physique et de 15 000 € s’il est une personne morale (C. consom. art. L 341-26-1 et C. ass. art. L 113-15-3, nouveaux).

Accès facilité au crédit pour les personnes présentant un risque aggravé

Renforcement du « droit à l’oubli »

La convention Aeras, mise en place par la loi 2007-131 du 31 janvier 2007, facilite l’accès des personnes présentant un risque aggravé, en raison de leur état de santé ou d’un handicap, au crédit et à l’assurance des prêts. Elle a notamment créé un « droit à l’oubli », interdisant aux assureurs de demander, sur les personnes ayant souffert d’un cancer et désireuses de souscrire une assurance, des informations médicales sur ces pathologies (CSP art. L 1141-5, al. 4) :

  • plus de 10 ans après la fin du protocole thérapeutique pour les cancers diagnostiqués à partir de 21 ans ;

  • plus de 5 ans après la fin du protocole thérapeutique pour les cancers diagnostiqués plus tôt.     

La loi du 28 février 2022 uniformise le régime : le droit à l’oubli s’applique dans tous les cas dès lors que 5 ans se sont écoulés après la fin du protocole thérapeutique. De plus, elle en étend le bénéfice aux personnes anciennement atteintes d’hépatite C (CSP art. L 1141-5, al. 4 modifié). Sans précision de la loi, cette mesure est d’application immédiate.

Les signataires de la convention Aeras (pouvoirs publics ; représentants des banques et des assurances ; associations de malades et de consommateurs) devront engager une négociation avant le 1er juin 2022 pour notamment élargir le bénéfice du droit à l’oubli à d’autres pathologies que le cancer et l’hépatite C (le diabète, par exemple). En l’absence d’accord, cet élargissement sera fixé par décret, au plus tard le 31 juillet 2022 (Loi art. 9).

Suppression du questionnaire médical pour certains prêts immobiliers

Au moment de la conclusion du contrat d’assurance emprunteur, l’assureur interroge l’emprunteur afin d’apprécier plus précisément les risques qu’il prend en charge ; l’emprunteur est tenu de répondre exactement aux questions posées (C. ass. art. L 113-2, 2°).

A compter du 1er juin 2022, l’assureur ne pourra exiger aucune information sur l'état de santé ni aucun examen médical de l'emprunteur lorsque (art. L 113-2-1 nouveau) :

  • la part assurée sur l'encours cumulé des contrats de crédit n'excédera pas 200 000 € par emprunteur ;

  • l'échéance du remboursement du prêt interviendra avant les 60 ans de l’emprunteur.

Ces conditions seront cumulatives. Un décret pourra définir des conditions de montant et d’âge plus favorables pour l'emprunteur (même art.).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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