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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Décisions collectives

Les décisions collectives de SAS prises en violation des statuts peuvent être annulées

Une décision de SAS prise sans respecter les règles statutaires sur la compétence des associés ou l’adoption des décisions collectives peut être annulée si la violation est de nature à influer sur le résultat de la consultation.

Cass. com. 15-3-2023 n° 21-18.324 FS-BR, Sté Larzul c/ Sté Groupe française de gastronomie


Par Valentine Oblin
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©Gettyimages

Dans les sociétés par actions simplifiées (SAS), les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient (C. com. art. L 227-9, al. 1). Certaines décisions relèvent obligatoirement de la compétence de la collectivité des associés, et sont adoptées dans les conditions elles aussi fixées par les statuts (art. L 227-9, al. 2). Les décisions prises en violation de l’article L 227-9 peuvent être annulées à la demande de tout intéressé (art. L 227-9, al. 4).

Dans une décision qui sera mentionnée dans son rapport annuel, la Haute Juridiction vient de juger pour la première fois qu’une décision de SAS qui ne respecte pas le régime des décisions collectives fixé par les statuts pouvait être annulée.

Nullité possible des décisions violant les statuts

La Cour de cassation juge désormais que l’article L 227-9, al. 4 du Code de commerce permet à tout intéressé de demander l’annulation des décisions de SAS prises en violation des clauses statutaires qui, en application de l’alinéa 1 de ce texte, définissent un domaine de compétence des associés complémentaire à celui fixé par la loi et les modalités de l'adoption des décisions collectives concernées. Pour la Cour, l’article L 227-9, al. 4 doit être lu comme visant les décisions prises en violation de ces clauses.

Ce texte, ajoute-t-elle, a été institué afin de compléter, pour les SAS, le régime de droit commun des nullités des actes et délibérations des sociétés commerciales.

Dans les sociétés commerciales, outre les cas de fraude ou d’abus de droit, les décisions sociales modifiant les statuts ne peuvent être annulées que si une disposition expresse le prévoit (disposition du Livre II du Code de commerce - c’est-à-dire celui consacré aux sociétés commerciales – ou des lois régissant la nullité des contrats), la nullité des autres décisions ne pouvant résulter que de la violation d’une disposition impérative de ce Livre ou des lois qui régissent les contrats (C. com. art. L 235-1).

La Haute Juridiction rappelle qu’elle juge de façon constante que le non-respect des statuts n’est pas sanctionné par la nullité, sous réserve des cas où il est fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d’aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci (Cass. com. 18-5-2010 n° 09-14.855 FS-PBIR : RJDA 8-9/10 n° 850). Elle a appliqué cette jurisprudence aux décisions prises en violation des clauses statutaires définissant les décisions relevant de la compétence de la collectivité des associés de SAS en application de l’article L 227-9, al. 1 (Cass. com. 26-4-2017 n° 14-13.554 F-D : Rev. sociétés 2017 p. 422).

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation revient sur cette solution (dont on peut regretter l’erreur de motivation, la décision se fondant sur l’alinéa 2 de l’article L 227-9 au lieu de l'article L 235-1, ce qui en réduisait l’intérêt). Elle explique les raisons de ce changement.

Certes, les clauses statutaires qui déterminent les décisions à prendre collectivement par les associés ainsi que les formes et conditions dans lesquelles elles doivent l’être en application de l’article L 227-9, al. 1 n’aménagent aucune disposition impérative, tirant au contraire parti de la liberté que ce texte laisse aux statuts. Cependant, l’organisation et le fonctionnement des SAS relèvent essentiellement de la liberté statutaire. Il en résulte que le respect de ces clauses est e ssentiel au bon fonctionnement de la société et à la sécurité de ses actes. Or les limitations apportées par cette jurisprudence à la possibilité de voir sanctionner par la nullité la méconnaissance de ces clauses conduisent à ce que leur violation ne puisse pas être sanctionnée.

Comme nous le soulignions (Mémento Assemblées générales 2022-2023 n° 98464), la solution de l’arrêt de 2010 a pour conséquence d'affaiblir la force obligatoire des statuts de SAS, qui relèvent pour l'essentiel du domaine contractuel et pour lesquels les nullités légales sont limitées. Nous préconisions d’adopter une lecture large de l’article L 227-9, al. 4, et de considérer que ce texte s’applique en cas de violation des dispositions statutaires organisant les décisions collectives en application de l’article L 227-9, al. 1.  

Le Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) a, lui aussi, relevé que le dispositif des nullités était peu adapté aux sociétés « contractuelles », telle la SAS, car leurs règles de fonctionnement étaient moins bien protégées que celles des autres formes sociales, prévues dans des dispositions légales impératives (Rapport HCJP du 27-3-2020 sur les nullités en droit des sociétés p. 19). Faisant un constat similaire, le groupe de travail sur les SAS du HCJP a proposé de modifier la loi pour inclure une nullité facultative en cas de violation des clauses statutaires prévues par l’article L 227-9 (Rapport HCJP du 29-9-2019 concernant le régime des SAS p. 12).

L'arrêt commenté répond à ces préoccupations.

Influence sur le résultat de la consultation

Par ailleurs, la Cour de cassation encadre les conditions de la nullité nouvellement reconnue.

L’annulation, énonce-t-elle, peut être poursuivie par tout intéressé, lorsque la violation des règles statutaires est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.

En conséquence, le demandeur n’a pas à démontrer que la décision prise aurait été différente si les règles avaient été respectées, mais seulement qu’il existait une possibilité que la décision soit différente.

Cette condition relève d’une appréciation au cas par cas. Peuvent ainsi être pris en compte des éléments de fait autres que la question de savoir si le nombre de voix détenues par le demandeur permettait de faire basculer la décision (théorie du « vote utile »). Par exemple, si une consultation écrite est organisée alors que les statuts exigent une assemblée, un associé minoritaire pourrait démontrer qu’il aurait pu convaincre lors des débats un nombre suffisant d’associés de voter dans le même sens que lui.

Documents et liens associés

Cass. com. 15-3-2023 n° 21-18.324 FS-BR, Sté Larzul c/ Sté Groupe française de gastronomie

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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